La complexité et les failles de la surveillance en équipe en post-opératoire...
Or : le dossier infirmier fait mention dès le vendredi 23h d’une rétention urinaire avec sondage, puis la nécessité d’un nouveau sondage le samedi vers midi, sondages répétés à plusieurs reprises le dimanche.
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Le chirurgien, praticien hospitalier dont la compétence est reconnue, a une importante activité en chirurgie rachidienne lombaire (250 interventions annuelles environ) et déclare avoir prévenu la patiente des risques infectieux, d’hématomes, de déficits radiculaires et d’échecs. Il n’avait pas évoqué les troubles sphinctériens ni détaillé les risques les plus graves. Malgré les discussions lors des consultations et le courrier ultérieur du chirurgien, la patiente dira lors de l’expertise que l’information qui lui a été donnée était insuffisante sur ces risques graves neurologiques. Le courrier que le chirurgien lui a adressé à sa demande ne mentionne pas les risques opératoires.
L’expert neurochirurgien récapitule les éléments du dossier.
La patiente dit qu’elle n’a aucun souvenir de la soirée du vendredi en post opératoire ; la feuille de transmission des soins infirmiers mentionne à 18h « crampes et fourmillements membre inférieur gauche, motricité OK ». A 21h « bassin mis, n’a toujours pas uriné ». A 23h, sondage urinaire (550 cc). A minuit, mêmes constatations.
L’expert souligne que la prescription du sondage ne semble pas avoir été faite par un médecin et qu’aucun examen de la sensibilité périnéale n’est noté.
Le samedi à 6h : « crampes plus fourmillements membre inférieur gauche, surveillance de la motricité et de la sensibilité faite » et dans la feuille de suivi des pansements : « cicatrice propre, saigne+++ ». Elle se souvient s’être plainte au chirurgien le samedi matin « d’avoir le pied comme du béton » et celui-ci l’aurait rassurée lui disant que c’est assez courant dans ce genre d’intervention.
A 12h : « n’arrive pas à uriner, sondage évacuateur 650 cc ». A 16h, elle est « douloureuse malgré la PCA » et une perfusion de Perdafalgan la soulage. A 20h « n’arrive toujours pas à
uriner, sondage évacuateur 1,1 l ». Elle a des crampes et est posturée.
Le lendemain, dimanche, elle aurait réitéré sa plainte auprès de l’interne de garde. Elle est douloureuse vers 16h malgré la PCA et du Perdafalgan est administré avec efficacité. Les sondages sont refaits le dimanche à quatre reprises et dans la nuit du dimanche au lundi. Il est signalé qu’il « faut voir le traitement pour les selles car commence à être douloureux, pas de selles depuis 4 jours ».
L’expert souligne qu’aucun examen du périnée n’est noté pendant cette période ; la seule mention portée dans le dossier infirmier, en dehors des sondages, le dimanche est « voir si uro peut la voir ». La seule mention dans la fiche « prescriptions médicales » est « mobilisation redon ».
Après la réintervention le lundi, pour hématome, la patiente récupère la force musculaire du quadriceps gauche déficitaire en post opératoire. Le matériel est en place. Elle quitte le service d’orthopédie au bout d’une dizaine de jours pour un centre de rééducation. Le compte rendu précise, deux mois plus tard, que persistent une anesthésie en selle, une absence de sensation au passage des selles, une absence de contraction du sphincter anal. Ceci oblige à évacuer au doigtier les selles et entraine un problème d’incontinence anale. Elle pratique sept auto-sondages par jour. Sur le plan moteur, elle a récupéré une marche avec une canne ; les muscles des racines L5 et S1 sont cotés entre 1 et 3. Il existe une diminution de la sensibilité de la jambe et du pied gauche.
Plusieurs bilans urodynamiques seront pratiqués : compte tenu des fuites qui augmentent en intensité, un sphincter urinaire artificiel sera finalement posé 20 mois après l’intervention avec un résultat satisfaisant sur l’incontinence. Elle fait des infections urinaires à répétition et des chutes multiples nocturnes lors du lever pour ses auto sondages (80kg pour 1m60) qu’elle continue à pratiquer six fois par jour. Elle est suivie en centre antidouleur pour ses douleurs neuropathiques (crampes bilatérales, décharges électriques). Elle se plaint d’une abolition de la sexualité et elle est très déprimée notamment du fait de cette perte d’autonomie : elle ne sort plus jamais seule et doit se faire aider à domicile.
