Fasciite nécrosante après chirurgie ambulatoire pour cure d’hypospadias pénien et de phimosis chez un enfant de 20 mois : ou comment ne jamais sous-estimer le risque des interventions mineures en ambulatoire… et bien réfléchir sur le couplage entre hôpital et ville.
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JUGEMENT
Expertise
L’expert,professeur des universités, chef de service de chirurgie infantile estimait que l’indication des gestes chirurgicaux réalisés était justifiée car il existait bien une malformation urétrale qui devait être corrigée dans le même temps opératoire que la circoncision .
En revanche, « l’information préopératoire de toutes les complications possibles n’avait vraisemblablement pas été faite », mais l’expert soulignait que la complication survenue était rare. Il rappelait qu’il n’y avait pas de consensus sur la pratique d’une antibioprophylaxie et que l’asepsie préopératoire avait été réalisée de façon satisfaisante avec un antiseptique habituel. La description de la technique utilisée était conforme aux données acquises et « compte tenu du temps de l’intervention, on pouvait indiquer qu’elle avait été vraisemblablement réalisée avec art et habileté ».
En revanche, l’évolution postopératoire de l’enfant n’était pas conforme à ce que son âge et son état médical antérieur permettaient d’espérer. L’orifice urétral était encore hypospade et pouvait correspondre à l’ancien orifice ou être la conséquence d’une nécrose de l’urètre distal à la suite de l’accident infectieux. Actuellement, la verge était remaniée, recouverte d’une peau greffée, le scrotum droit était détruit et il existait une bride qui, dans l’état actuel devrait gêner l’érection si elle persistait dans le futur. Cette situation était la conséquence d’une fasciite nécrosante sur urinome et infection à Proteus et à Strepto D. L’expert rappelait que la fasciite nécrosante des organes génitaux et du périnée avait été décrite dans la littérature après chirurgie de la verge y compris dans des gestes chirurgicaux bénins comme la circoncision néonatale. Les germes habituellement retrouvés sont les mêmes que ceux mis en évidence chez l’enfant, en soulignant qu’il s’agit de germes souvent rencontrés au niveau du périnée chez l’enfant car leur habitat habituel est l’intestin (Streptocoque D) et l’appareil urinaire et le prépuce (Proteus). Il s’agissait donc d’une infection nosocomiale mais à germes endogènes. Ce risque rare avait probablement été favorisé dans le cas particulier, par la diffusion dans les tissus sous-cutanés d’urine consécutive à une fuite sur l’urétroplastie (urinome). Il évoquait le responsabilité éventuelle de la prescription d’Advil®, anti-inflammatoire non stéroïdien dans la genèse de la complication infectieuse pour l’écarter car de telles complications infectieuses n’avaient été décrites que chez l’enfant atteint de varicelle et jamais après chirurgie de la verge.
En revanche, il estimait que la sortie précoce, moins de 70 minutes après la fin de l’intervention, sans précision sur la qualité des mictions, sans document écrit remis aux parents lui paraissait «imprudente» bien qu’il n’y ait pas de consensus professionnel sur la durée de l’hospitalisation après ce type de chirurgie. L’expert concluait que « l’état actuel de l’enfant était secondaire à l’intervention chirurgicale pratiquée et à la rapidité de sa sortie, ce qui n’avait pas permis de dépister plus tôt, les difficultés mictionnelles qui avaient abouti à l’urinome, facteur ayant favorisé le développement du processus infectieux et donc de la fasciite nécrosante. Cette complication infectieuse gravissime avait été diagnostiquée avec retard vraisemblablement parce que les parents mal informés n’avaient pas voulu suivre la proposition de consultation qui leur avait été faite, soit à la clinique, soit à l’hôpital. Le remplaçant de leur médecin traitant qu’ils avaient préféré appeler n’avait pas demandé à examiner l’enfant mais il avait la notion orale transmise par les parents d’une intervention pour phimosis et d’absence de signes généraux évoquant une infection grave. Au total une mise en observation post-opératoire plus prolongée avec analyse précise des mictions, un document écrit précisant les éléments du diagnostic et de la correction chirurgicale auraient certainement permis une meilleure prise en charge de la complication infectieuse sur venue. Les préjudices subis par l’enfant étaient très importants associant un pretium doloris très élevé, un préjudice esthétique majeur et un préjudice fonctionnel probablement important. L’ensemble de ces préjudices ne pourra être jugé qu’à l’issue des corrections chirurgicales complémentaires et à la fin de la croissance de la verge, donc à la puberté ».
Tribunal de Grande Instance
Se fondant sur le rapport d’expertise, le tribunal confirmait que la responsabilité de la clinique devait être retenue en raison de la notion d’infection nosocomiale et en l’absence de la preuve d’une cause étrangère. Il rappelait que le fait que les germes responsables soient d’origine endogène ne suffisait pas à écarter la notion d’infection nosocomiale. Les magistrats considéraient que les reproches faits par l’expert à l’encontre du chirurgien caractérisaient une grave négligence dans le suivi postopératoire de l’enfant, constitutive d’une faute entraînant la mise en jeu de sa responsabilité civile. Concernant le médecin remplaçant, les juges estimaient que « la médecine ne s’exerçait pas abstraitement, mais en fonction de personnes légèrement, moyennement ou gravement malades, subissant des affections physiques ou mentales que le médecin doit diagnostiquer avant de proposer un traitement adapté; que le geste médical suppose la plupart du temps l’auscultation du patient ; qu’en s’abstenant de voir un enfant de 20 mois alors qu’elle n’avait que peu d’informations à son sujet, il avait commis une négligence professionnelle engageant sa responsabilité civile ». Le tribunal rappelait qu’ : « il devait être aussi observé, très subsidiairement, que les parents de l’enfant auraient peut-être dû se rendre auprès du pédiatre de garde à la clinique ou aux urgences pédiatriques du CHU même si, néophytes en matière médicale, ils ont cru bien agir en appelant au téléphone le remplaçant de leur médecin traitant ».
Estimant que la perte de chance de l’enfant d’éviter toutes séquelles de l’intervention chirurgicale pouvait être évaluée à 85% de son préjudice global, le tribunal jugeait que les fautes du chirurgien correspondaient à 60% du préjudice global ; que la négligence du médecin remplaçant était la cause de 10% de son préjudice ; que l’existence d’une maladie nosocomiale imputable à la clinique était à l’origine de 15% du préjudice.
Indemnisation provisionnelle de 97 355 € dont 60 355€ pour les organismes sociaux.