Le pronostic des plaies urétérales dépend essentiellement du délai de leur prise en charge mais aussi de leur type, de leur localisation et de leur taille. Lorsqu’elle est méconnue, une telle lésion peut déboucher sur des complications graves, voire le décès. Illustration avec ce cas clinique.
Le 22 juillet 2019, une femme de 69 ans est adressée par son médecin traitant à un gastro-entérologue pour une coloscopie : "Mme L. présente depuis quelques mois des rectorragies épisodiques mélangées aux matières, sans douleur anale, ni douleur abdominale, chez une patiente ayant un transit assez lent avec une selle tous les 4-5 jours, bien supporté, sans dyschésie, ni d’autre signe fonctionnel ou général...".
Le 10 septembre 2019, la coloscopie montre "à 5 cm une formation polypoïde sessile de plus de 4 à 5 cm ulcérée, fragile, biopsiée, le rectum sus jacent apparaît normal. Le sigmoïde et le côlon gauche présentent des orifices de diverticule sans anomalie de la muqueuse. Transverse et angle droit normaux. Côlon droit : il existe à sa partie basse un polype de 7-8 mm enlevé et récupéré avec pose d’un clip hémostatique".
Le 15 novembre 2019, une recto- sigmoïdoscopie confirme : "à environ 7 cm de la ligne pectinée, la présence d’une très volumineuse formation polypoïde de 5 cm de diamètre, suspecte, un peu fragile, qui est biopsiée".
Le 18 novembre 2019, résultat anatomo-pathologique des biopsies : (10/09/2019) "prolifération tubulo-villeuse présentant des secteurs étendus de dysplasie de haut grade et d’adénocarcinome lieberkùhnien au moins intra-muqueux. Polype hyperplasique du colon droit" ; (15/11/2019) "adénocarcinome lieberkùhnien rectal bien différencié".
Le 5 décembre 2019, la patiente est adressée à un chirurgien qui propose "un traitement chirurgical d’emblée avec conservation de l’appareil sphinctérien par colo-proctectomie et anastomose colorectale basse sur un réservoir en J, si possible par voie cœlioscopique".
Le 20 décembre 2019, consultation d’anesthésie. Patiente classée ASA 3.
Du 15 au 24 janvier 2020, hospitalisation en Clinique.
Le 16 janvier 2020, intervention. Anesthésie (Dr A.). "Colo-proctectomie pour cancer. Anastomose colorectale basse latéro-terminale mécanique. Iléostomie latérale. Open cœlioscopie ; abdomen cloisonné et adhérentiel du moins dans la zone périombilicale, en conséquence on abandonne la voie cœlioscopique...".
Libération progressive de la médiane, pelvis libre, décollement colo-pariétal gauche et angulo-colique gauche complet.
Contrôle de l'uretère gauche. Ligature section de l’artère mésentérique inférieure à l’origine et du pédicule colique supérieur gauche ainsi que de la veine mésentérique inférieure au bord inférieur du pancréas. Progression sur un plan pré nerveux.
Ouverture des deux gouttières latéro-rectales et du cul-de-sac recto-vaginal. Lésion immédiatement sous le cul de sac de Douglas qui est profond. Progression latéro-rectale droite et gauche en rétro-vaginal jusqu’aux releveurs, on place une pince contour, 3 à 4 cm sous le pôle inférieur de la lésion, section.
La colo-proctectomie comprend le rectum, le sigmoïde et l'ensemble du transverse gauche et de l'angle gauche pour dévascularisation avec un aspect un peu violacé de cet angle faisant penser à une ischémie suspendue.
Décollement épiploïque jusqu’au transverse droit. On conserve une colica media droite qui vascularise avec une bonne arcade de Riolan, abaissement du transverse moyen sans problème particulier pour réaliser une anastomose latéro-terminale colorectale basse à l’aide d’une pince CDH 25. Collerettes complètes. Test à l’air négatif. Cul-de-sac colique aveuglé par une pince TX 60 avec un surjet qui double la rangée d’agrafes au vicryl 3.0. Toilette abondante.
