Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. À la une ce mois-ci : chirurgie à haut risques et concurrence entre les hôpitaux, le manque de généralistes au Canada, la coproduction de soins en France, l'impact de la pénurie de généraliste sur la durée de vie des patients anglais...
L’étude proposée analyse l’effet d’un choix du patient dans un contexte de concurrence de l’offre chirurgicale par rapport à une absence de choix pour ce patient. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer l’effet positif ou négatif pour le risque chirurgical d’un marché de santé plus ou moins ouvert à la concurrence.
Il s’agit d’une étude rétrospective conduite de mai 2022 à mars 2023 portant sur des patients chirurgicaux (ayant subi une des 10 interventions lourdes, cardio-vasculaires, pulmonaires, digestives et de prothèses orthopédiques incluses). Ces patients ont tous plus de 65 ans et sont assurés par Medicare aux États-Unis. Les hôpitaux sont répartis des zones à forte densité d’offre chirurgicale et des zones à faible densité.
Au total, 2 242 438 patients sont inclus (âge moyen 74,1 ans, 59,3 % de femmes). L’analyse est conduite par type d’intervention, en regardant la mortalité à 30 jours. Seules deux interventions ont une mortalité plus sensible pour les zones à plus grande offre médicale (réparation valve mitrale (OR], 1.11 ; 95 % CI, 1.07-1.14) et endartériectomie carotidienne (OR, 1.06 ; 95 % CI, 1.03-1.09).
Par contre la fréquence de ré-hospitalisation à 30 jours est plus élevée pour 5 interventions (anévrysme aortique, chirurgie bariatrique, œsophagostomie, prothèses de genou et hanche) allant d’un Odds Ratio-OR de 0.97 ; 95 % CI, 0.94-1.00, pour la prothèse de hanche à un OR de 1.09 ; 95 % CI, 0.94-1.26, pour la chirurgie bariatrique.
Les hôpitaux situés en zones plus concurrentielles traitent en général des patients plus âgés et plus comorbides.
La conclusion des auteurs est que l’étude n’a pas fait la preuve d’un intérêt pour le patient à organiser une offre de soin plus pléthorique et concurrentielle ; c’est même plutôt l’inverse.
Le collège de médecine générale canadien a recommandé en 2022 d’étendre l’internat de médecine générale d’un an (de 2 à 3 ans), pour permettre aux jeunes médecins de mieux connaître et appréhender la demande sociétale en soins primaires, de mieux gérer la complexité du terrain, et de mieux prendre en charge les comorbidités dans une logique de soins primaires.
Les analyses de la formation des médecins montraient sur tous ces sujets des manques criants.
Mais le risque est cependant d’encore plus décourager les futurs médecins, et de les mettre en difficulté dans leur choix, y compris familial en retardant des projets personnels.
Une autre réalité, déjà aujourd’hui, est d’être au rendez-vous de ces nouvelles formations : il existe déjà par exemple une formation pratique au maintien à domicile des patients, mais sa réalité est discutable tant l’encadrement sur le terrain fait défaut.
On note cependant qu’une récente étude américaine sur l’introduction de nouvelles formations pratiques pour les généralistes et une meilleure compréhension des attentes de la population montre qu’elle peut susciter de nouvelles motivations à s’installer dans ces zones déprivées.
Les jeunes médecins hésitent souvent à faire le pas de l’installation dans ces régions déprivées en rapport à ce qu’ils ressentent comme leur manque d’expérience sur les urgences, sur la médecine palliative, et la médecine en lien avec les addictions dans ces conditions isolées d’exercice. Un renforcement de ces matières dans le cursus peut aussi faciliter le choix.
Le collège est aussi conscient que cette formation complémentaire pratique et originale pourrait donner lieu à un certificat dédié (Certificate of Added Competence (CAC) et ne doit pas être imposée pour s’installer dans ces zones déprivées, au risque d’avoir encore plus un goulet d’étranglement des motivations.
