Une patiente se rend chez le remplaçant de son médecin traitant pour des douleurs abdominales. Celui-ci suspecte une appendicite aiguë et l'adresse aux urgences de l'hôpital. Elle est opérée 2 jours plus tard. Elle décide de déposer plainte contre le chirurgien et l'urgentiste à cause d'un état de post-traumatique responsable d'un état dépressif.
Ultérieurement, en réponse aux questions posées par l'expert, l'urgentiste déclarait qu’: " (...) Il n'avait pas demandé d'échographie car le diagnostic d'appendicite aigue lui paraissait évident et qu'il n'avait pas jugé utile de débuter une antibiothérapie malgré les traitements que suivaient la patiente. Concernant les différents appels téléphoniques passés au chirurgien, il confirmait avoir tenté de le joindre, sans succès, à deux reprises sur son portable mais lui avoir laissé un message. Il ajoutait, par ailleurs qu'à 20 h 00, il avait appelé le chirurgien, à son domicile, sur son téléphone fixe, mais toujours sans succès (...) ". Pour sa part, le chirurgien précisait que: " (...) Son téléphone fixe avait bien sonné à 20 h 00, mais que lorsqu'il avait décroché, son interlocuteur avait déjà raccroché (...)".
Toujours, lors de l'expertise, l'urgentiste précisait qu' : "(...) Il était débordé ce soir-là et ne s'était pas déplacé pour surveiller l'évolution de l'état clinique de la patiente(...) il ne s'était pas préoccupé de l'absence de rappel du chirurgien(...) il n'avait pas contacté l'autre chirurgien de la clinique car celui-ci était en vacances(...). Quant à un éventuel transfert de la patiente dans un autre établissement, il ne l'avait pas envisagé, toute tentative de transfert se soldant toujours par un échec (...) ".
Lors de l'expertise, la patiente précisera qu'au moment de son transfert au bloc opératoire : "elle avait entendu une altercation entre le chirurgien et l'anesthésiste, à son sujet".
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Conseil départemental de l'Ordre des Médecins (décembre 2002)
Invoquant un état de stress post-traumatique responsable d'un état dépressif et imputant des fautes aux médecins l'ayant prise en charge, la patiente déposait plainte à l'encontre du chirurgien et de l’urgentiste auprès du conseil départemental de l'ordre des médecins.
Cette plainte donnait lieu, en juin 2003, à deux décisions « disant ne pas donner lieu à sanction".
Saisine de la Commission de Conciliation et d'Indemnisation (CCI) (avril 2004)
En septembre 2004, la CCI se déclarait incompétente, le seuil de gravité fixé par le Code de la santé publique n'étant pas atteint, le préjudice de la patiente demeurant " essentiellement d’ordre psychique"
Tribunal de Grande Instance (février 2007)
En juillet 2012, les magistrats : " (...)déboutaient la demanderesse de l'intégralité de ses demandes et, en particulier, de sa demande d'expertise médicale, la condamnait à payer au chirurgien, à l'urgentiste et à la clinique la somme de 1000 € chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamnait aux dépens (...)"
La patiente ayant, en octobre 2012, interjeté un appel général du jugement de juillet 2012, par arrêt prononcé en décembre 2013, la Cour d'appel : "(...) infirmait le jugement attaqué en toutes ses dispositions, ordonnait une mesure d'expertise confiée à un professeur d'université, chef de service de chirurgie digestive (...)"
Expertise (juin 2015)
Selon l’expert, " (...) La prise en charge de la patiente au sein de la clinique n'avait pas respecté les bonnes pratiques.
En effet, l'urgentiste qui avait établi le diagnostic d'appendicite aiguë, n'avait pas jugé indispensable de confirmer ce diagnostic par un examen radiologique morphologique afin de préciser la gravité de l'appendicite aiguë, à savoir la présence d'une péritonite appendiculaire, compte-tenu du traitement immunosuppresseur suivi par la patiente, à l'origine d'une atténuation du tableau clinique. Par ailleurs, il fallait débuter dans les plus brefs délais, une antibiothérapie, compte-tenu des particularités du terrain de la patiente. L’urgentiste avait totalement sous-estimé la gravité du tableau clinique de la patiente, faute d'investigations radiologiques adaptées. Il devait formellement établir un contact officiel dans la soirée du mercredi 7 août, avec le chirurgien de garde. Il y a, donc, eu un retard thérapeutique et un défaut de continuité de prise en charge.
