Une erreur de posologie en établissement de soins est suivie d'une erreur de presription par le médecin généraliste, entraînant un diagnostic de pancytopénie médicamenteuse...
• Cette femme de 79 ans atteinte d’une polyarthrite rhumatoïde est traitée par Novatrex (Méthotrexate) depuis 10 ans.
• Elle est hospitalisée au centre hospitalier pour une ostéosynthèse de cheville, suite à une fracture. L’intervention et les suites opératoires se déroulent sans incident.
• Avant son hospitalisation, le traitement comportait un anti-dépresseur, des antalgiques, un hypolipémiant, un traitement symptomatique de la constipation et du Novatrex (2 comprimés matin et soir tous les lundis). Le traitement est reconduit lors de l’hospitalisation mais la prescription de Novatrex est reprise de manière erronée sous la forme de 4 comprimés par jour et non par semaine.
• 12 jours après son entrée, elle est transférée dans un centre de convalescence.
• Le médecin généraliste libéral qui exerce au centre de convalescence commet également l’erreur de prescription en renouvelant l’ordonnance qui comporte une dizaine de médicaments différents et quotidiens.
• Au 19ème jour, elle présente une hyperthermie à 38°C avec une infection urinaire à colibacille multi sensible pour laquelle elle reçoit un traitement antibiotique. Apparaissent des aphtes, des lésions cutanées, des douleurs abdominales et un état nauséeux. Une numération formule sanguine est réalisée le lendemain qui retrouve une leuco neutropénie à 390 polynucléaires avec 100 neutrophiles, 91000 plaquettes, 9,8 grammes d’hémoglobine.
• La numération réalisée 4 jours auparavant était sensiblement normale (GB à 4600 et PNN à 3340).
• La patiente est transférée en urgence au CHU où le diagnostic de pancytopénie médicamenteuse est retenu.
• Elle décède deux jours plus tard dans un tableau de collapsus (septique ?).
En 2006, le Tribunal Administratif a confirmé que le décès était du à un surdosage de Méthotrexate, constaté que la responsabilité du centre hospitalier était engagée mais a limité à hauteur de 2/3 la responsabilité de celui-ci, relevant que la posologie erronée avait été poursuivie pendant 8 jours au centre de convalescence où le médecin généraliste avait pris en charge la patiente dans le cadre de son activité libérale.
A la suite de cette décision, les 8 enfants de la défunte et ses 16 petits enfants ont assigné le médecin généraliste.
Le Tribunal de Grande Instance (2009) condamne celui-ci : « il lui appartenait de vérifier l’antériorité du traitement et d’apprécier s’il était adapté à l’état de la patiente. Force est de constater qu’il ne l’a pas fait, ni à l’occasion de l’admission ni à l’occasion du renouvellement de l’ordonnance. Ce faisant il a commis une faute engageant sa responsabilité ce d’autant plus qu’il ressort de la notice du médicament incriminé que celui-ci nécessite une surveillance étroite des patients, qu’en cas de polyarthrite rhumatoïde, la prise doit être hebdomadaire avec un risque de toxicité potentiellement fatal en cas de prise quotidienne ». Il confirme que la responsabilité est engagée à hauteur d’1/3.
Indemnisation : 80.335 €
L’Afssaps a rappelé en juillet 2011 le mode d’administration du méthotrexate oral à la suite de cas de surdosage dont certains ont conduits à des décès.
Ce médicament est notamment indiqué en France dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde active, du psoriasis de l’adulte et en traitement d’entretien des leucémies aigues lymphoblastiques (LAL).Il est commercialisé sous les noms de Novatrex (Pfizer), Methotrexate (Bellon) et Imeth (Nordic Pharma).
Quelle que soit l’indication, la prise de méthotrexate s’effectue par voie orale en une prise unique par semaine et la posologie s’exprime en mg/semaine. Il est demandé aux prescripteurs de préciser sur l’ordonnance le jour de la semaine où le médicament doit être administré et rappelé au pharmacien et au personnel soignant la nécessité d’être vigilant lors de toute délivrance ou administration de ce médicament par voie orale.
Depuis 2007, l’Afssaps a été destinataire de signalements d’erreurs par prise quotidienne au lieu d’hebdomadaire de ce médicament. Des mesures correctives ont consisté en l’ajout de mises en gardes dans le RCP et la notice. Un avertissement explicite dans un encadré rouge figure également sur les boites de ces médicaments stipulant qu’ils ne doivent pas être pris tous les jours. Or malgré la mise en œuvre de ces mesures, L’Afssaps a eu connaissance, dans les six premiers mois de l’année 2011, de 4 cas de surdosage par prise quotidienne dont deux ont entraîné le décès du patient. Il s’agit d’erreurs faites par le patient lui-même, d’erreurs de prescription (en mg/jour) ou de rédaction imprécise de l’ordonnance. Ces erreurs ont été constatées en ville et en milieu hospitalier.
Une fiche d’information destinée au patient et a été adressée aux pharmaciens d’officine par les laboratoires commercialisant ces produits. Ce document est téléchargeable.
Le Sou médical-groupe MACSF a également reçu plusieurs plaintes concernant ces erreurs de prescription de méthotrexate par voie orale en Clinique ou en ville, par un médecin généraliste ou spécialiste :
On peut noter que dans le cas détaillé ci-dessus, la prescription habituelle du traitement en deux prises matin et soir le même jour a pu participer à l’erreur, même si l’ordonnance princeps notifiait bien « tous les lundis ».
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