L’histoire banale et dramatique d’une infection nosocomiale où tous les acteurs, y compris le patient, jouent un rôle dans le processus...
Cas clinique
Un adolescent âgé de 14 ans se plaint depuis plusieurs mois de douleurs du genou droit accompagnées de phénomènes de « pseudo-blocage » avec impossibilité de flexion.
Il est adressé mi-novembre par son médecin traitant, en clinique, à un chirurgien orthopédiste qui diagnostique « un corps libre intra-articulaire (ostéochondrome ?), peut-être lié à une ostéochondrite disséquante » et en propose l’ablation chirurgicale, acceptée par l’adolescent et ses parents.
L’intervention a lieu le 28 novembre dans une salle du bloc opératoire réservée à la chirurgie orthopédique et équipée d’un flux laminaire. Les 4 interventions précédant celle de l’adolescent se déroulent sans incident, ni complications (notamment septiques) ultérieures. Le compte rendu du CLIN en date du 16 décembre indique : « enquête épidémiologique négative ». Une antibioprophylaxie peropératoire par Orbénine® (allergie aux céphalosporines) est pratiquée. Le premier temps opératoire consiste en une arthroscopie. Il est suivi d’une petite arthrotomie pararotulienne interne pour enlever un gros fragment cartilagineux détaché de la face externe du condyle interne du genou. A noter un changement complet d’installation du patient pour réaliser l’arthrotomie.
Un drain de Redon est mis en place en fin d’intervention. Le pansement est refait avant la sortie le 30 novembre.
La température reste entre 36° C et 36,5° C durant l’hospitalisation.
Dans la lettre adressée au médecin traitant, le chirurgien indique souhaiter revoir le patient dans 3 mois pour surveillance.
Le 18 décembre, le chirurgien procède à l’ablation des fils et prescrit des pansements à faire réaliser par une infirmière ainsi que les produits nécessaires à ces pansements.
A l’occasion des fêtes de fin d’année, l’adolescent et sa mère se rendent dans leur famille à plus de 700 km de leur domicile. Les pansements sont réalisés tous les jours par la grand-mère de l’adolescent. Ayant estimé que « la plaie n’était pas belle… », celle-ci le conduit le 4 janvier chez son généraliste.
Ce dernier note : « …Opéré du genou il y a un mois. Abcès sur cicatrice évacué. Pyostacine® 500 2 cps matin et soir pendant 10 jours ». Aucun prélèvement bactériologique n’est fait.
Le 6 janvier, le généraliste revoit l’adolescent et constate un « lâchage de cicatrice ». Il l’adresse au CHU où il est hospitalisé en chirurgie pédiatrique pendant 24 h.
La lettre adressée par l’interne au généraliste indique qu’« à la demande de la famille, l’enfant sera pris en charge rapidement par l’opérateur pour la suite des soins ».
Mais un compte rendu d’hospitalisation est adressé par un praticien du même service à un chirurgien du CHU de la ville où habite l’adolescent. Il y est mentionné : « Admission en urgence, genou droit globuleux avec une désunion profonde et sale de la cicatrice opératoire… Il semble qu’un volumineux abcès se soit progressivement évacué les jours précédents. Des soins locaux et une immobilisation ont été réalisés ainsi qu’un prélèvement bactériologique mettant en évidence un Staphylococcus aureus, sensible à tous les antibiotiques testés ». A noter qu’avant le résultat des cultures bactériologiques, il avait été prescrit Vancomycine® IV (1g x 2 /j) remplacé au bout de 24 h, en raison d’une réaction allergique, par du Bristopen® IV (1g x 4) associé à de l’Amiklin® (O,5 g x 2 /j).
Après avoir regagné son domicile, l’adolescent est hospitalisé au CHU de sa ville, du 9 au 15 janvier. Il est réalisé un nettoyage et un drainage articulaire pour arthrite septique du genou droit, « le parage ayant montré une ouverture articulaire importante avec désunion de la cicatrice capsulaire sur au moins 3 cm. ». Une antibiothérapie est prescrite par voie générale pendant une semaine. A noter que les cultures de 2 écouvillons et d’un fragment membraneux intra-articulaire étaient restées stériles.
A la sortie, le patient est porteur d’une immobilisation par attelle de Zimmer et 20 séances de rééducation lui sont prescrites.
La reprise de la scolarité a lieu le 22 janvier.
En raison de douleurs et d’une algodystrophie du genou, un bloc à la Guanéthidine est réalisé le 27 octobre, puis les 3 et 11 novembre.
A la date de consolidation fixée au 4 mai, sont notées une persistance de douleurs, une limitation du périmètre de marche et une boiterie avec amyotrophie de la cuisse et du mollet, déficit de flexion de 12° par rapport au côté gauche et accroupissement incomplet.
ASSIGNATION du CHIRURGIEN ORTHOPEDISTE et de la CLINIQUE (juin) puis du MEDECIN GENERALISTE ayant pris en charge l’infection postopératoire (mai), par la mère du patient pour son fils en réparation du préjudice qu’il avait subi.
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.