Un épisode de rétention urinaire "banal" après une prothèse de hanche chez un patient âgé et alité, qui tourne mal (infection urinaire et septicémie).
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Les experts, chirurgien et médecin légiste, confirment que le décès est la conséquence de la septicémie d’origine urinaire, infection favorisée par les six mois de sondages après l’épisode initial de rétention.
Ils font remarquer que le Serratia est fréquemment isolé en milieu hospitalier en raison de sa multi résistance aux antibiotiques … ce qui n’était pas vraiment le cas d’espèce, le germe étant sensible en particulier aux Céphalosporines de 3ème génération, aux aminosides et aux quinolones.
Le germe, connu comme « pathogène opportuniste », est un agent de nombreuses infections nosocomiales principalement respiratoires ou urinaires. Le Serratia n’est pas entéropathogène mais il peut coloniser le tube digestif. En milieu hospitalier, la transmission peut se faire par manu portage.
Ils rappellent que :
Un épisode de rétention urinaire après une prothèse de hanche est fréquent, chez un patient âgé, alité, présentant de surcroit des problèmes prostatiques anciens et traité par des antalgiques.
La pose d’une sonde urinaire s’imposait, ce qui a été fait selon les normes. Après quelques jours, il est habituel de tenter son ablation. En cas d’échec, si la situation le permet, généralement un geste chirurgical sur la prostate est envisagé.
Le patient venait de subir un geste chirurgical important, la résection endoscopique de prostate nécessitant par ailleurs une position particulière sur la table d’opération susceptible de luxer la prothèse de hanche, il n’était pas anormal dans ce cas d’espèce de maintenir la sonde à demeure.
Lorsque la nouvelle tentative d’ablation de la sonde s’est révélée être un échec, l’intervention s’imposait. Or une date d’intervention n’a été fixée initialement que trois mois et demi plus tard…pour des raisons d’emploi du temps et de disponibilité selon l’urologue. Ce long délai imposait pour le patient le maintien d’une sonde à demeure avec tous ses inconvénients. Un incident intercurrent retardera de deux mois supplémentaires l’intervention…. là aussi en attendant le retour de vacances de l’opérateur.
Les experts concluent :
Il est important de noter qu’il a été instauré une antibioprophylaxie avant l’intervention, comme recommandé.
Le saignement et la poursuite de l’irrigation est un problème banal.
Cette absence de consigne à la sortie chez un patient dont l’histoire n’était pas vraiment banale ne représente pas un respect des règles de l’art.
Le Centre hospitalier n’a pas agi selon les règles de l’art : report prolongé d’un acte banal sinon routinier pour un service spécialisé, absence de consignes et de prescriptions à la sortie.
Concernant le généraliste, attrait dans la cause secondairement mais absent pour des raisons de santé, ils remarquent que ce médecin insiste sur l’absence de signes urinaires alors qu’existait une incontinence, pas habituelle après une RTUP, même si dans le cas d’espèce on peut retenir comme élément causal le sondage prolongé sans rééducation vésicale avec perte du contrôle sphinctérien, chez un patient par ailleurs âgé.
Le médecin indique, dans un courrier, « n’avoir pas fait d’analyses d’urines puisqu’il était géré au niveau du centre hospitalier et qu’il n’avait pas d’orientation clinique supplémentaire indiquant un ECBU dans ce contexte de sonde à demeure. Après la résection prostatique, dans un contexte d’incontinence post chirurgicale, et sans consignes spéciales des urologues, les recommandations ne proposent pas la prescription de contrôles urinaires à domicile, en dehors de signes cliniques évocateurs (ce qui a toujours été le cas) ». Il confirme avoir été en possession d’un compte rendu opératoire rassurant.
Les experts font remarquer que (comme le dit son fils), il existait des douleurs abdominales suffisamment intenses pour justifier des antalgiques y compris morphiniques (Durogésic®). En l’absence de toute investigation, on ne peut éliminer, malgré le geste endoscopique, la récidive de problèmes rétentionnels avec mictions par regorgement pouvant à la fois expliquer les sensations douloureuses et les fuites urinaires.
En tout cas, une possible responsabilité de l’appareil urinaire n’a pas été évoquée. Des investigations simples…auraient surement permis de détecter l’infection urinaire (qui existait sur un mode quiescent à la sortie du centre hospitalier).
La prise en charge a été « symptomatique » s’intéressant aux problèmes généraux ou à la prise en charge palliative de l’incontinence urinaire (protections).
La détection d’une infection urinaire aurait permis de traiter cette infection relativement simplement, évitant sa diffusion sur un mode septicémique.
Après discussions, les experts concluent à une infection nosocomiale.
Avis de la Commission de CCI (2012) :
Après un résumé détaillé des faits et de l’expertise, la Commission conclut : « on se trouve devant un accident médical fautif et d’une infection iatrogène fautive ayant entrainé le décès.
C’est à l’assureur du Centre Hospitalier, dans la proportion de 60% et à l’assureur du médecin généraliste, dans la proportion de 20%, qu’il appartiendra de faire une offre d’indemnisation, étant rappelé que 20% du dommage sont imputés à l’état de santé précaire du patient ».
Patient âgé et plus à risque que ne le laisserait croire une autonomie conservée à 80 ans.
Complication banale d’une PTH dont le chirurgien a tenu compte en faisant appel à son confrère urologue, tout en étant certainement rassurant compte tenu du résultat positif de son geste opératoire.
Période « d’été » donc parfois plus difficile compte tenu des disponibilités de chacun : en l’occurrence, il y avait un sous-effectif dans le service d’urologie : ils n’étaient que deux chirurgiens en permanence, maintenant ils sont trois.
Période postopératoire et ses suites immédiates bien gérées, compte tenu du contexte, mais le report d’intervention du fait de l’état de santé du patient, ajoute un délai supplémentaire préjudiciable.
L’absence d’ECBU postopératoire, alors que la sonde avait été maintenue, a joué un rôle dans les suites.
Il est certain qu’il n’est pas facile pour un MG d’intervenir à domicile chez un patient opéré à deux reprises à 6 mois d’intervalle. Mais chez le sujet âgé, une perte d’autonomie inhabituelle peut avoir d’autres causes que les suites opératoires. Quel a été l’examen clinique ? Le problème de l’incontinence a été négligé, noyé dans le tableau de suites opératoires difficiles.
Références Bibliographiques :
Forum comité d’infectiologie de l’association Française d’Urologie (’AFU 2007 et 2008).
Recommandations de bonnes pratiques cliniques (CIAFU) 2008.
Recommandations de prise en charge des Infections urinaires, progrès en urologie (2008), 18 supplément 1, 54-58.