Le chirurgien expose qu’il a mis le discret déficit constaté le samedi sur le compte de la dissection difficile pouvant rendre compte d’une élongation des racines et la rétention sur le compte de la morphine. Il avait dit de maintenir la surveillance en faisant confiance à l’interne de deuxième semestre présent. Il précise que l’équipe IDE dispose et respecte un protocole (non fourni) ; la patiente ne souffrait pas de douleurs lombaires inquiétantes, les redons étaient alors actifs, le pansement normal de telle sorte qu’il avait simplement conseillé le maintien en position allongée et de poursuivre la surveillance. Il précise que c’est la première fois qu’il observe une telle complication de son fait. Le lundi, la ré intervention a eu lieu quelques heures après sa visite, les anesthésistes souhaitant disposer d’un bilan de l’hémostase.
L’expert rappelle tout d’abord que, certes la survenue dans les suites d’une telle intervention de troubles moteurs et sensitifs modérés, est le plus souvent due à des manipulations des racines pendant l’intervention. De même, une rétention d’urines immédiate est le plus souvent due à la morphine. Mais la survenue d’un hématome post opératoire se révèle par un syndrome (sous-entendu identique) fait de troubles sensitivomoteurs et d’une rétention isolée ou associée.
Il valide l’indication opératoire, la technique et qualifie la survenue de l’hématome indépendante de la qualité technique de l’acte opératoire : c’est un aléa.
Dans la prise en charge post opératoire, dès le vendredi soir, un sondage urinaire a été pratiqué : aucun examen médical n’a été fait à la recherche de troubles de la sensibilité périnéale. Il s’agissait du premier signe d’alerte. Le tableau clinique, le lendemain, aurait dû faire suspecter un syndrome de la queue de cheval et entrainer la réalisation d’une IRM de contrôle. La persistance des signespendant les 24h suivantes aurait dû également faire pratiquer cet examen.
Il y a donc un retard de plus de 48h dans la prise en charge de la complication, qui entraine 70% de perte de chance d’avoir moins de séquelles.
Il regrette l’absence de prescription de surveillance émanant du chirurgien. Il note que les documents de synthèse du chirurgien, établis après les faits, ne font nulle part mention des problèmes sphinctériens survenus pourtant dès le soir de l’intervention. Il en déduit que l’attention du chirurgien ne s’est pas focalisée sur ce problème dont l’association à un déficit moteur aurait dû lui faire suspecter un hématome dès la visite du lendemain. Sa part de responsabilité est de 80%.
Le personnel médical du service et l’interne de garde, même sans directives précises, auraient dû être alertés et prévenir le chirurgien dès la première rétention urinaire. La responsabilité du service hospitalier peut donc être estimée à 20%.
Il note enfin qu’il n’est fait nulle part de mention précise des données de l’examen médical, en temps réel entre l’intervention et la découverte de l’hématome alors qu’ensuite, un testing détaillé est consigné quotidiennement.
Il considère que le fait de ne pas avoir évoqué la possibilité de séquelles à type de troubles sphinctériens lors de l’information pré opératoire n’est pas une perte de chance de refuser l’intervention, cette patiente ayant déjà vu un autre chirurgien et ayant pris le temps de la réflexion.
DECISION ET JUGEMENTS
La CCI (2008) entérine l’analyse et les conclusions de l’expert : la réparation du préjudice incombe, à hauteur de 30%, à l’ONIAM au titre d’un aléa et au médecin et à l’hôpital pour les 70% du préjudice du fait du retard diagnostique de la complication. L’offre (de l’assureur du chirurgien) n’ayant pas été acceptée par la patiente, cette dernière assigne le médecin devant le tribunal civil.
Le jugement (2010) confirme la perte de chance de 70% et la responsabilité du chirurgien à 80%.
