Douleurs dorsolombaires et difficultés à uriner, patiente au contact « difficile »… qu’auriez-vous fait aux urgences ?
En janvier 2013 (lors de l’expertise), il existait une paraparésie permettant quelques pas avec appui mais sans marche fonctionnelle réelle. Il persistait des troubles sensitifs importants, un syndrome pyramidal complet et une hypoesthésie en selle ainsi que d’importants troubles de l’équilibre. Par ailleurs, la patiente était obligée de pousser pour uriner, avec des fuites urinaires et se plaignait d’être constipée.
Saisine de la CRCI par la patiente en juin 2011 pour obtenir réparation du préjudice qu’elle avait subi.
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Les experts-- l’un, professeur des universités chef de service de neurochirurgie et l’autre, chef de service de réanimation –rappelaient qu’: « (…) Une épidurite infectieuse était une affection très rare et de diagnostic difficile mais qu’il s’agissait en fait, au départ d’une compression médullaire et que tout praticien sait qu’une compression médullaire débute par des douleurs dorsales ou lombaires et s’accompagne ensuite de signes neurologiques diversement associés, dont des troubles sphinctériens (…)
Ils soulignaient, par ailleurs, que : « (…) Dans un établissement de santé, chacun a un rôle bien défini et peut avoir tendance, compte-tenu de sa charge de travail, à se cantonner dans ce rôle. Les urgentistes à voir les urgences, les anesthésistes à voir les patients qui ont eu une anesthésie le matin ou qui vont en avoir une le lendemain, les chirurgiens à voir les patients chirurgicaux… Malheureusement un patient qui ne répond à aucun de ces critères risque de ne pas être vu dans sa globalité, ni examiné… A aucun moment, dans le dossier de la patiente, n’est mentionné un examen clinique complet… Or, un médecin, avant de prescrire un examen ou un médicament se doit de faire un examen clinique complet, surtout quand le diagnostic envisagé chez le malade ne rend pas compte de tous ses symptômes… De même, une infirmière se doit de signaler des événements aussi importants qu’un dérobement des jambes, une chute, ou une rétention d’urines (…) »
Les experts mettaient hors de cause les radiologues car les examens radiologiques demandés et pratiqués ne mettaient pas en évidence de signe pouvant faire évoquer une épidurite.
En revanche, la responsabilité des autres praticiens leur semblait engagée :
« (…) L’urgentiste qui avait constaté le 4 août, chez la patiente, une rétention d’urines, n’avait pas pratiqué d’examen, notamment neurologique, pour en rechercher la cause. Il avait posé le diagnostic de pyélonéphrite aiguë, peu compatible avec la symptomatologie clinique et non confirmé par l’examen des urines. Il avait, ainsi, commis une faute, compromettant les chances de parvenir à un diagnostic précoce à un stade où le traitement avait le plus de chance de stopper l’évolution de l’affection à l’origine du dommage de la patiente.
- L’urgentiste qui lui avait succédé, n’avait pas remis en question le diagnostic retenu et n’avait pas non plus recherché, par un examen clinique complet, de cause à la rétention urinaire.
- Le chirurgien viscéral qui avait vu la patiente à deux reprises, avait éliminé une urgence digestive chirurgicale mais sans chercher à étayer un autre diagnostic par un examen clinique complet.
- L’anesthésiste qui avait reposé la perfusion de la patiente et à qui l’infirmière avait signalé qu’elle se plaignait de vives douleurs du flanc gauche, avait prescrit des antalgiques et un scanner thoraco-abdominal mais, lui-aussi, sans avoir examiné la patiente.
- L’anesthésiste de garde la nuit suivant la chute de la patiente et précédant la découverte de la paraplégie, n’avait pas examiné la patiente alors qu’elle continuait de s’aggraver. Or, il est de la responsabilité d’un médecin de garde de s’enquérir auprès de ses collègues et du personnel infirmier des problèmes particuliers des patients.
- L’anesthésiste qui était intervenu pour que la patiente bénéficie d’une chambre particulière, avait, certes voulu lui rendre service, mais il avait également, demandé une modification thérapeutique sans procéder à un examen clinique et s’assurer que le diagnostic retenu était le bon.
- Quant à l’urologue qui disait ne pas avoir été contacté pour cette malade, le fait que son nom et les mots ʺpyélonéphriteʺ aient été inscrits de façon manuscrite, sur une feuille de prescription de médicaments, signifiait que la patiente était sous sa responsabilité.
- Concernant la clinique, l’absence de signalement de la chute de la patiente est contraire aux règles de bonne conduite d’un établissement. L’absence de signalement à un médecin de la mise en place d’une sonde urinaire est contraire aux règles de prescription et de réalisation d’un tel acte (…) »
En conclusion, les experts confirmaient que le préjudice de la patiente était la conséquence d’une compression médullaire liée à une épidurite dorsolombaire non diagnostiquée, qui avait abouti, en 3 jours, à une paraplégie complète. Un examen clinique complet de la patiente aurait permis de remettre en cause le diagnostic de pyélonéphrite et de pratiquer les examens nécessaires à la mise en évidence de l’affection causale (IRM). Cette carence avait entraîné une perte de chance de 75 % pour la patiente d’éviter les conséquences de la compression médullaire (seuls les troubles urinaires préexistaient à la prise en charge). Cette perte de chance est à partager, à parts égales, entre tous les médecins cités ainsi que l’établissement.
IPP évaluée à 60 %.
Avis de la CRCI (février 2013)
La CRCI confirmait les conclusions des experts concernant la responsabilité des différents intervenants à l’exclusion de celle du chirurgien urologue pour lequel elle estimait qu’«(…) Aucune pièce du dossier ne permettait d’établir avec certitude qu’il avait effectivement pris en charge, à un moment quelconque, la patiente (…) » Elle modifiait , également, la part de responsabilité des intervenants reconnus responsables de la perte de chance causée à la patiente : 25 % pour chacun des deux médecins urgentistes et 10 % pour les cinq autres : chirurgien digestif , anesthésistes (3) et clinique.