Compte tenu du caractère bas situé de cette anastomose et d’une vascularisation finalement relativement précaire, on décide de réaliser une iléostomie latérale en FID sur la dernière anse sans problème particulier, ourlée d'emblée à la peau. Drain 30F dans la cavité pelvienne extériorisé dans le flanc gauche.
Anatomo-pathologie (rendue le 27 janvier) : "longueur du colo-rectum : 18 + 27 cm ; tumeur rectale de 3 cm de longueur, 2,4 cm de largeur, 0,9 cm d’épaisseur, bourgeonnante. Adénocarcinome lieberkùhnien bien différencié invasif envahissant la musculeuse, sans emboles, ni engainements périnerveux, limites et collerettes saines ; 13/13 ganglions sains, classement pT2N0MxR0".
Transfert en USC pour le postopératoire immédiat. Sonde naso-gastrique (SNG) en aspiration douce.
Note des experts
La surveillance en USC est assurée par l’équipe des anesthésistes-réanimateurs (ARE) de la clinique au nombre de 4 (Dr A., Dr B. , Dr C., Dr D.) II s’agit d’une astreinte de 24 h (midi-midi) avec une transmission orale à midi.
Il n’existe aucune observation médicale pour la période en cause, car le dossier informatisé était en cours d’installation et il existait un dysfonctionnement le rendant inopérant. En l’absence de dossier médical informatisé et de toute observation médicale "papier", le rappel des faits a été fait à partir du dossier infirmier.
Le vendredi (J1), à 15 h 21 : "se plaint depuis hier de nausées persistantes et douleurs à l'estomac malgré le Zophren et Pantoprazole". Sonde nasogastrique (SNG) : 500 ml. À 18 h 49 "EVA 4 et toujours nausées". "Prise de nouvelles par téléphone par le chirurgien".
J2 : "Maintien de la SNG. Pas de nausées".
J3 : "Supporte mal la SNG".
J4 : Appel chirurgien : "ôter SNG, fauteuil, mobiliser le drain, ôter la baguette de stomie dans 48 h ; boisson ce jour : eau".
J6 à 16 h 43 : visite du chirurgien : "ablation sonde urinaire demain, irrigation vaginale demain matin car pertes ce matin un peu sales et malodorantes, continuer d’augmenter l’alimentation, selles moins liquides dans la stomie et moins odorantes, garder perfusion."
À 16 h 45 : visite du Dr B. : "arrêt perfusion ce jour, arrêt bottes de compression".
J7 : "hypotension, tachycardie, frissons, douleurs pelviennes et dorsales évoquant un choc septique".
À 6 h : "hypotension 64/39 pouls 80, désature 89 mmHg. Douleurs pelviennes et dorsales, EVA 4, somnolente ; drain RAS, bonne diurèse ; hémocue 8,7 puis 9,9 ; dextro 0,98".
À 7 h 59 : "frissonne, température à 38,4°C ; hémocultures faites. Appel Dr A. : "faire Ephédrine 1 ampoule et passer deux Restorvol. 0xygéne remis 6 l/min. TA remonte à 9,5. Appel du chirurgien".
Après le prélèvement des hémocultures et de L’ECBU, instauration d’une antibiothérapie par pipéracilline/tazobactam (4 g x 4/j) et métronidazole (500 mg x 3/j), prescriptions faites par le Dr B. au téléphone et validées sur place par le Dr A.
Hémocultures (résultats rendus le 25 janvier 2020) : positive à Escherichia coli avec une pénicillinase de bas niveau. ECBU isolant le même Escherichia coli (106 UFC/ml).
À 10 h 31 : "prescription d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) par le chirurgien et d’une reprise au bloc".
À 10 h 57 : "seringue électrique de noradrénaline 1,5 mg/h (Dr B.)".
À 11 h : scanner TAP. Prescription : "Apparition brutale de douleurs abdominales et de fièvre".