Lorsque le chirurgien a retenu le diagnostic de péritonite appendiculaire le jeudi 8 août à 03 h 30 du matin, il aurait dû après instauration d'une antibiothérapie (comme il l'a fait), intervenir en urgence. Il y a eu un retard au traitement chirurgical, car la patiente aurait dû être opérée dans la soirée du 7 août.
Par ailleurs, lorsque le samedi 10 août, le chirurgien a constaté que la patiente était dyspnéique, tachycarde et avait des marbrures au niveau des membres inférieurs, c'était l'indication à une prise en charge par un médecin réanimateur pour corriger les différentes anomalies par un traitement médical adapté ainsi qu'à la réalisation d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien après stabilisation de l'état de la patiente, à la recherche d'une éventuelle cause à ce choc septique, qui n'était pas obligatoirement chirurgicale (...)" .
D'après l'expert sapiteur psychiatre," (...) Il existait, chez la patiente, un état de souffrance bien connu chez les malades atteints d'une maladie rhumatismale chronique dont le territoire s'étend avec le temps. Dans les manifestations psychiatriques, on retrouvait des troubles manifestement post-traumatiques avec cauchemars nocturnes, reviviscences diurnes sur stimuli notamment (hélicoptère atterrissant sur le toit du centre hospitalier) et effet dépressif de ces symptômes pour lesquels la patiente avait été traitée par Deroxat ® jusqu'en décembre 2005. Les troubles neurocognitifs ressentis par la patiente avaient été rééduqués par des séances d'orthophonie. Il subsistait, chez elle, une altération de la force du Moi un affaiblissement narcissique qui lui faisait redouter des séquelles qui, aujourd'hui, sont, en fait, bénignes.
La consolidation peut être fixée à la fin du traitement antidépresseur, soit en décembre 2005. Il n'y a pas eu d'évolution depuis la consolidation et il n'est pas envisageable qu'il y en ait (...)"
Arrêt de la Cour d'appel (mars 2017)
Se fondant sur l'analyse de l'expert, les magistrats estimaient que :
"(...) L'urgentiste avait commis des fautes dans la prise en charge médicale de la patiente, tant sur le plan des examens à effectuer que du traitement à administrer ou de l'orientation à opérer.
Il en était, de même du chirurgien pour ne pas avoir respecté l'obligation élémentaire de répondre au téléphone durant son astreinte, ...en n'opérant pas en urgence la patiente une fois le diagnostic de péritonite posé et en procédant inutilement à la deuxième intervention (...)"
Par ailleurs, se référant à une enquête menée par l’ARH, les magistrats reprochaient à la clinique:" (...) L'absence de procédure en cas d'indisponibilité du chirurgien de garde, telle que celle de contacter le service des urgences du centre hospitalier de la ville pour transférer la patiente (...)"
Considérant que la patiente aurait dû être opérée aux alentours de 20h, le 7 août mais qu'elle l'avait été avec un retard de plus de 12 heures, la Cour évaluait à 70% sa perte de chance d'éviter le dommage qu'elle avait subi. La contribution à cette perte de chance s'établissait à hauteur de 60% pour le chirurgien, 30% pour l'urgentiste et 10% pour la clinique.
Indemnisation de38 800€ dont 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Une fois de plus une expertise bâclée car centrée sur la péritonite.
Ce qui a conduit la patiente en réanimation est le choc septique sur pneumopathie d'inhalation.
La reprise du chirurgien ayant prouvée qu'il n'y avait localement plus aucune infection.
C'est donc un expert anesthésiste réanimateur qu'il aurait fallu nommer.
Bien fort serait l'expert qui pourrait affirmer que cette inhalation a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi, lors de la première AG ou lors de la deuxième AG.
Tout ceci n'excuse pas l'absence d'antibiothérapie précoce dans ce contexte d'imuno-supression qui aurait traité la péritonite mais aussi préventivement un événement non encore survenu : la pneumopathie d'inhalation.
Beaucoup à redire sur le fonctionnement de cette clinique et l'absence de procédure en cas d'impossibilité de joindre le spécialiste référent du problème actuel. Il aurait fallu joindre l'administrateur de garde, ne serait ce que pour tracer ce problème d'accessibilité au chirurgien et confier cette patiente a un autre chirurgien dans un autre établissement.
Par ailleurs quid de la prescription au long cours de corticoïdes sur le psychisme de la patiente et son état dépressif ?
Quid de l'hypothyroïdie sur le terrain anxio-dépressif ?