Des complications suite à des injections d'aminosides : dans ce dossier, les « verrous de sécurité » n’ont pas fonctionné dans la chaîne des soins. De nombreux acteurs de cette prise en charge sont impliqués, avec une cascade de responsabilités (urologue, pharmacien, médecin traitant...).
Elle se plaint d’avoir fait de nombreuses chutes, jusqu’à présent sans gravité immédiate mais responsables d’hématomes (sous anticoagulants).
Elle était auparavant autonome et se déplace maintenant difficilement chez elle avec un déambulateur ou une canne et doit être assistée dans ses déplacements extérieurs, devenus très limités, y compris dans son jardin.
Elle n’est pas encore appareillée sur le plan auditif et se sentant plus isolée, dit que son moral s’est dégradé. De plus, elle craint d’être un jour dialysée.
Elle considère que cette perte d’autonomie, qui « a fait basculer sa vie », est en rapport direct avec les injections et redoute l’avenir avec son mari de 83 ans et une fille qui doit « les quitter pour raison professionnelle ».
La CCI est saisie d’une demande d’indemnisation.
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.
L’expert principal, chirurgien urologue s’est adjoint l’avis d’un sapiteur urologue spécialisé en infectiologie et d’un ORL.
De nombreux acteurs de cette prise en charge sont impliqués : le médecin généraliste, le chirurgien urologue, le pharmacien titulaire, l’infirmière…
Cette expertise s’est déroulée en l’absence de la patiente et du médecin généraliste, tous deux hospitalisés. La famille est représentée par sa fille et son mari, le médecin généraliste n’a pu être joint que fort brièvement par son médecin conseil.
Certains échanges, précieux pour les experts, n’ont donc pas pu avoir lieu en séance contradictoire.
Mais, à la demande des experts, l’expertise a été précédée, fait inhabituel, d’une série de questions écrites précises et pertinentes aux différents professionnels de santé et à la patiente ayant pour but de comprendre quel avait été le fonctionnement de la chaine des soins et quelle était la connaissance de la patiente sur son insuffisance rénale et sa compréhension des risques de certains traitements.
La patiente confirme, par le biais de son avocat (dans des écrits détaillés manifestement rédigés avec un conseil médical), que son médecin généraliste l’avait mis en garde sur la toxicité potentielle de la Gentalline dans son contexte d’insuffisance rénale mais qu’elle a décidé de suivre la prescription du spécialiste, malgré l’ordonnance alternative délivrée.
Vers la fin du traitement, elle a attribué ses troubles au médicament, dans la mesure où leur existence figurait sur la notice de celui-ci et elle ne s’est pas inquiétée, pensant que tout allait disparaitre lorsque le traitement serait terminé.
Les experts rappellent que les infections urinaires sont fréquentes chez les femmes et difficiles à éradiquer. Ils citent les recommandations parues à la date des faits (en annexe).
- Le médecin traitant aurait adressé sa patiente à l’urologue mais les experts n’ont pas connaissance d’un courrier du généraliste, même si le spécialiste a répondu « je te remercie de m’avoir envoyé… » : « il n’aurait signalé ni la dégradation de la fonction rénale ni la prise de Lasilix®. Ces renseignements auraient pu changer la suite. Mais il n’est pas habituel de signaler tous les antécédents, lorsqu’on sollicite un avis sur la prise en charge d’une infection urinaire récidivante non fébrile. A ce niveau, aucun reproche ne peut être fait au généraliste d’autant que c’était de la responsabilité de l’urologue de faire doser la créatinine avant tout traitement, si la Gentalline était envisagée chez cette personne âgée. Quand le généraliste a appris (on ignore précisément comment), la prescription, il a déconseillé de la suivre et a fait une autre ordonnance en conformité avec les recommandations. C’est le seul acteur de soins qui se soit manifesté pour émettre des réserves sur la prescription du spécialiste. La famille ne semble pas lui avoir répondu qu’elle allait néanmoins suivre la prescription de l’urologue. Le médecin généraliste aurait pu prendre contact avec l’urologue pour mentionner que la créatinine était perturbée et qu’il était risqué de prescrire de la Gentalline. Cette démarche aurait été déontologique et aurait rectifié l’erreur, en lui faisant prendre conscience des risques. Ceci ne fut pas fait, peut-être pour ne pas vexer le spécialiste, en pensant que le problème était résolu, sans l’ennuyer. Il est plus difficile de lui reprocher de ne pas avoir joint le pharmacien ou l’IDE. Il connaissait depuis longtemps cette famille et il existait une relation de confiance ne nécessitant pas d’aller au-delà suite à sa propre prescription d’Oroken®. La famille nous a confirmé avoir toujours confiance en ce praticien ».