Compte-rendu : "Condensations pulmonaires postérieures des deux lobes pulmonaires, petite lame d’épanchement pleural postéro-basal gauche. Reins de taille normale, à contours réguliers sans dilatation des cavités. Infiltration de la graisse rénale bilatérale plus marquée à gauche. Collections pelviennes liquidiennes, une postérieure de 5 cm, la seconde latérale droite de 6 cm contenant une bulle d'air et les autres de petite taille, latérales gauches. Petit épanchement liquidien de l’HCG. Pas de PNO, pas de syndrome occlusif. Pas de collection de paroi abdominale.
À 11 h 30 : départ au bloc.
À 11 h 55 : réintervention, anesthésiste (Dr B.).
Résumé (chirurgien) : "Les suites ont été parfaites puisque la patiente se réalimente, ne présente pas de syndrome inflammatoire biologique avec une CRP à 70, un drain en place situé en position pelvienne qui n’est pas productif et un examen clinique très rassurant. Mais la patiente présente depuis quelques heures un choc septique d’installation brutale avec douleurs dorsales et grands frissons suivis de marbrures avec une hémodynamique perturbée nécessitant un remplissage vasculaire et une mise en place d’adrénaline. Le TR retrouve une anastomose basse tout à fait complète, drain toujours non productif. Néanmoins décision de laparotomie en urgence pour réviser l’ensemble de la cavité abdominale".
Compte-rendu : "Laparotomie (reprise de l’incision médiane) : abdomen vierge sans fausse membrane, sans accolement particulier, drain en place dans la cavité pelvienne, absence de collection purulente. L’image précisée en TDM par le radiologue correspond au caecum en place qui bascule dans la cavité pelvienne. Le côlon est bien vascularisé.
On décide d’en rester là après une toilette péritonéale de principe. L'examen de la sonde urinaire et du liquide urinaire drainé par la sonde retrouve un liquide plutôt d’allure puriforme avec de nombreuses particules et atteste vraisemblablement le point de départ urinaire de ce choc septique. Prélèvement bactériologique.
À 13 h 16 : sortie du bloc, mise en place d’un cathéter central, posologie de la noradrénaline 0,5 mg/h. Extubation en salle de réveil : O2 au masque 6 l/min.
Jusqu’à 22 h : TA comprise entre 114/51 et 81/37 mmHg.
J8 à 00 h 35 : TA 100/35. À 1 h 09, Il semble que la noradrénaline soit augmentée progressivement jusqu’à 4 mg/h. Patiente non intubée/ventilée (O2 au masque 6 l/min).
Note des experts
Le Dr C. qui était d’astreinte n’est pas resté sur place. Il est parti vers 19 h 30. Il n’a pas été appelé de la nuit et n’a pas de lui-même téléphoné pour savoir comment évoluait la situation. Le premier appel des IDE au Dr C. a été donné vers 7 h du matin.
À 7 h 20 : prélèvement de lactates (rendu le 25 : 5,27 mmol/L).
À 7 h 41 : "patiente se plaint du côté gauche, dextro 0,63, peu de diurèse dans la nuit. Appel au Dr C. "Faire 1 ampoule de G 30 % et contrôler dextro toutes les 15 mn et mettre si nécessaire 250 ml de G 10 % ; passer 1 flacon d’albumine ; laisser message tél au chirurgien".
À 8 h 37 : chirurgien au Dr D. "Prévoir transfert réa Centre hospitalier".
À 12 h 06 : "pendant la toilette, évacuation par le drain de 600 cc liquide clair, mis sur poche car fuites".
À 15 h 15 : décision de transfert en réanimation au Centre hospitalier.
À 18 h 46 : transfert par le SAMU qui note "hypothèse diagnostique : choc septique d’origine abdominale".
Du 24 au 27 janvier 2020 : hospitalisation en réanimation au Centre hospitalier.
À l’entrée : PA 120/45 (PAM 65) mmHg sous 4,5 mg/h de noradrénaline ; FC 120/min ; FR 30/min ; SpO2 95 % sous 6 l/min au masque ; marbrures des genoux ; extrémités froides ; polypnée. Abdomen douloureux dans son ensemble, défense en FID et en flanc gauche. Cicatrice propre, traces de selles sur iléostomie qui est bien colorée ; TR pas de fuites sur l’anastomose ; patiente sondée, urines claires.