En 2012, en appel, la patiente revient devant le tribunal pour lui demander de revoir l’assistance par tierce personne (souhaitant une indemnisation de la tierce personne de 3 heures par jour, 7 jours sur 7 - au lieu de 2 heures par jour cinq jours par semaine). Compte tenu de son handicap (auto sondages, marche avec canne, chutes fréquentes – avec une fracture - du fait de l’absence de sensibilité de la jambe gauche, impossibilité de se relever seule, aide nécessaire pour enfiler ses bas de contention nécessaires du fait de l’œdème, aide à la toilette…), le tribunal accepte cette demande en soulignant d’ailleurs que l’expert concluait d’ailleurs à une aide d’une telle amplitude (ce que l’assureur du chirurgien avait contesté, cette évaluation reportée dans la conclusion récapitulative étant différente de l’évaluation indiquée dans le corps du rapport qui nous paraissait déjà très correctement évaluée pour un tel handicap).
L’indemnisation est fixée à 221 000 €.
La littérature accessible par internet est peu nombreuse (selon notre recherche) sur cette complication bien connue des chirurgiens du rachis, complication rare, estimée à 0,1% ou 0,2% des interventions.
Certains auteurs insistent sur le délai rapide d’installation des premiers signes depuis le réveil : quelques heures (inférieur à 5 heures dans une série de 14 patients, Scavarda, 1997), l’association de douleurs lombaires aigües, de signes bilatéraux (paresthésies puis déficit), sans insister il faut le dire sur les troubles sphinctériens et tout en soulignant que des délais de révélation plus tardifs existent. Cet auteur insiste sur le fait que dans les cas décrits les paresthésies ont toujours été décrites par les patients comme extensives, importantes et surtout bilatérales leur donnant l’impression d’avoir « les pieds en plomb » (description à rapprocher d’un « pied en béton » décrit par la patiente ?).
L’efficacité du drainage semble discutée, son emploi semble dépendre des habitudes de chacun et l’existence d’un drainage n’est pas le garant d’une prévention totalement efficace de la survenue d’un hématome : encore faut-il que le drainage soit efficace et l’hématome peut survenir malgré ce drainage. Cette observation en est un exemple.
Tous insistent sur l’importance du délai de la ré intervention qui doit être le plus court possible, les examens complémentaires (IRM) ne devant pas allonger inutilement ce délai.
Le pronostic est fonction en grande partie de la rapidité de la réintervention.
La littérature à ce sujet – notamment sur les troubles sphinctériens - nous paraît beaucoup moins détaillée que celle sur le syndrome de la queue de cheval compliquant une compression herniaire qui étudie notamment le pronostic sphinctérien en fonction de la symptomatologie pré opératoire, du délai d’installation des troubles avant leur constat et du délai de l’intervention là encore crucial.
Or dans notre expérience d’assureur, plusieurs dossiers ont reproché aux chirurgiens de ne pas avoir tenu compte de ce signe d’alerte, certes possiblement banal en post opératoire immédiat, qu’est la rétention urinaire après chirurgie lourde rachidienne et surtout de ne pas avoir examiné la sensibilité périnéale et tracé dans le dossier les données de l’examen, fut-il précoce ou retardé.
Les conseils que nous pourrions donner à cet égard, en fonction de quelques dossiers consultés ayant fait l’objet d’une condamnation pour retard de diagnostic de cette complication, sont les suivants :
Postoperative spinal epidural hematoma (SEH): incidence, risk factors, onset, and management. Spine J. 2013 Feb;13(2):134-40. doi: 10.1016/j.spinee.2012.10.028. Epub 2012 Dec 5. Amiri AR, Fouyas IP, Cro S, Casey AT. Spinal Injury Unit, Royal National Orthopaedic Hospital, Brockley Hill, Stanmore, Middlesex, HA7 4LP, United Kingdom. amir.r.amiri@googlemail.com
Hématorachis ou hématome extradural rachidien (HER) post opératoire compressif, Doi : RCO-07-2000-86-4-0035-1040-101019-ART1 .F. Cabana , V. Pointillart , J.-M. Vital , J. Sénégas]
Post operative spinal extradural hematomas 14 cases. Scarvada and coll, neurochirurgie, 1997, 43(4): 220-7
Après une laminectomie sur l3 l4 l5 problèmes post opératoires : IRM faite en urgence : remaniements zéro hépatiques avec une petite zone collectée sous dermique de 37 mm x 10 mm.
IRM de contrôle effectué 3 jours apres : persistance d' une collection postérieure rétro canalaire au niveau de la zone opérée avec refoulement vers l'avant du fourreau rural sans modification très significative par rapport a la dernière IRM postérieure. Qu'en pensez vous ? Merci de votre réponse.