- L’urologue « a fait une prescription, à tout point de vue, hors normes. Il ne semble pas avoir abordé les risques du traitement et ne s’est pas renseigné sur la fonction rénale. Son dossier est vide quant aux pathologies associées et aux traitements en cours (Lasilix®). Il ne mentionne ni les lourdes co-morbidités ni la surdité ancienne. Ses investigations furent donc très incomplètes. Les experts rappellent, de façon détaillée, les recommandations concernant les aminosides, leur toxicité potentielle en particulier celle de la Gentalline, la nécessité de doser la créatinine et de surveiller les dosages de gentallinémie et de limiter en durée cette prescription si aucune autre n’est possible, ce qui n’était pas le cas. Il existait des alternatives. (voire bibliographie). Dans le cas précis, ses informations sur les risques sont totalement absentes ».
- L’infirmière : « les infirmières libérales ne sont plus confrontées à la prescription de ce produit, depuis des années, en pratique de ville. Elle ne savait pas que le MG avait déconseillé cette prescription. Il est vrai qu’elle aurait pu s’étonner de ces 7 jours de traitement et contacter le prescripteur et le MG. Il est difficile de lui reprocher de ne pas avoir exprimé une réserve, même si elle aurait pu le faire. Elle déclare avoir vérifié que la posologie était conforme. Nous avons interrogé deux IDE libérales qui nous ont dit ne plus faire d’injection de Gentalline et qu’elles ne se seraient pas posé la question. La grande majorité des infirmières libérales aurait probablement eu le même comportement. En revanche, les IDE de services actifs, où sont hospitalisés des patients ayant des infections graves, savent que la durée doit être très courte et réagissent si la prescription dépasse 48 heures ».
- Le pharmacien : « C’est la préparatrice qui a délivré le médicament au mari. Elle connaissait parfaitement la patiente. Un pharmacien était, parait-il présent, et aurait été contacté par la préparatrice mais le mari ne l’a pas vu. Il en aurait parlé à son confrère le soir et au vu du Vidal, ils n’ont rien retenu qui puisse entrainer une action et il ne leur paraissait pas déontologique d’inquiéter la famille. Ils avaient remarqué que cette patiente prenait plusieurs produits susceptibles d’interférer avec cette prescription, en particulier le Lasilix® mais, que la dose étant peu importante, l’association devait être possible. Les experts soulignent qu’il est curieux, d’apprendre que cette discussion aurait eu lieu sans aller plus loin car c’est un fait très courant, au dire du pharmacien de téléphoner au prescripteur, parfois même pour une simple lecture difficile, un poids manquant ou toute autre raison. En réponse aux dires du pharmacien, les experts indiqueront que l’argumentation de celui-ci repose sur les données du Vidal. Ils reconnaissent que les données du Vidal n’ont pas été actualisées avec les données des dix dernières années et que, si beaucoup de réserves à l’utilisation du produit sont clairement évoquées, elles le sont avec l’esprit des années passées, lesquelles sont actuellement plus directives. Le pharmacien cite plusieurs parties de ce document mais oublie un certain nombre de données liées au grand âge et à la surdité. Le fait qu’il y aurait eu débat entre la préparatrice et le pharmacien témoigne que l’hypothèse d’un risque a été avancée….. Tout en reconnaissant que les données du Vidal pourraient être actualisées, elles étaient suffisantes dans ce contexte d’une prescription très inhabituelle dans ce contexte. Ils concluent à un problème d’organisation de cette pharmacie et à un non-respect des conseils que la patiente était à même de recevoir, quand il existe une prescription hors norme pour la durée et à risques à cet âge. Si tout s’était passé selon les normes, les injections auraient pu être arrêtées par un contact avec le médecin ou la famille qui aurait alors enregistré une mise en garde de deux intervenants dans la chaine de soins. Une solution médiane était de donner la première dose et de profiter du stock insuffisant pour contacter un médecin. Les pharmaciens avaient tout leur temps, puisqu’ils ne disposaient pas d’une quantité suffisante, et ce n’est d’ailleurs pas des ampoules à 160 mg qui furent délivrées mais à 80 mg prouvant que cette demande est exceptionnelle ».
