Retrouvez l'analyse de la presse internationale sur le risque médical par le Professeur Amalberti. A la une ce mois-ci : enquête sur la fréquence des EIG en France, le burn-out des médecins, effectifs infirmiers et taux de mortalité intra-hospitaliers au Royaume-Uni, étude sur l’excuse et l’explication de l’erreur au patient au Brésil...
L’étude ENEIS 3 visait à suivre l’évolution de l’incidence des événements indésirables graves (EIG) associés aux soins dans les établissements de santé entre 2009 et 2019.
Une enquête nationale, longitudinale, prospective d’incidence sur une population ouverte de séjours de patients hospitalisés à temps complet et suivis pendant une période de sept jours, à partir d’un échantillon tiré au sort d’établissements de santé publics et privés en France métropolitaine selon un plan d’échantillonnage en grappe à trois degrés (département, établissement, unité de soins) et stratifié (médecine, chirurgie).
123 EIG ont été identifiés lors du suivi de 4 825 patients sur 21 686 journées d’observation.
En moyenne, on observait 4,4 événements indésirables graves (EIG) (intervalle de confiance à 95 % : IC 95 % : [2,9-6,8]) en 2019 pour 1 000 jours d’hospitalisation, dont 34 % évitables. Des EIG ont causé 2,6 % [1,8-3,8] des séjours, dont 53 % étaient évitables.
La densité d’incidence des EIG évitables survenus pendant l’hospitalisation a diminué statistiquement entre 2009 et 2019. En médecine, une tendance à la baisse dans toutes les spécialités, sauf en soins critiques a été observée.
En chirurgie, la densité d’incidence n’a diminué de manière statistiquement significative que dans les CHU (centres hospitaliers universitaires). Les EIG évitables liés aux actes invasifs ont diminué dans les secteurs interventionnels, et non pour les actes chirurgicaux.
Ces résultats confirment une baisse statistiquement significative des EIG évitables et de leur gravité entre 2009 et 2019.
Un nombre important de professionnels de santé sont en burnout. Le problème s’est aggravé avec la pandémie de Covid mais avait commencé bien avant. Une grande revue de littérature avec méta-analyse a été réalisée à partir de 4 732 articles, 170 études observationnelles portant au total sur 239 246 médecins.
Sans surprise, ce sont les questions de non-satisfaction dans le travail quotidien (4 fois plus fort chez les médecins en burnout) et de regret des choix de carrière. Le burnout s’associe avec une plus faible productivité, un professionnalisme jugé deux fois moins bon que chez les médecins non concernés, et une prise de risque supplémentaire avec les patients, avec deux fois plus d’évènements indésirables chez ces médecins en burnout.
Leurs patients étaient aussi deux fois plus insatisfaits en moyenne.
Le burnout était plus fréquent chez les médecins hospitaliers, âgés de 31 à 50 ans, travaillant plutôt sur les urgences et la réanimation. Il était relativement moins fréquent chez les généralistes.
L’association burnout et impact sur le professionnalisme était plus faible chez les médecins de plus de 50 ans, et plus fort chez les internes et très jeunes professionnels, travaillant encore à l’hôpital, aux urgences et dans un pays de richesse moyenne.
Analyse longitudinale rétrospective sur trois hôpitaux anglais des données sur le taux de présence de professionnels de santé au lit du patient et les résultats patients (essentiellement taux de mortalité). Au total l’étude porte sur toute l’année 2017, avec 19 287 jours d’hospitalisation, 4 498 infirmiers, 66 293 admissions et 53 services d’aiguë.
On retrouve uniquement un lien entre les effectifs infirmiers et le taux de mortalité intra-hospitalier (OR 0.9883, 95 % CI 0.9773-0.9996, p=0.0416). Les ratios d’effectifs des autres métiers au pied du lit du patient ne sont pas liés à une variation de la mortalité des patients.
