Patiente difficile, peu observante,… Iatrogénie des diurétiques ? Un exemple peu banal…
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EXPERTISE (2014)
Les experts sont neurologue et interniste.
Les enfants s’inscrivent en faux contre les assertions d’indiscipline de cette patiente.
Ils rapportent qu’elle aurait présenté des épisodes vertigineux voire des malaises dans les mois précédant l’hospitalisation. Elle devait faire des pauses en marchant car elle se sentait « étourdie ».
L’absence de troubles de conscience lors des visites et lors de l’arrivée à l’hôpital est confirmée par la famille.
Les vomissements étaient très fréquents pendant trois jours, abondants au début. Quand elle est arrivée aux urgences la première fois, elle vomissait toutes les demi-heures pendant les 5 heures où elle a séjourné au service des urgences.
Les experts considèrent que l’HTA était peu sévère et l’observance inconstante chez cette patiente « indisciplinée ».
Concernant le retard diagnostique de cette hyponatrémie :
« Le MG a prescrit de l’Aldactazine, certes à faible posologie et le risque d’entrainer une hyponatrémie était faible. Néanmoins la tolérance d’un traitement diurétique est très variable selon les individus et ce d’autant plus que les personnes sont âgées. Il est vrai, qu’à l’époque des faits, la patiente n’avait que 69 ans. Il n’y a pas eu de contrôle biologique dans les deux mois qui suivent.
L’élément important dans son cas est la survenue de vomissements abondants répétés pendant plusieurs jours.
L’hyponatrémie peut résulter de ces seuls vomissements et n’avoir aucun lien avec le traitement.
Mais on peut supposer aussi que le diurétique ait pu entrainer une hyponatrémie peu importante que les vomissements sont venus aggraver.
On ne peut pas non plus éliminer, même si cela parait peu vraisemblable, que les vomissements aient été l’expression d’une hyponatrémie majeure et qu’ils n’étaient pas liés à une gastro entérite ».
Ils attribuent la myélinolyse à l’inadaptation du traitement de cette hyponatrémie majeure, dont le diagnostic a été très tardif. « La myélinolyse centro pontine survient classiquement après un intervalle libre après correction de l’hyponatrémie, plus souvent après une hyponatrémie chronique ». « Les apports de Nacl (24 gr) ont été excessivement importants au cours des 17 premières heures passées à l’hôpital sans surveillance électrolytique associée ».
Les responsabilités :
« Le MG aurait dû demander, chez cette patiente âgée, un ionogramme systématique dans un délai de quelques semaines après la primo prescription.
Aux urgences, le diagnostic de gastro entérite a été porté sur des éléments cliniques seulement. Une prise de sang aurait dû être faite pour juger du retentissement de ces vomissements.
Lors du constat de l’hyponatrémie, la réalisation des mesures correctives n’a pas respecté la lenteur de progression qui est la règle. Selon certaines références la correction doit être inférieure à 10/12 mmol/l en 12 heures, inférieures à 18 mmol/l en 48 heures.
Le contrôle de la natrémie n’a pas été fait entre 3 h du matin et 15 h le lendemain.
Cette hyponatrémie menaçait le pronostic vital…
L’urgentiste n’a pas pris la mesure de la gravité et de la sévérité de l’état de la patiente. Il aurait dû la transférer en réanimation ».
Les experts proposent de partager la responsabilité des séquelles entre le MG (20%) et l’hôpital (80 %).
AVIS CCI (2016)
Après avoir entendu les parties, la Commission répartit différemment les responsabilités de l’indemnisation des séquelles : MG 10 % et 90 % pour l’hôpital.
Cette observation est doublement exceptionnelle du fait de la profondeur de l’hyponatrémie et de sa relative bonne tolérance et par la complication finale à type de myélinolyse.
Les examens faits lors de son hospitalisation en médecine interne n’ont pas retrouvé de pathologie susceptible d’être à l’origine d’un syndrome inapproprié d’ADH comme une cause tumorale….
Il est vraisemblable qu’une hyponatrémie s’est constituée progressivement (traitements diurétiques successifs à dose réellement absorbée inconnue) et a été accentuée par les vomissements de cause X.
Ce syndrome rare de myélinolyse centro pontine (actuellement ODS- syndrome de démyélinisation osmotique) est bien décrit, de mécanisme complexe. La rareté de cette complication n’a d’égal.. ..dans cette observation que le constat d’une hyponatrémie non mortelle à moins de 100 meq/l…
Certains écrivent que ces myélinolyses sont plus fréquentes chez des patients prenant des thiazidiques avec des corrections très rapides de l’hyponatrémie secondaires à des perfusions de sérum physiologique, d’autant plus que la kaliémie est basse.
HAS, 202 HAS – DAQSS – SPPIC – Octobre 2012,Coprescription diurétiques
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