Une expérimentation grandeur nature sur cette formation, en synchronie avec l’université, les territoires et la population est en cours de déploiement au Canada pour tester la meilleure voie possible à l’avenir.
Le défi d’une approche réussie doit s’inscrire dans une perspective cohérente, régionale, universitaire, et avec tous les attributs d’intérêts, d’organisation globale préservant la vie privée et le plaisir à travailler de ces jeunes professionnels, sans oublier les marqueurs de reconnaissance (sociale et y compris financière).
Les émigrés rencontrent souvent des difficultés de maîtrise de la langue, doublées tout aussi souvent d’un niveau économique et d’éducation inférieurs à la moyenne de la population d’accueil.
Cette étude teste le surrisque d’erreur diagnostique sur cette population par rapport à une population témoin du pays à partir de signalements d’événements indésirables. Le travail est réalisé sur la base de données des signalements américains de l’Institute for Healthcare Improvement -IHI). 596 déclarants sont inclus avec 381 rapports analysés en détail.
Après ajustement des données (sexe, âge, CSP, maîtrise de la langue, pathologies associées), les patients défavorisés ont plus souvent que les autres et de façon très significative, une cause évidente de mauvais diagnostic associé à leur faible maîtrise linguistique, à leur difficulté à suivre le plan de soin, à leur difficulté à revenir aux consultations planifiées, avec des dossiers in fine incomplets facilitant le cumul d’erreurs de suivi des symptômes et pathologies.
Dans les 6 dernières années, les hôpitaux ont essayé dans tous les pays occidentaux de mieux canaliser les entrées, et notamment de trouver des lits plus rapidement et plus pertinemment pour les urgences.
L’étude proposée est de type rétrospective, avant-après la mise en place d’un contrôle autoritaire, centralisée sur des entrées dans l’hôpital de Bradford, bien connu pour des événements dramatiques qui avaient défié la chronique dans le passé.
L’étude analyse les données de 2018 à 2021, en s’attachant particulièrement aux caractéristiques du flux patient (attente, durée d’hospitalisation, délai d’accès au médecin) et à la proportion de mauvaises prises en charge (traitement inadéquat, mauvaise coordination dans la prise en charge.
Le temps de prise en charge médicale s’est amélioré marginalement, avec un raccourcissement de 0,9 minutes, avec un gain plus significatif de 3 minutes en moyenne sur le contact avec l’entité régulatrice.
Cependant, le temps total jusqu’à la fin de consultation a augmenté de 11,5 minutes, et même de 52 minutes pour le temps total passé à attendre l’orientation définitive aux urgences. La qualité des prises en charge n’est pas non plus améliorée.
Ces résultats démentent l’intérêt d’une centralisation qui s’avère plus handicapante que profitable avec un excès de contraintes/procédures administratives aveugles surajoutées et une perte de contacts directs.
La coproduction de soins est une idée déjà ancienne introduite avant le Covid par Paul Batalden au nom de l'IHI (Institut Healthcare Improvement). Elle demande fondamentalement à passer d’une vision du soin "conçue pour le patient" vers une vision du soin "conçue avec le patient".
Le Covid a montré toutes les difficultés à ce passage, en étant dominé par des visions autoritaires du soins… pour le bien du patient. Les rares exceptions à cette approche top-down du soin se trouvent au Danemark, avec une culture de mutuelle confiance, et de volonté d’organiser le soin de sorte à mobiliser et à s’appuyer sur la société civile.
Sur le fond, la coproduction est un concept séduisant, mais trop souvent devenu un simple buzz de communication. On ne sait pas grand-chose de ce que donnerait un déploiement réel, puisqu’il n’existe nulle part, et on a encore moins de retour objectif sur le coût de ce déploiement pour chaque partie et les conséquences positives ou négatives associées.
En théorie, la coproduction est définie comme la mobilisation ensemble des parties soignantes, du patient, de ses aidants, de la société civile (communautés), et plus globalement de tout le réseau existant d’aides médico-sociales pour définir un partenariat équitable pour chaque cas. Ceci suppose une confrontation et une gestion des différents pouvoirs forcément situés dans différentes mains.
