Le 21 novembre 2014, un homme de 79 ans, cadre retraité de l'industrie pharmaceutique, vivant seul, consulte son médecin traitant qui le suit depuis de nombreuses années. Les deux hommes sont très proches au point qu’ils se tutoient.
Saisine de la CCI par les proches du patient pour obtenir réparation du préjudice subi (mars 2016).
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L’expert chirurgien vasculaire confirmait que : « (...) Le décès du patient était lié à la toxicité pulmonaire de la Cordarone®. La dose quotidienne et la durée d'exposition sont des éléments majeurs dans l'apparition de l'atteinte pulmonaire liée à ce médicament : en cas de dose inférieure à 200 mg/j, il y a moins de 1 % d'atteinte pulmonaire, lorsque la dose est inférieure à 400 mg/j, le risque est proche de 5 % et si elle est égale à 600 mg/j, il dépasse 30 %.
Les principaux signes cliniques de cette intoxication sont la dyspnée et l'extrême fatigue, comme s'en plaignait le patient. Les signes radiologiques sont variés et peu spécifiques, avec des stries, des opacités réticulaires et des aspects de fibrose diffuse, comme retrouvés sur le scanner du 19 mai 2015. Par ailleurs, dans les formes graves d'intoxication avec tableau de SDRA, l'origine infectieuse est éliminée par la négativité des données bactériologiques, ce qui était le cas chez le patient.
Ce dernier ayant été soumis du 23 décembre 2014 au 18 mai 2015 à des doses massives de 600 mg/j de Cordarone®, l'imputabilité de ce surdosage au long cours dans la survenue de cette pneumopathie est hautement probable, même s'il n'y a pas eu de confirmation par des biopsies ou des prélèvements autopsiques.
Le médecin traitant est totalement responsable de cette évolution fatale.
Au total, le médecin traitant s'est rendu coupable à la fois d'une erreur de prescription et d'une négligence thérapeutique, entraînant une perte de chance fautive de 30 %, correspondant au pourcentage de risque de survenue de pneumopathie aux doses de 600 mg/j de Cordarone®. (...) »
Concernant le pharmacien, l'expert considérait que : « (...) Sa responsabilité était engagée, en tant que dispensateur de médicament, dernier verrou de la chaîne, selon l'article 4235-48 du Code de la Santé Publique qui impose aux pharmaciens de contrôler et d'analyser la prescription médicale. Il avait reconnu avoir délivré les ordonnances renouvelées du médecin traitant, car son logiciel d'alerte n'avait pas réagi au renouvellement de doses de charge de Cordarone® mais affirmait avoir depuis remédié à ce problème informatique (...) »
Par ailleurs, l'expert excluait toute responsabilité du cardiologue : « (...) Il avait prescrit le traitement adéquat pour une fibrillation auriculaire, dans les temps et les règles de l'art. Il devait revoir le patient après quelques semaines pour adapter le traitement. Il ne l'a jamais revu et n'a pas été contacté à son sujet par le médecin traitant. Il n'y a donc aucune faute médicale à retenir à son encontre (...) ».
Se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise, la CCI retenait les responsabilités du médecin traitant et du pharmacien dans le décès du patient. Elle estimait à 30 % la perte de chance subie par le patient d'éviter la survenue d'une pneumopathie, dont 20 % attribués au médecin traitant et 10 % au pharmacien.
En revanche, la CCI rejetait toute responsabilité du cardiologue.
Une belle leçon de conduite Professionnelle!
Le médecin traitant aurait été bien inspiré de noter sur ses ordonnances " revoir le cardiologue" plutôt que de faire confiance. ?.
Les paroles...en médecine n'ont aucune valeur devant les juges!