Biologie : CRP 387 mg/L ; créatininémie 189 mmol /L (clearance de la créatinine 21 ml/min) ; gamma-GT 340 UI/L ; pH 7,28, PaO2 85 mmHg ; PaCO2 24 mmHg ; HCO3 9 mmol/L ; lactates 4,5 mmol/L ; Polynucléaires 42 670/mm3 ; TP 52 %.
Dosages urée et créatinine sur le drain en faveur d’un drainage d’urines par l’abdomen.
Relecture du scanner : pas de complication digestive expliquant le tableau. Possible fuite urinaire sur lésion de l’uretère (pas de temps tardif pour l’affirmer), pas d’argument pour une pyélonéphrite.
Traitement : remplissage, antibiothérapie par pipéracilline/tazobactam poursuivie, ajout d’amikacine.
J9 : noradrénaline 2,5 mg/h - Lactatémie 5 mmol/L. Patiente en ventilation spontanée sous O2 6 l/min -> PaO2 73 mmHg, PaCO2 24 mmHg - HCO3 15,6 mmo/Ll, lactatémie 2,5 mmol/L. Insuffisance rénale aiguë : clearance de la créatinine 26 ml/min.
Scanner : "Épanchement pleural bilatéral de moyenne abondance avec atélectasie de contact... Plaie urétérale lombaire gauche avec fuite urinaire intra péritonéale importante... jusqu’en péri-splénique, absence totale d’opacification de l’uretère gauche au- dessous de la plaie. Épanchement liquidien intra péritonéo-pelvien un peu dense en rapport avec le TDM réalisé hier et contenant des bulles d’air (chirurgie récente). Pas d’argument pour une fuite digestive. Pas d’anomalie vésicale évidente. Drain du flanc gauche en position sous gastrique puis descendant dans le pelvis".
Avis de l’urologue de garde : "Contre-indication à un drainage échographique au-dessus de la plaie du fait de l’absence de dilatation des cavités. Prendre l’avis du radiologue pour drainage sous scanner".
Avis du radiologue : "Impossibilité de drainer une cavité pyélo-calicielle non dilatée".
J10 : dégradation de l’état neurologique et respiratoire : ventilation non invasive (VNI), puis intubation orotrachéale avec collapsus de reventilation. Évolution défavorable avec état de choc réfractaire et défaillance multiviscérale.
J11 à 12 h 30, décès de la patiente.
Conclusion : "Choc septique et défaillance multiviscérale sur urinome infecté à Escherichia coli dans les suites opératoires d’une colo-proctectomie pour adénocarcinome rectal, aboutissant au décès".
Saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) par les ayants droit de la patiente pour obtenir réparation des préjudices qu’ils avaient subis (août 2020).
Pour les experts, l’un chirurgien viscéral et l’autre, réanimateur–infectiologue :
"(…) Le dommage est en rapport exclusif avec la chirurgie d’exérèse rectale pour cancer du rectum moyen, réalisée en clinique, le 16 janvier 2020.
Concernant l’établissement du diagnostic
Le diagnostic de tumeur cancéreuse du rectum moyen a été fait en tout point conformément aux règles.
Concernant le choix du traitement et de sa surveillance
Le choix d’une chirurgie d’exérèse du rectum moyen ne connaissait strictement aucune alternative. Il s’agissait d’une tumeur classée T2N0, pour laquelle la chirurgie d’exérèse s’impose d’emblée, de première intention, sans radio-chimiothérapie néo-adjuvante.
Concernant la Clinique
1 - La surveillance de la première intervention (celle du 16 janvier) est conforme aux règles.
2 - En revanche, la surveillance périopératoire de l’intervention du 23 janvier n’est pas conforme :
- En préopératoire, il existe une instabilité hémodynamique conduisant à la prescription de noradrénaline.
