Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : les "never events" en France, les événements en pédiatrie hospitalière, le travail collectif avant et pendant le Covid, la méthode de signalement des événements critiques...
Étude rétrospective des "never events" (mauvais patients, mauvais sites, mauvaises procédures) effectuée sur la période 2007-2027 sur la base de données de la SHAM (assurance médicale française qui assure une très grande partie des hôpitaux et des établissements privés).
L’analyse recense un total de 219 "never events" (0,4 %) de la totalité des plaintes. L’orthopédie est la discipline la plus représentée (34 %), suivie de la neurochirurgie (14 %) et des soins dentaires (14 %).
Les plaintes concernent d’abord des mauvais organes (44 %), des mauvais côtés (39 %), des erreurs de patients (13 %), et enfin des erreurs de procédures (4 %). Les entités concernées sont surtout les hôpitaux publics (69 %), les cliniques privées (19 %) et les médecins (10 %).
Si l’on considère la dimension temporelle, le taux de "never events" a été réduit de 20 % depuis l’imposition obligatoire de la check-list chirurgicale (22 contre 17,5 "never events"/an).
Les causes restent le dysfonctionnement de l’équipe (87 %), et les particularités de la tâche à accomplir (78 %). Une cause directe est retrouvée dans 20 % des cas, notamment les questions d’organisation défaillante et la tenue du dossier médical. La plainte a donné lieu à une procédure de conciliation dans 69 % des cas contre 30 % devant un tribunal (où les compensations ont été les plus fortes).
Revue de littérature et méta-analyse des publications sur le taux et la nature des EI en pédiatrie hospitalière, dépistés par la méthode des Global Trigger tools (GTT- analyse informatique des indicateurs d’EI présents dans les dossiers médicaux des patients).
Au total 32 études rapportées dans 44 articles, conduites dans 15 pays, concernant 33 873 admissions pédiatriques, publiées avant juin 2021. Ce sont 8 577 EI qui ont été identifiés par ces méthodes GTT.
L’EI le plus fréquent est l’infection nosocomiale en service général de pédiatrie (6,8 % - 59,6 %) avec des formes pulmonaires graves en soins intensifs (10,5 % - 36,7 %), avec un risque potentiel finalement très variable allant de 6,9 % à 91,6 % des enfants hospitalisés selon l’étude. Des défauts de qualité dans beaucoup d’études restent un problème, et il est difficile au regard de cette littérature d’en tirer un risque unifié qui ferait sens.
Les urgences pédiatriques sont souvent saturées et toute solution visant à réduire les délais et améliorer le flux patient et sa prise en charge mérite attention. Une équipe de Clermont-Ferrand a testé la délégation aux infirmiers des urgences pédiatriques de la prescription de radiographies.
L’étude est rétrospective, monocentrique, construite sur une durée de 6 mois avec un protocole avant-après, 3 mois avant mai 2020 et 3 mois après introduction de la délégation entre mai et août 2020. Elle inclut tous les patients de plus de 3 ans, valides, non allergiques, accompagnés de leurs parents et consultants aux urgences du CHU pour un traumatisme distal impliquant un seul membre. 695 patients ont été inclus, 298 avant, et 397 après.
Le temps moyen de séjour aux urgences de ces patients a été significativement réduit avec la délégation (119 minutes avant - 80-165 - contre 80 minutes après - 60-105 -, P < 0,001), soit 39 minutes de moins en moyenne (33 % de moins).
Un tel triage par les infirmiers a été jugée adéquat et suffisant dans 95,2 % des cas, avec seulement 2 % d’indications radiographiques jugées inutiles par les médecins, et 2,8 % des cas où une autre radiographie a dû être prescrite en complément.
Cette modalité de délégation est donc jugée très pertinente.
La pandémie du Covid a stressé comme jamais les équipes de soins. Cette étude évalue l’impact sur le travail collectif à partir d’une méthode utilisant un questionnaire sur les conditions du travail collectif, soumis avant et pendant le Covid à 50 000 travailleurs médicaux de trois grands réseaux de santé américains.
Le taux de réponse au questionnaire a été de 75,4 % avant et 74,79 % pendant le Covid. Globalement, on y lit que le climat favorable au travail collectif s’est dégradé pendant le Covid (45,6 % contre 43,7 %, P<0,0001). C’est aussi ce que l’on constate au niveau des services avec 35 % de ces services médicaux qui ont vu le climat collectif se détériorer en période Covid, contre seulement 4 % qui l’ont vu s’améliorer. Les points particulièrement vulnérables sont multiples, particulièrement le "pouvoir s’exprimer et être écouté", le "résoudre rapidement les conflits", et "se coordonner en interprofessionnel". Ce sont les services qui avaient le plus investi dans ces trois pôles qui ont préservé au mieux la dégradation du climat collectif.
La méthode de signalement des événements critiques (Critical incident reporting systems - CIRS) est utilisée dans le monde entier ; il s’agit d’un système de signalement finalement assez banal centré sur les incidents de tout ordres observés dans les services, et sur leur débriefe et corrections pour qu’ils ne se renouvellent pas.
La revue de littérature a sélectionné 41 articles portant sur 479 483 signalements d’incidents critiques dans 212 hôpitaux de 17 pays.