Dans des réponses à des dires, les experts considèrent également que la patiente partage une part de responsabilité, car elle a passé outre la mise en garde du MG.
L’expert urologue et spécialiste en infectiologie a fait les remarques suivantes : « je note que cette patiente de 80 ans, aux antécédents de chimiothérapie et d’obésité, qui augmentent le risque d’infections urinaires récidivantes… a consulté plusieurs fois son MG pour des cystites aigues. Ceci a motivé le MG à utiliser de nombreuses classes d’antibiotiques, et surtout les fluoroquinolones quasiment à chaque fois, ce qui a entrainé une multi résistance aux antibiotiques de l’E Coli. Ces fluoroquinolones sont incriminées aussi dans les dégradations de la fonction rénale.
Il existait à l’époque plusieurs recommandations nationales :
les recommandations de l’AFFAPS et celles du Comité d’infectiologie de l’AFU préconisaient de varier les antibiotiques et d’utiliser en alternance, lorsque cela était possible, le cotrimoxalole, l’amoxicilline, le céfixime, les quinolones, les furanes et le Monuril®.
Lorsqu’est survenue cette infection multi résistante, il restait à la disposition de l’urologue, selon les recommandations, soit l’Oroken® (qui était à l’époque en rupture de stock dans certaines officines), la Furadantine® en traitement de 5 à 7 jours ou le Monuril®, moins indiqué. La gentalline n’était pas une alternative. Elle n’était ni indiquée, ni prescrite selon les recommandations : posologie non adaptée au poids chez cette femme obèse (3 à 8 mg par kilo et par jour), voie IM, durée de traitement. En cas d’insuffisance rénale ou d’âge supérieur à 75 ans, les risques de néphrotoxicité et d’ototoxicité sont majorés. Il est clairement indiqué, dans les recommandations, qu’en cas d’insuffisance rénale, il est indispensable de pratiquer des dosages plasmatiques pour ajuster les posologies et les intervalles entre chaque injection... Si la toxicité rénale est réputée réversible, celle sur l’oreille interne est connue comme irréversible ce qui a été le cas de cette patiente. Cette toxicité sur l’oreille est majorée en cas de surdité pré existante ou de prescription concomitante de médicaments toxiques pour l’oreille, ce qui est le cas chez cette patiente qui prenait du furosémide…...».
Il est ajouté par l’expert ORL : « dans la littérature, jusqu’à 30% des patients présentant des accidents d’ototoxicité seraient porteurs d’une mutation d’un gène de sensibilité à l’effet toxique des aminosides. Trois heures après une injection, la concentration à l’intérieur de l’oreille interne est maximale : cette concentration est augmentée par l’insuffisance rénale et l’utilisation concomitante de diurétiques. Rapidement, l’ototoxicité est marquée par une destruction sensorielle touchant particulièrement l’appareil vestibulaire ainsi que les cellules ciliées externes de l’organe de l’audition….L’aréflexie vestibulaire est un handicap majeur ».
Les experts mentionnent également que la Gentalline reste un antibiotique sans trop de résistance de la part des germes ; mais depuis longtemps, son utilisation est réservée aux pyélonéphrites ou septicémies et qu’il est tout fait pour limiter la durée de son administration. Par ailleurs, quand il existe une nécessité de prescrire un aminoside et qu’un risque d’effet secondaire est accru, on préfère l’amikacine à la gentalline.
Le rapport d’expertise conclut à une cascade de responsabilités : l’urologue est le principal responsable et les « verrous de sécurité » n’ont pas fonctionné dans la chaine des soins.
Sa responsabilité de l’urologue est majeure, celle du pharmacien est très importante, celle du médecin traitant modeste et ils qualifient la responsabilité de l’infirmière de marginale.
Ils ne se prononcent pas sur la part exacte à retenir (en pourcentage) pour chacun.
Les reproches exprimés par la famille sont nombreux… Ceux-ci considèrent que la prescription litigieuse a été, non seulement responsable de la dégradation ORL, mais aussi ophtalmologique et de la perte de l’autonomie. Les experts ventilent ce qui revient à l’état antérieur et son évolution : si la part auditive est partiellement en rapport, l’aggravation rénale n’a été que transitoire et celle de l’aggravation du glaucome sans lien.