En moyenne, une présence de plus sur 12 heures d’un infirmier s’associe à une réduction d’odds ratio de la mortalité patient de 9,6 % (OR 0.9044, 95 % CI 0.8219-0.9966, p=0.0416). L' ajout d’un infirmier sénior a 2,2 fois plus d’impact sur la réduction du risque patient que l’ajout d’un infirmier moins qualifié.
La qualité des soins pour les patients multi-morbides atteints de cancer et pris en charge sur de longues périodes, particulièrement dans les populations défavorisées, reste un vrai souci. On cite souvent l’importance clé de la coordination des équipes médicales qui prennent en charge ces patients pour obtenir de bons résultats cliniques.
Cette revue de littérature répond à la question et synthétise la littérature de 2000 à 2022 sur les soins d’équipes au long cours en cancérologie pour les patients comorbides.
Un total de 1 821 articles a été consulté, dont finalement 13 ont été retenus pour leur qualité et le respect des critères d’inclusion. Toutes ces études portaient sur le travail d’équipe pendant la phase active de traitement et 9 portaient un regard plus spécifique aux problèmes de prise en charge collective des dépressions associées.
Le concept même de travail d’équipe varie grandement d’une étude à l’autre.
Le travail d’équipe n’est en général pas mesuré, avec une forme d’incantation sur l’importance de l’utilisation des concepts de communication et de modèle mental partagé (dans l’équipe).
Au total, les auteurs trouvent un peu décevant les résultats. Alors que le travail d’équipe est mis en avant comme incontournable à la qualité des soins chez ces patients, les études publiées restent très pauvres méthodologiquement pour démontrer cette utilité, la forme qu’elle doit prendre, et mesurer sa relation avec les résultats cliniques.
Analyse rétrospective multicentres de la performance comparée des chirurgiens hommes et femmes au Japon portant sur 1 147 068 interventions de 6 types (appendicectomie, cholécystectomie, pancréato-duodénectomie, colectomie…) réalisées entre 2013 et 2017. 8 354 soit 7,27 % ont été conduites par des femmes.
Les chirurgiens femmes opèrent moins que les hommes, sauf lors de leur fin de parcours universitaire (assistanat). Elles sont 3,17 plus représentées sur les appendicectomies et cholécystectomies (3,17 fois plus) et en relatif, moins représentées dans les chirurgie du colon (3,65 fois moins) et du pancréas (22 fois moins).
Les auteurs concluent à une moins grande expérience chirurgicale en moyenne chez les femmes, qui s’accroit avec l’âge par une moins grande pratique des chirurgies complexes. Cette différence explique en partie les différences de carrières et d’accès aux postes de responsabilité dans les hôpitaux japonais.
Le suivi à distance des patients à domicile est en pleine croissance. Le suivi de facturation de ces services aux États-Unis montre une augmentation par facteur, quatre sur la seule première année de la pandémie Covid.
Les résultats cliniques sont encourageants, avec pas plus de difficultés notables avec les patients les plus lourds par rapport aux prises en charges classiques. Par contre, cette rapide augmentation repose sur très peu de praticiens concernés.
La situation est encore un peu dans une phase expérimentale et il convient maintenant de mieux standardiser quels patients sont éligibles, de sans doute mieux valoriser ces approches auprès des professionnels, et de procéder aussi à une révision tarifaire de la prise en charge.
Les restrictions de conduite sont toujours mal vécues par les patients et difficiles à prescrire par les médecins.
Cette étude rétrospective étudie les risques d’une population de patients canadiens victimes d’un épisode de syncope ayant justifié leur passage aux urgences de six grands hôpitaux.
Cette cohorte est comparée dans son risque routier suivi pendant un an après la visite aux urgences, à une cohorte équivalente en tout points (sexe, âge, CSP) de patients ayant été vus aux urgences dans la même période pour une autre raison que la syncope.
Au total, 43 589 patients sont inclus dans l’étude (9 223 patients ayant eu une syncope contre 34 366 patients dans le groupe contrôle. L’âge moyen est de 54 ans, avec 51,3 % de femmes.