- Dans les heures qui suivent l’intervention, dans un premier temps la patiente est extubée en salle de réveil (c’est le Dr C. qui est en charge des soins). Puis, durant la nuit, il existe une dégradation hémodynamique, conduisant à augmenter la posologie de la noradrénaline jusqu’à 4 mg/h.Ces deux points amènent plusieurs commentaires :
- Il n’est pas conforme d’extuber un patient, surtout dans un contexte septique, qui nécessite un soutien hémodynamique par noradrénaline.
- Le Dr C. qui est d’astreinte, est rentré chez lui, laissant une patiente sous des petites doses de noradrénaline et en ventilation spontanée, alors que l’installation d’un choc septique est une possibilité évolutive de la situation.
Pour les experts, le Dr C. devait rester sur place. Il n’a pas, durant la nuit, téléphoné pour savoir comment évoluait la situation. L’infirmière (ou les infirmières) sur place ont augmenté la noradrénaline, (selon un protocole écrit et validé par les médecins anesthésistes), sans téléphoner au Dr C., pour lui faire part de l’évolution.
Pour les experts, le Dr C. devait être prévenu, ce qui l’aurait probablement incité à revenir sur place. Le lendemain matin de l’intervention, il existe un choc septique patent (noradrénaline à 4 mg/h, lactatémie > 5 mmol/L, épisode d’hypoglycémie (ce qui est un signe de gravité). Le Dr D. qui a en charge la patiente, évoque la possibilité d’un transfert en réanimation, qui ne sera réalisé qu’en fin de journée, alors que la patiente n’est toujours pas mise sous ventilation mécanique.3 - Finalement un transfert est effectué par le SAMU en réanimation au centre hospitalier, le 24 janvier en début de soirée. Soit plus de 24 heures après la mise en route du traitement par noradrénaline, alors que l’on sait que tout retard d’optimisation de prise en charge d’un choc septique s’accompagne d’une augmentation de la mortalité. Dans ce contexte la ventilation mécanique est un soin de support fondamental dans la prise en charge d’un choc septique. Au total, en plus de ce qui est écrit ci-dessus, la patiente aurait dû être transférée dans un service de réanimation, au mieux en postopératoire immédiat et au plus tard dans la nuit du 23 au 24 janvier, quand les conditions hémodynamiques ont nécessité d’augmenter la posologie de la noradrénaline.
4 - Au plan chirurgical, devant l’évolution clinique avec un choc septique, une nouvelle reprise opératoire s’imposait le 24 janvier, malgré les constatations faites lors de la reprise de la veille. Dans un choc septique, le contrôle de la source est impératif.
L’absence de réactivité suffisante dans la journée du 24 janvier est donc responsable d’une perte de chance pour la patiente de pouvoir survivre à une complication urinaire de la chirurgie rectale de type aléatoire (plaie latérale de l’uretère par coagulation et/ou ischémie urétérale).
Concernant le Centre hospitalier
La prise en charge médico-chirurgicale n’est également pas conforme :
- Non optimisation des soins de support du choc septique (en particulier, instauration d’une ventilation mécanique plus de 36 heures après le transfert, quand il existe une défaillance respiratoire... par épuisement).
- Aucun contrôle chirurgical ou de radiologie interventionnelle de la source de l’infection, alors que l’origine du choc est d’origine urinaire (ECBU positif à E. coli et hémocultures positives au même germe).
- Dans ce contexte, le choc qui était gravissime à l’arrivée va rapidement évoluer vers une défaillance multiviscérale irréversible.
Concernant les préjudices
- La prise en charge de cet accident, de type aléatoire, chez la patiente n’a pas été conforme aux règles, car trop tardif, comme cela a été expliqué plus haut.
- Il faut par ailleurs noter que le pronostic de la tumeur dont il avait été fait l’exérèse complète (T2N0) était bon, avec une survie prévisible à 5 ans de l’ordre de 75 %.
