Fin août 2001, un homme de 23 ans, technicien frigoriste, se rend au cabinet de son médecin traitant - qu'il ne consulte d'ailleurs que très épisodiquement, en raison de l'apparition récente de douleurs des deux seins, déclenchées par le moindre contact. Lors de la consultation, le médecin généraliste vérifie l'absence de prise médicamenteuse pouvant provoquer une gynécomastie. Il examine uniquement le thorax du patient et ne constate aucune gynécomastie. Il lui conseillait de "patienter".
Saisine de la CCI par le patient pour obtenir réparation du préjudice qu’il avait subi (mars 2004).
"Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier et notamment du rapport établi par l'expert commis par la Commission :
Que le cancer testiculaire du patient a été diagnostiqué avec retard ; Considérant, cependant, que la perte de chance de ce retard ne saurait, en tout état de cause, qu'être très faible compte-tenu de l'évolutivité du tératome testiculaire et de la présence très vraisemblable de métastases pulmonaires dès octobre-novembre 2001 ; Considérant que dès lors , en l'état, il est impossible de rapporter la preuve que le préjudice subi par le patient atteint le degré de gravité requis par le décret numéro 2003-314 du 4 avril 2003 pour que la Commission soit compétente pour rendre un avis sur la demande d'indemnisation."
A la suite de la décision de la CCI, assignation du médecin généraliste devant le tribunal de grande instance par le patient pour obtenir réparation du préjudice qu’il avait subi (septembre 2007).
Polycopié des enseignants en Endocrinologie, Diabète et Maladies métaboliques (Société Française d'Endocrinologie, 3ème édition 2015).
Quelles indications aujourd'hui pour la radio du thorax. has 2009.
L’expert, chirurgien urologue libéral, compétent en cancérologie soulignait que : " (...)
Le 22 août 2001, comme les défendeurs le soutenaient, si le diagnostic était loin d'être évident, on constatait, toutefois que les amis du patient, profanes en la matière, avaient eux remarqué l'existence d'une gynécomastie, puisqu'ils l'avaient signalée au patient, début septembre alors qu'il était torse nu en vacances.
Le 22 octobre, la persistance de la symptomatologie initiale, à laquelle se surajoutaient une toux et une expectoration hémoptoïque n'avait entraîné que la prescription de banals dosages biologiques auxquels fut, toutefois, associé, pour unique recherche étiologique de la gynécomastie, celui de la prolactinémie. En revanche, le médecin n'avait pas pratiqué d'examen des bourses, ni prescrit de radiographie pulmonaire, ni de dosage de la β-hCG ou de la hCG plasmatiques.
Malgré l'aggravation de la symptomatologie, ces carences ont été réitérées le 5 novembre, le 4 décembre 2001 et le 15 janvier 2002.
Pour sa défense, le médecin déclarait qu'il n'existait pas une toux persistante mais un seul épisode de toux, que l'examen clinique montrait une gorge inflammatoire, que l'auscultation pulmonaire était normale et que ce sont les raisons pour lesquelles il avait cru devoir prescrire au patient un traitement symptomatique.
Mais, d'une part, il est tout à fait anormal de négliger la recherche étiologique d'une hémoptysie dont toute tentative de traitement médicamenteux symptomatique serait, par ailleurs, absurde et d'autre part, le patient affirmait que sa toux était survenue au début du mois d'octobre et qu'elle persistait le 22 octobre.
Quoiqu'il en soit, le médecin n'a jamais pensé au premier diagnostic essentiel car vital dans ce contexte : celui d'une tumeur testiculaire. Il a, de plus méconnu la survenue des métastases pulmonaires en refusant de prescrire la radiographie pulmonaire qui lui était pourtant explicitement demandée. Il n'a pas non plus diagnostiqué les métastases ganglionnaires responsables de la symptomatologie abdominale justifiant la consultation du 15 janvier 2002 alors que celles-ci se sont avérées palpables une semaine plus tard.