Selon ses fondateurs, le bénéfice de la coproduction n’est acquis que si ces pouvoirs cherchent ensemble et en toute confiance mutuelle à obtenir un partage plus équitable du soin, sans arrière-pensée, et de façon très concrète sur le terrain. D’une certaine façon, les nouveaux instruments numériques, notamment à base d’IA, doivent être considérés comme un nouveau pouvoir qu’il faut intégrer aux pouvoirs existants.
Les auteurs proposent un guide de ce qu’il convient de prendre en compte pour coconstruire le soin :
Le Royaume-Uni manque de généralistes. L’accès aux soins primaires s’en ressent.
Cette étude évalue la conséquence de cette pénurie sur la durée de vie moyenne des citoyens.
Les variables analysées reposent sur un "index de réduction" d’accès au généraliste, calculé à partir :
Il ressort que le niveau de pénurie de soignants (médecins et infirmiers) est très fortement associé à la durée de vie des citoyens habitants ces différents secteurs.
Les régions extérieures à Londres sont fortement affectées même pour les populations blanches.
Les femmes habitants des régions en pénurie où la tension artérielle est moins souvent contrôlée sont particulièrement concernées par ce raccourcissement moyen de la durée de vie.
Inversement, les régions souffrant moins de pénurie, avec un accès aisé aux prestations de soins primaires, sont au contraire fortement associées aux plus longues durées moyennes de vie. L’accès médical le jour même de la demande est aussi fortement associé à la durée de vie, mais pour les hommes seulement.
Étude Chinoise randomisée en double aveugle sur 12 mois en 2019-2020 d’une cohorte de 3 797 patients de 124 hôpitaux chinois ayant présenté une élévation du segment ST (infarctus) et qui bénéficient pour le d’une revascularisation classique (STEMI), puis d’une administration de médecine chinoise traditionnelle d’accompagnement (tongwinjuo) pour le groupe expérimental et d’un placébo pour le groupe témoin.
Le groupe ayant reçu la médecine traditionnelle chinoise a réduit significativement les complications cardiovasculaires à 30 jours en rapport du groupe témoin (3,4 % contre 5, 2 %), avec une réduction significative de la mortalité (5,3 % contre 8,3 %).
Ces bénéfices persistent à un an.
66 millions d’américains souffrent d’un accès difficile à leur médecin généraliste.
L’étude compare le pronostic chirurgical pour une intervention non planifiée entre ces patients ayant un accès difficile et ceux ayant eu un accès plus facile à leur généraliste.
Le protocole repose sur une approche rétrospective d’une cohorte de patients de plus de 66 ans opérés en urgence aux États-Unis entre 2025 et 2028.
Les cas sont catégorisés selon la sévérité de la chirurgie (5 niveaux) et selon des variables de description générale du patient, incluant son accès au généraliste dans les mois précédents.
Au total, 102 384 patients sont inclus dans la cohorte (âge moyen 73,8 ans). 88 340 d’entre eux (86,3 %) avaient pu voir un médecin généraliste dans l’année précédent la chirurgie.
Après ajustement des données, les patients ayant eu un accès à un généraliste dans l’année ont un effet de 19 % de moins de risques de complications (odds ratio [OR], 0.81 ; 95 % CI, 0.72-0.92), et de 27 % moins de risques de mortalité (OR, 0.73 ; 95 % CI, 0.67-0.80.). Cet effet considérable se retrouve à tous les pas du parcours de l’opéré (30 jours, 60 jours, 90 jours, et 120 jours).
Cet effet postopératoire lié à l’accès plus ou moins facile au généraliste dans l’année précédent l’intervention est co-substantiel du statut social des populations défavorisés (population noire américaine notamment) ; les deux critères évoluent dans les mêmes sens.