L’analyse porte sur les types d’incidents signalés, leur sévérité et conséquences, et les actions correctives dont ils ont fait l’objet.
Les incidents les plus signalés sont les incidents sur les médicaments (28,8 %) ; le facteur le plus cité est celui ‘"d'erreur active (par rapport à oubli par exemple)". Toutes les professions sont concernées avec les infirmiers représentant le plus gros pourcentage (83,7 %) des auteurs de signalement.
Les actions correctives sont décrites dans 15 des 41 études (36,6 %). Ce point est souligné comme un point faible de ces travaux.
Globalement, les auteurs sont plutôt déçus de la grande variation de qualité, de focus et de méthode d’une étude à l’autre, et plaident pour une plus grande standardisation des études permettant des comparaisons et résultats de meilleure qualité.
Le calcul du bénéfice thérapeutique en santé publique utilise des indicateurs différents. Longtemps limités au simple calcul de durée de vie, ces indicateurs ont voulu associer la notion de qualité de la vie restant à vivre à la notion de quantité de vie gagnée. Le plus populaire est le QALY (quality-adjusted life years), le HALY (health-adjusted life years) et le DALY (disability-adjusted life years). A noter que QALY et HALY ne sont pas pondérés et ajustés aux données socio-économiques et biographiques. Le DALY a été le premier indicateur créé dans les années 90 incluant des aspects de perte d’autonomie et de perte de qualité de vie. Le QALY a été créé après, il comporte plus de détails et est devenu encore plus populaire. Le HALY, reste le plus global, utilisé comme un indicateur global.
Cette analyse se focalise justement sur les fondements réels des "axiomes" constituant la mesure du HALY de sorte à construire des outils de calculs transparents sur ce que l’on prend réellement en compte, et comment. Évidemment, les notions complexes de raccourcissement de la durée de vie et de temps restant de vie en bonne santé, sont des éléments clé de cet indicateur.
À noter que cet indicateur HALY se compose de trois dimensions, la quantité - durée - de vie, la qualité de vie en termes objectifs d’autonomie, et une dimension plus individuelle et subjective sur les attentes de chacun sur son parcours de fin de vie, toutes trois objets d’une construction axiomatique qui précède et nourrit les calculs.
L’article se poursuit par une démonstration mathématique des différents théorèmes issus de ces axiomes qui conduisent à l’estimée finale d’une valeur de HALY. Les auteurs insistent sur la question de la mauvaise prise en compte des différences socio-économiques des populations, quasi-absente dans tous ces indicateurs, un point qui à la fois limite la valeur actuelle de ces indicateurs et incite fortement à la recherche d’une évolution axiomatique pour les faire évoluer.
La loi de santé suisse prévoit depuis peu une nouvelle source de revenus pour les médecins généralistes en fonction de médicaments détenus au cabinet et remis directement aux patients contre paiement (en concurrence des pharmacies).
Du coup, la réforme créée maintenant des médecins généralistes qui ont choisi cette pratique et ceux qui ne l’ont pas choisi.
Cette distinction permet de facto de mesurer l’impact de la nouveauté sur les consommations médicamenteuses dans les deux cas.
Les résultats de cette comparaison conduisent à quatre constats :
Étude longitudinale de la survie à un an des résidents de plus de 65 ans de 5 590 EHPAD aux Etats-Unis ayant subi une chirurgie majeure entre 2011 et 2018.
Un total de 1 193 patients est inclus, avec un âge moyen de 79,2 ans, dont 665 de femmes (55,7 %).
Les résultats montrent 206 décès à 1 an après ces chirurgies lourdes, soit un taux de 13,6 % une fois les données corrigées (les causes du décès et leur lien à la chirurgie). La mortalité à un an est de 7,4 % pour les chirurgies électives, et 22,3 % dans les autres chirurgies. Elle est modeste (6 %) chez les patients qui étaient sans facteur surajouté avant chirurgie, mais cette mortalité atteint 11,6 % pour les patients comorbides sans démence, et 32,7 % pour les patients déments.
Les auteurs souhaitent que ces chiffres soient mieux pris en compte dans les indications opératoires.
La prescription sociale (social prescribing) est une nouvelle approche développée au Royaume-Uni qui vise à mieux médicaliser les populations déshéritées et multimorbides. L’approche peut revêtir plusieurs formes qui vont de l’accès à une aide en ligne jusqu’à un accompagnement personnalisé de ces patients, pas nécessairement effectué par un acteur médical, mais plus souvent par un travailleur social connecté au secteur primaire et aux médecins généralistes.
La revue regroupe les résultats de 8 études, publiées dont 5 randomisées couvrant 6 500 patients déshérités et multimorbides membres de communautés pauvres au Royaume-Uni.
Quatre de ces 8 études ne retrouvent aucun bénéfice de cette intermédiation par des agents sociaux sur les résultats cliniques et sur la qualité de vie sur le long terme (HALY) . Quatre études rapportent une amélioration de la santé mentale de ces patients. Deux relatent des résultats cliniques, plus concrets avec une réduction des hospitalisations.
Dans l’ensemble, les résultats ne sont pas très positifs pour ces pratiques.