Si les investigations nécessaires au diagnostic avaient été prescrites au stade précoce de la maladie, l'orchidectomie aurait été pratiquée sans délai. Une orchidectomie pour tumeur testiculaire sans extension métastatique n'aurait pas nécessité d'arrêt de travail excédant 1 mois chez un sujet jeune en bon état général. A priori, dans ce cas, le traitement complémentaire de la tumeur testiculaire aurait pu requérir 3 à 6 cures de chimiothérapie, étalées sur 6 à 12 semaines en fonction du statut métastatique. Le patient aurait pu reprendre son travail à l'issue d'une convalescence de 2 mois. Au total, l'arrêt de travail aurait duré 6 mois, avec une reprise à plein-temps à l'issue de ce délai.
Or, au décours immédiat de son orchidectomie, le patient a dû être transféré, compte-tenu de la gravité de son état, au Centre régional anticancéreux pour y subir une chimiothérapie de "sauvetage" émaillée de nombreuses complications. Il n'a pu reprendre son travail à mi-temps qu'au bout de 19 mois et à plein-temps, au bout de 31 mois... En outre un diagnostic plus précoce aurait, vraisemblablement augmenté les chances du patient d'éviter les trois chirurgies subies postérieurement à sa chimiothérapie.
Sur le plan pronostique, en l'absence de données sur l’état de la maladie en août 2001, il ne peut être prouvé que le patient aurait appartenu à la cohorte dont le taux de guérison est de 85 %. Mais on peut estimer que ce retard de diagnostic lui a fait perdre une chance sur deux de guérison totale.
Le seul déficit fonctionnel actuel est une stérilité persistante à la date de la consolidation. Il peut être évalué à 20 %. On ne peut, toutefois, pas affirmer que cette stérilité ne serait pas survenue si le diagnostic avait été porté plus précocement (...)"
Tribunal de grande instance (décembre 2011)
Se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise, les magistrats retiennent la responsabilité du médecin traitant dans le retard diagnostique du cancer testiculaire du patient, ayant, notamment, abouti : "(...) à un développement extrêmement important des masses tumorales métastatiques, conduisant à une situation où le pronostic vital était engagé à court terme (...)".
Indemnisation de 89 616 € dont 34 438 € pour les organismes sociaux.
toujours le BABA pourquoi n' at il pas demander une RX THORAX devant cette toux hémoptoïque le 22 octobre ou refuser de la demander ?
coût d une radio du thorax 27.50 euros !!!!!!!!!
Cette observation montre bien la valeur d'un examen systématique complet, surtout après une aggravation des signes cliniques.
Sans juger des connaissances du praticien mis en cause, il faut tenir toutefois compte de la charge de travail et de la paperasse imposées à tout médecin.
Il ne faut pas jeter la pierre, nos maîtres nous disaient que tout médecin a un petit carré personnel au cimetière.
Ce cas clinique, identique sur le fond à d'autres publiés par ailleurs, pose la question suivante : comment est-il possible de ne pas appliquer l'enseignement dispensé? Hémoptysie = radiographie pulmonaire m'ont dit mes Maîtres, jadis. C'est simple et il en est ainsi pour d'autres cas débouchant sur des drames... Nul besoin d'être un sur-médecin, appliquer la base enseignée suffit, d'autant plus que souvent le diagnostic est difficile et incite à l'erreur. Ne nous compliquons pas la vie...Cela mériterait une réflexion de la part des enseignants et des médecins en général car c'est étrange...
Je félicite ce patient d'avoir aussi longtemps eu confiance en son médecin .Quelque fois aussi chez les soignants une fierté très mal placée nous empêche d'aller plus loin dans la recherche des causes de certains symptômes...c'est bizarre
Cette observation est très intéressante car elle confirme:
1ere qu'un examen général est indispensable pour toute consultation y compris du spécialiste et bien-sûr du généraliste
2ème ne pas hésiter lorsque l'on bute sur un diagnostic,à demander l'avis d'un confrère , car on s'enferre rapidement refusant d'admettre que notre 1ere impression n'était pas la bonne, faute de tous et même des meilleurs!