AVIS CCI (2014)
La commission CCI estime que :
- la responsabilité du médecin traitant est engagée à double titre : absence de courrier au spécialiste sur l’existence de l’insuffisance rénale et rédaction de l’ordonnance d’Oroken® en remplacement de celle de la Gentamycine® : celle-ci aurait dû comporter la mention de l’arrêt de la Gentamycine, une information de la patiente, et celle de son correspondant. La commission retient une perte de chance préjudiciable à la patiente. La responsabilité du généraliste est retenue à hauteur de 10%.
- La responsabilité de l’urologue est engagée du fait de sa prescription « hors normes », hors recommandations, sans précision de l’âge et du poids, à durée excessive, sans précaution ni suivi de son administration, alors qu’existaient des alternatives, y compris sur le choix de l’aminoside. Sa responsabilité est retenue à hauteur de 60%.
- La responsabilité du pharmacien est également engagée : la lecture du seul Vidal aurait dû le conduire à plus de prudence chez cette femme âgée, compte tenu de la durée prescrite. La délivrance de la prescription s’est faite en deux temps, ce qui lui donnait le temps de prendre contact avec le prescripteur. Sa part de responsabilité est fixée à 30%.
- La responsabilité de l’infirmière est écartée : selon les experts, la majorité des infirmières aurait adopté la même attitude et l’apparition des premiers signes d’aggravation ne pouvait être interprétée comme une réaction au produit au regard des comorbidités.
A noter que la part de responsabilité de la patiente n’est pas envisagée, contrairement à l’avis des experts (note du commentateur)
Les dossiers de complications des aminosides sont récurrents en médicolégal, car le préjudice auditif est irréversible et sévère. Il est vrai qu’ils concernent plus souvent des acteurs de soins hospitaliers (anesthésistes, chirurgiens. .) mais parfois également des médecins de ville confrontés à des antibiogrammes limitant leurs prescriptions (infections de tous types, orthopédiques notamment). Les reproches exprimés sur leurs attitudes sont de même nature que ceux développés dans cette expertise : alternatives thérapeutiques ? Surveillance ? Avec souvent le reproche de l’absence de dosages sanguins du produit et de la créatinine et le rapport bénéfice/risque.
Il est toujours difficile de se faire une idée la plus exacte possible de la chronologie des faits quand manquent, lors de l’expertise, des acteurs essentiels, en l’occurrence la patiente et son médecin traitant.
Pour l’une, c’est sa famille qui parle ainsi que les nombreux bilans et explorations de cette patiente. Personne ne nie que son autonomie, réelle avant les faits, ne se soit ensuite notablement dégradée. La personne qui a été en relation avec le médecin traitant lors de la rectification de l’ordonnance litigieuse n’apparait pas clairement, de même que les raisons de cet entretien et qui l’a initié.
Pour le généraliste, c’est son dossier qui est sa meilleure défense mais il ne peut tout contenir ni tout expliquer. Il est possible d’ailleurs, que s’il avait été présent, il n’aurait pas pu répondre de façon précise aux questions pertinentes des experts sur certains points clés de l’affaire : a-t-il donné à la patiente un courrier pour le spécialiste, dont il n’a pas le double ? et qui n’aurait pas été présenté au spécialiste ? Comment et pourquoi a-t-il été informé de la prescription litigieuse de Gentamycine® ? Est-ce lui qui a pris l’initiative d’un appel comme le soutient la famille ? Il a déclaré au médecin conseil que l’annulation de la prescription du spécialiste avait été dûment expliquée et avec insistance.
Son état de santé n’a pas permis de recueillir de plus amples informations et comme souvent, en médico juridique, le doute ne bénéficie pas aux absents. On peut regretter ces circonstances et la condamnation de ce médecin traitant, qui avait pourtant alerté la famille et managé, comme il pouvait, et à bon escient, des informations téléphoniques et cette situation d’urgence « ressentie ». Bien sûr, il aurait mieux fallu qu’il contacte directement l’urologue….et en discuter avec lui. Mais, on connait les difficultés de la gestion du temps en médecine générale et celles des contacts téléphoniques avec des correspondants, notamment chirurgiens. Que pouvait-il faire de plus dans des conditions habituelles d’exercice, en travaillant avec un confrère connu et une famille habituellement confiante ? Il est victime (à notre avis) d’une décision familiale, qui a privilégié le « sachant » spécialiste.
Personne n’a nié que le remplacement de la Gentamycine® par de l’Oroken® sous entendait l’arrêt des injections et l’avis de la CCI parait bien sévère à cet égard. Par contre, comme c’est habituel et nécessaire, une prescription sans consultation de la patiente, et donc sans son information directe et personnalisée, est fort justement retenue.
