L’oubli d’un corps étranger dans l’abdomen (en l'occurrence une compresse) constitue une faute par négligence du chirurgien. Dans cette histoire s'ajoute une erreur de compte très probablement du fait du personnel employé par la clinique...
Assignation du chirurgien et de la clinique, en novembre 2010, par le patient pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’il avait subi.
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L’expert, chef de service de chirurgie digestive, estimait que, dans cette plainte, deux aspects devaient être discutés.
Le premier concernait l’oubli d’un champ tétra dans l’abdomen du patient : « (…) Le compte des compresses avait été effectué selon les pratiques habituelles. Une IBODE, salariée de la clinique, avait, en début d’intervention compté le nombre de compresses et de champs donnés. Le chirurgien avait déclaré avoir compté le nombre de champs et de compresses par paquet. En fin d’intervention, le compte des champs et des compresses avait été refait par une nouvelle IBODE et validé comme complet sur la feuille de salle. L’oubli du champ provenait, soit d’un compte initial faux avec un paquet ayant un champ en trop (ce qui est relativement exceptionnel), soit d’un compte final erroné (ce qui paraissait le plus probable). Il était à signaler que l’IBODE avait changé en cours d’intervention, ce qui représente un risque connu d’erreur de compte. Une des deux IBODE en cause n’était plus salariée de l’établissement. L’oubli d’un corps étranger dans l’abdomen constitue une faute par négligence du chirurgien. Mais, compte-tenu d’une erreur de compte très probablement du fait du personnel employé par la clinique, la responsabilité fautive peut être partagée avec la clinique (…) »
Le second aspect concernait la méconnaissance de ce champ tétra dans les suites opératoires : « (….) En postopératoire, le patient avait eu un épisode de vomissement, sans rapport avec l’oubli du corps étranger. Le chirurgien avait, alors, demandé un cliché d’abdomen sans préparation pour éliminer une complication chirurgicale. Ce cliché montrait parfaitement le marqueur radio-opaque du champ tétra. Le chirurgien avait méconnu cette anomalie et n’avait pas pris connaissance du compte-rendu du radiologue, qui n’avait probablement été disponible que secondairement. Cette méconnaissance avait été à l’origine d’un retard diagnostique de 4 mois ce qui avait allongé la durée de la convalescence, mais n’avait pas été médicalement préjudiciable puisqu’aucune complication intercurrente n’était survenue (…) » Pour l’expert, la méconnaissance initiale de l’oubli du champ chirurgical pouvait être attribuée pour 50 % au chirurgien et pour 50 % au personnel salarié de la clinique. Mais le chirurgien était, seul, responsable de la méconnaissance secondaire. Au total, l’expert attribuait 80 % de la responsabilité de l’oubli du champ chirurgical au chirurgien et 20 % au personnel salarié de la clinique.
Les magistrats rappelaient que : (…) L’oubli de compresse dans le champ opératoire constitue par définition une négligence et une faute d’inattention… Le chirurgien doit, à supposer qu’il ait laissé à un tiers le soin de compter les compresses, répondre des fautes des personnes qu’il se substitue, en dehors du consentement de son patient, pour l’accomplissement d’une partie inséparable de son obligation. Dans ces conditions, la responsabilité du chirurgien doit être retenue puisque le soin de faire le compte des compresses utilisées, lui incombait, même s’il a été effectué par le personnel de la clinique qui se trouvait sous son autorité au moment de l’intervention, dans un lien de subordination particulière. En effet, et contrairement à ce qu’il soutenait, le décompte des compresses ne relève pas de la compétence de l’infirmière. En outre, le retard de diagnostic de l’oubli de la compresse était, totalement imputable, au seul chirurgien qui n’avait pas pris le soin de consulter le cliché réalisé le 23 février 2009 et le compte-rendu du radiologue qui faisait apparaître le champ oublié dans l’abdomen du patient (…) » Concernant la responsabilité de la clinique, les magistrats estimaient que : « (…) La responsabilité du personnel soignant, et donc de la clinique, ne pouvait être retenue en raison de la faute commise lors du décompte des compresses au moment de l’intervention, puisque cette responsabilité incombait, in fine, au chirurgien. Cependant, le changement d’infirmière en cours d’intervention était de nature à augmenter le risque d’erreur de compte. L’emploi du temps et les horaires des infirmières relèvent de la seule autorité de l’établissement de soins ce qui a conduit à donner au chirurgien un renseignement erroné (…) »
Le tribunal décidait d’attribuer 80 % de la responsabilité de l’accident survenu au chirurgien et 20 % à la clinique. Indemnisation de 14 370 € dont 2 000 € pour les organismes sociaux.