- La mortalité des exérèses des cancers du rectum moyen est de 2 % environ en cas de laparo-conversion, quelle qu’en soit la cause. La laparo-conversion est toujours le témoin de la survenue de difficultés techniques locorégionales (ici, un abdomen adhérentiel).
- La morbidité des exérèses rectales est par contre élevée, de l’ordre de 20 à 40 % selon les séries. Parmi les complications possibles, la part des complications urinaires est de 30 à 40 %. (F. Finochi "Impact de la conversion sur la morbi-mortalité et sur les résultats oncologiques des patients opérés d’une proctectomie carcinologique : expérience sur 214 patients au CHU de Caen. Octobre 2019").
- À partir des explications données plus haut, la perte de chance d’éviter le décès de la patiente (au décours d’un choc septique à point de départ urinaire) peut être estimée à 60 % avec la répartition suivante :
- Prise en charge chirurgicale 30 % : chirurgien : 18 % ; Centre hospitalier : 12 %.
- Prise en charge du choc septique 30 % : ARE Dr C. : 12 % ; ARE Dr D. : 12 % ; Clinique (absence d’appel au médecin d’astreinte) : 6 %.
La Commission estimait que :
"(…) L’ONIAM devait indemniser 20 % des préjudices subis par la victime mais que ceux-ci étaient imputables pour 80 % aux comportements fautifs des équipes médicales, à répartir comme suit :
- 20 % à la charge de l’assureur du chirurgien,
- 15 % à la charge de l’assureur du Dr C.,
- 10 % à la charge de l’assureur du Dr D.,
- 10 % à la charge de l’assureur de la Clinique,
- 25 % à la charge de l’assureur du Centre hospitalier (…)".
Les plaies urétérales sont rares, avec une incidence de 0,5 à 1 % en chirurgie pelvienne(1). Dans une étude du CHU de Clermont-Ferrand d’octobre 2003 à juin 2014, 46 plaies urétérales ont été retrouvées chez 43 patients(1). La majorité d’entre elles étaient situées au niveau de l’uretère pelvien (n=32 soit 69,6 %). La cause principale en était la chirurgie gynécologique (n=25), la chirurgie colique, ne représentant que 6 cas(1).
Le diagnostic de plaie urétérale peut être fait au cours de l’intervention responsable en injectant du carmin d’indigo (Carmyne®)(2). Administré par voie intraveineuse, ce produit provoque une coloration bleu foncé des urines dans un délai de 5 à 15 minutes suivant l’injection. Cette coloration permet de visualiser les voies urinaires et de détecter d’éventuelles lésions. Ce test a de bonnes performances diagnostiques (sensibilité de 96 % et spécificité de 99 %)(2). Les effets indésirables les plus fréquents de la Carmyne® sont d’ordre cardio-vasculaire (hypertension artérielle, bradycardie, hypotension, tachycardie, bloc auriculo-ventriculaire) et sont liés à son activité pharmacologique (augmentation des résistances périphériques par une stimulation directe des récepteurs alpha-adrénergiques ou une libération de catécholamines).(2)
Le plus souvent, le diagnostic de plaie urétérale est fait en postopératoire après la survenue de diverses complications (infection urinaire, péritonite d’origine urinaire, fistule urétéro-vaginale, perte de la fonction rénale, abcès du psoas, …)(1), les moyens diagnostiques sont de plusieurs types :
Le pronostic des plaies urétérales dépend essentiellement du délai de leur prise en charge, mais aussi de leur type (stade 1 : plaie punctiforme sans perte de substance ; stade 2 : perte de substance de moins de 50 % de la surface urétérale, stade 3 : rupture complète de l’uretère) et de leur siège (les plaies pelviennes étant de meilleur pronostic).(1) Dans le groupe des plaies de stade 1, le traitement endoscopique par mise en place d’une sonde double J a été efficace à moyen terme dans près de 90 % (7/8) des cas. Dans les deux autres groupes, l’efficacité n’a été que de 30 % et a imposé une prise en charge chirurgicale en seconde intention(1).
Recommandations en cas de choc (probablement) septique(4,5,6) :
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