Cette observation a le mérite également de mettre en lumière le fait que le spécialiste ne peut se contenter de son attitude diagnostique et thérapeutique sans aller rechercher les informations nécessaires, qui si elles ne sont pas contenues dans un courrier du médecin traitant, peuvent l’être, lors de l’interrogatoire, par des examens complémentaires ou dans les dossiers disponibles: ceux-ci, plus ou moins bien classés, sont parfois apportés par les patients et contenus dans un grand sac plastique posé au pied de leur chaise. Au cas où…. Les patients âgés sont également tout à fait vigilants à leur santé La recherche d’un renseignement peut être ardue mais tout dépend ce que l’on cherche ! D’après le compte rendu du médecin conseil qui a assisté à l’expertise, il semblerait que cette patiente avait l’habitude d’emporter tous ses dossiers avec elle lors de la consultation d’un spécialiste.
Il est finalement assez rare, bien que cela soit plus fréquent que les plaintes ne le mettent en exergue, que l’attitude des pharmaciens n’ait pas été jugée comme adéquate. Même si la préparatrice les a fort justement alertés, ils demeurent persuadés que leur attitude répondait à l’AMM du produit.
Pour une fois, le dictionnaire Vidal aurait certaines insuffisances, reconnues par les experts. Comme les pharmaciens sont en possession des traitements mensuels ou récents de leurs patients et ont connaissance de leur âge, il leur appartient aussi de valider des prescriptions inhabituelles.
Le problème des infections récidivantes et en plus pour une personne âgée est difficile, pour les spécialistes aussi. A l’inquiétude exprimée face aux récidives, et surtout lorsque existe un réel inconfort lié à celles-ci, ne peuvent répondre des mesures thérapeutiques risquant d’être inefficaces. Ceci n’est peut-être qu’un facteur annexe mais la prescription d’injections intra musculaires a eu, pendant longtemps, une certaine « aura » ….et pour les patients un des gages de l’efficacité attendue du spécialiste.
Une question d’ailleurs soulevée est celle de la résistance du germe apparue après des prescriptions répétées et assez monolithiques de la même famille d’antibiotiques (quinolones), certes pour des infections symptomatiques, par le médecin traitant.
Le problème de l’insuffisance rénale à 80 ans :
La créatinine normale rassure….et pourtant ! Aucune personne de 80 ans n’a une clearance normale mais le dosage de créatinine peut tromper car le chiffre de la créatinine est fonction de la masse musculaire qui diminue également avec l’âge. Dans cette observation, nous n‘avons pas les chiffres de clearance de la créatinine.
Même si la créatinine avait été apparemment normale, il n’en est pas moins vrai que cette personne de 80 ans devait déjà être considérée avec circonspection lors de toute prescription ayant une toxicité rénale…. Dans le cas présent, la situation était plus claire et l’insuffisance rénale évidente.
Avis du centre de pharmacovigilance sur ce dossier (demande des experts):
« Les aminosides peuvent induire une ototoxicité irréversible, cumulative, qui affecte non seulement la cochlée avec perte d’audition, d’abord dans les fréquences élevées (ce qui, de ce fait, peut passer inaperçu) et le système vestibulaire. Selon les aminosides, l’ototoxicité prédomine sur le système cochléaire ou vestibulaire.La gentamycine induirait plus fréquemment des lésions vestibulaires qu’une perte d’audition.
Selon la mise au point élaborée conjointement par l’Agence du médicament et les Sociétés savantes, les aminosides doivent être administrés par voie veineuse et la voie IM doit, dans la mesure du possible, être évitée. Pour avoir une efficacité maximale, les aminosides doivent être utilisés en dose unique journalière….Dans la grande majorité des cas, un aminoside peut être arrêté au bout de 48 à 72 heures (correspondant généralement à l’obtention de l’antibiogramme) ; en l’absence de documentation microbiologique, le traitement peut être poursuivi au maximum 5 jours, durée considérée comme un bon compromis entre les avantages en terme de bactéricidie et le risque de toxicité rénale et auditive. Il existe en effet une relation entre la durée de traitement et ces toxicités : le risque augmente pour les durées de traitements supérieures à 5-7 jours, même chez les sujets sains. L’altération de la fonction rénale, physiologique avec l’âge, s’accompagne d’une moindre élimination des aminosides et est un facteur de risque de néphro et ototoxicié.. ..L’évaluation de la fonction rénale est un pré requis à l’utilisation des aminosides… »
Cités par les experts :