Les résultats montrent d’abord que les deux groupes de patients (contrôle et avec syncope) ont un risque d’accident routier dans l’année qui suit leur passage aux urgences supérieur à la population générale canadienne (respectivement 12,2, 13,2, contre 8,2 accidents pour 100 conducteurs/an).
Par contre, on ne note pas de différence significative de suraccident entre les deux groupes (contrôle et avec syncope) dans l’année qui suit le passage aux urgences (9,2 % contre 10,1 % ; 95 % CI, 0,87-1,01; P = 0,07), et pas plus de différence même en se limitant aux 30 jours suivant immédiatement le passage aux urgences.
Ces résultats montrent à la fois qu’il y a un surrisque routier dans l’année qui suit chez tous les patients passant aux urgences quelque soit finalement la raison de ce passage, mais que la pathologie spécifique liée à la syncope ne se différencie pas de ce surrisque général.
Les auteurs commentent sur la difficulté de communiquer aux patients ce surrisque, et suggèrent qu’il faudrait être plus clair et plus restrictif sur l’autorisation de conduite.
Les études sur l’excuse au patient sont très marquées dans les pays d’Amérique du Nord, européens et essentiellement anglo-saxons.
Moins de documents existent sur ce qui se passe dans d’autres pays d’Amérique du sud comme le Brésil.
L’étude descriptive a été conduite de juin à août 2021 avec 995 professionnels de santé brésiliens à qui on a adressé un questionnaire sur leur pratique utilisant deux mises en situation clinique.
77,9 % des professionnels brésiliens reconnaissent qu’une explication au patient était due dans les deux cas. Mais 67,1 % redoutent que cette explication et transparence change la perception de leur institution, hôpital ou cabinet, et 8,3 % pensent même que cette transparence va gravement affecter la confiance dans l’institution. 11,5 % pensent aussi que la transparence va augmenter considérablement les plaintes et la réparation en justice.
Sur le fond, on voit que les pratiques au Brésil s’inscrivent dans l’alignement des difficultés déjà connues dans les pays anglo-saxons au début du lancement de cette pratique.
Les urgences sont saturées dans pratiquement tous les pays. On cherche des solutions pour réduire les passages évitables.
Cette étude anglaise a été réalisée entre 2015 et 2020 sur une pratique testée depuis quelques années au Royaume-Uni. La pratique consiste à prévenir les passages aux urgences dits "évitables" en accompagnement les patients à risques au téléphone de façon répétée.
Le panel total comporte 353 patients ayant un fort risque de consultation aux urgences, répartis de façon randomisée entre 253 patients recevant un accompagnement médical téléphonique renforcé, et 110 patients recevant simplement les soins habituels de médecine générale.
Les résultats ne montrent pas de différences significatives entre les panels de patients témoins et bénéficiant d’une prise en charge téléphonique renforcée (P = 0,70).
Pour les patients de plus de 80 ans suivis au téléphone, on a simplement plus de consultations en médecine générale déclenchées par le suivi que dans le groupe témoin (0R 1,33, 95 % 1,28 -1,40, P<0,001).
Les déficits en vitamines B12 (notamment anémie pernicieuse) sont souvent négligés en médecine générale au point que les patients anglais ont recours à des auto-traitements par injection pour ce qu’ils considèrent être une amélioration de leur confort de vie.
Cette étude fait un état des lieux sur cette pratique et ses risques associés.
Elle porte sur trois éléments : la réglementation, la démographie des usagers patients, et une approche par questionnaire des patients concernés et des généralistes.
1 297 patients présentant un déficit en vitamine B12 sont inclus dans le panel étudié, dont 508 (39,2 %) pratiquent un auto-traitement par injection.
Les résultats montrent que ces patients auto-traités, plutôt d’âge supérieur à 34 ans, ne présentent pas de risque d’évènement indésirable supérieur à ceux non concernés. Beaucoup préfèreraient un accompagnement et des conseils de leur généraliste, et beaucoup disent mieux vivre avec ce traitement.
Plus de la moitié des généralistes anglais consultés ne se sentent pas et ne veulent pas être impliqués dans ces auto-traitements.