Mais par contre, les résultats restent vrais même pour les populations socialement privilégiées qui, pour d’autres raisons que la pauvreté (notamment le cas des déserts médicaux), présentent la même différence de risque postopératoire entre celles qui ont un accès facile au généraliste versus celles qui ont un accès difficile.
Les auteurs insistent ainsi sur l’importance du lien avec le généraliste pour abaisser le risque chirurgical, dans une logique de prise en charge préventive, coordonnée et globale.
La mise à disposition publique de Chat GPT et ses dérivés langagiers à base d’IA a ouvert un usage qui se répand rapidement dans le grand public. C’était forcément tentant d’en concevoir des applications médicales pour le conseil aux patients, mais il restait à en évaluer la pertinence des réponses fournies.
Cette étude américaine vise cet objectif. Elle évalue les conseils fournis par 4 systèmes à base d’AI Chatbot médical, versions dérivées de Chat GPT, à un panel de 100 patients atteints de cancer de la peau, du poumon, colorectal, et de la prostate.
L’analyse, réalisée entre 2021 et 2023, porte plus particulièrement sur les 5 questions les plus récurrentes observées de la part des patients.
On mesure la pertinence de l’information fournie, sa compréhensibilité et son utilisation pratique par les patients.
La qualité des informations s’avère bonne (score moyen sur l’échelle de pertinence), la compréhensibilité reste modérée (conseils formulés plutôt en des termes techniques et pour des sachants), l’utilisation pratique limitée, mais on note cependant que ces conseils ne comportent aucune erreur ou mauvaise information avérée.
En conclusion, ces systèmes fonctionnent, mais dans l’état, sont plutôt à utiliser en complément d’un accès à une information fournie par des humains.
Depuis 2015, la Haute Autorité de Santé (HAS) développe des indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS) de type résultats mesurés à partir des bases médico-administratives. Leur élaboration est réalisée avec les professionnels de santé, les médecins codeurs de l’information médicale et les patients. Pour cela, la HAS utilise une méthode robuste conçue pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins répondant aux critères de validation internationaux publiés qui conditionnent la ou les utilisations de l’indicateur : amélioration de la qualité et gestion des risques, certification des établissements de santé, diffusion publique, financement à la qualité.
Le présent article décrit le développement par la HAS d’un indicateur de résultats en chirurgie calculé à partir des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) : il mesure la récupération de cinq complications postopératoires et s’inscrit dans la littérature importante publiée sur la récupération des complications postopératoires (connue en anglais sous le nom de Failure to rescue).
Les objectifs d’une telle mesure sont multiples :
Les petits hôpitaux de province sont souvent en difficulté pour assurer les soins requis dans les cas médicaux/urgences complexes. Pour autant, la décision de transfert vers un grand hôpital est souvent retardée, au risque du patient.
Une expérience de transfert automatique de ces patients a été tentée dans un hôpital secondaire de la région de Boston pour transférer après évaluation et conditionnement de départ de patients complexes vers un CHU dans une logique de coordination et de mutuelle assistance. Les conditions de transfert exigées sont une évaluation et prise en charge de départ dans l’hôpital secondaire initiée et effectuée au quart de ce que requiert la totalité des étapes de la procédure recommandée.
L’analyse porte sur 215 transferts possibles, dont 113 se sont avérés réussis et profitables au patient. Les pathologies justifiant le transfert étaient des sepsis (13,1 %), AVC (12,11 %), hématomes intracrâniens (10,9 %), syndrome abdominal aigu (9,8 %) et traumas sévères (9,8 %).
La durée moyenne de séjour de départ dans l’hôpital secondaire s’élevait à 13 jours, suivi de 12 jours en moyenne au CHU.
Cette procédure a créé une capacité additionnelle, de 2 842 journées d’hospitalisation dans l’hôpital secondaire et permis l’admission de 431 patients de plus. Le taux de réadmission secondaire dans l’hôpital secondaire des patients transférés au CHU reste inférieur à 1,9 %.