Cancer pulmonaire diagnostiqué la veille d'une intervention pour sténose carotidienne. Patiente non informée... deux ans de retard au diagnostic. Histoire d’une faillite de la chaîne médicale avec le radiologue et le chirurgien reconnus responsables.
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Les experts, l’un professeur des universités, interniste et l’autre, cancérologue libéral, estimaient que le diagnostic du cancer de la patiente aurait dû être posé en 2006 alors qu’il ne l’avait été qu’en 2008 :
« (…) En 2006, les acteurs impliqués étaient le radiologue, le chirurgien et le médecin traitant.
Lors de l’expertise, le radiologue estimait ʺavoir fait son boulotʺ. En fait, il n’avait pas satisfait à son obligation de moyen, qui était de s’assurer de la continuité des soins. Il avait aussi manqué à son obligation d’information de la patiente en ne lui décrivant pas les raisons pour lesquelles il avait réalisé un examen qui n’avait pas été demandé par le chirurgien et sans lui en donner les résultats.
Le chirurgien reconnaissait ne pas avoir lu le compte-rendu du radiologue, la veille de l’intervention et ne pas avoir eu l’occasion de consulter à nouveau le dossier, compte tenu des suites favorables de l’intervention. Ceci l’avait empêché de constater l’existence d’un nodule pulmonaire suspect. Son manquement était de ne pas avoir travaillé en équipe. A sa décharge, il n’avait pas été prévenu par le radiologue de cet examen supplémentaire.
Lorsque la patiente était revenue consulter son médecin traitant, elle ne lui avait pas apporté les clichés faits la veille de l’intervention mais ce dernier n’avait aucune raison de souhaiter les voir puisque le radiologue ne l’avait pas informé des raisons l’ayant amené à réaliser un scanner thoracique. En 2007, il n’avait revu qu’une seule fois, en avril, la patiente pour l’adresser aux différents spécialistes qui la suivaient régulièrement. L’un d’entre eux lui avait adressé une lettre l’informant d’une augmentation de la VS et de la CPR mais la patiente n’était pas revenue le consulter.
En 2008, les acteurs impliqués étaient le médecin traitant et un second radiologue.
Lorsque la patiente était revenue voir son médecin pour une toux tenace, le 4 avril, près d’un an après sa dernière consultation, ce dernier avait logiquement demandé une radiographie thoracique. Il n’avait revu la patiente que le 10 juillet et avait prescrit le scanner thoracique conseillé par le radiologue qui avait réalisé le cliché thoracique. Ce scanner avait étéréalisé le 1er août dans des délais habituels. Le médecin traitant avait, donc, satisfait à son obligation de moyen et la suite de l’évolution lui avait échappé.
En revanche, le radiologue aurait dû prévenir le médecin traitant de la patiente et, en ne le faisant pas, il avait manqué à son obligation de moyen et de continuité des soins. Mais, à cette date, ce manquement n’avait pas eu de conséquence sur l’évolution car il s’agissait d’un cancer pulmonaire parvenu au stade IV dont le pronostic est gravissime (…) ».
Par ailleurs, les experts soulignaient : « (…) La pratique de la médecine de ville suppose que le patient participe à sa prise en charge en suivant les conseils des praticiens consultés. Ici l’impression dominante était que, contrairement aux affirmations de sa famille, la patiente avait fait preuve d’une lenteur d’exécution, voire d’une opposition dans la mise en œuvre des demandes des médecins consultés (…) ».
En conclusion, les experts estimaient que « (…) En 2006, le premier radiologue avait joué un rôle crucial, à l’origine de la non diffusion de l’information sur la découverte du cancer pulmonaire de la patiente. Le chirurgien avait manqué de curiosité. Le médecin traitant dépendant totalement des spécialistes auxquels sa malade avait été confiée, n’avait commis aucun manquement.
En 2008, le second radiologue, avait manqué d’impulsion dans ses recommandations mais, à ce stade, la situation s’était tellement aggravée que son comportement n’avait pas eu d’impact sur la durée de vie de la patiente (…) ».
Pour les experts, le défaut d’information de la patiente avait été à l’origine d’une perte de chance de 80%, à partager entre le premier radiologue (60%) et le chirurgien (40%).
La CRCI adoptait les conclusions des experts : « (…) Un médecin spécialiste est, avant tout, un médecin et l’obligation de moyen qui lui incombe, inclut de faire en sorte que la prise en charge du patient qui le consulte, soit assurée le plus efficacement possible. Cela n’a pas été le cas du radiologue qui ne s’est pas préoccupé, comme il aurait dû le faire, des suites données au diagnostic tout à fait pertinent qu’il venait de faire et qui portait sur une affection grave mettant en jeu le pronostic vital de la patiente…
Par ailleurs, un patient ne saurait être considéré comme un ensemble désincarné d’organes et il appartenait, notamment au chirurgien, de s’intéresser, à tout moment, à son entier dossier, dans sa globalité (…) ».
La CRCI se rangeait également à l’avis des experts concernant d’une part, le médecin traitant excluant toute responsabilité de sa part et d’autre part, le second radiologue qui n’avait pas correctement rempli son obligation de moyen, mais dont le manquement n’avait pas diminué les chances de survie de la patiente.
Perte de chance ramenée à 60% par la CRCI, avec la même répartition que celle proposée par les experts.
« (…) Le dépistage du cancer bronchique par radiographie thoracique et analyse des expectorations n’a pas permis, à ce jour (avril 2010), de gain en termes de mortalité. Le dépistage par scanner thoracique ne montre, lui aussi, aucun gain de mortalité mais est beaucoup plus efficace dans le taux de détection du cancer bronchique, en particulier des stades précoces. La fibroscopie en auto-fluorescence est un examen efficace dans le dépistage des lésions précancéreuses. Les études génétiques et la recherche des cellules tumorales circulantes sont en développement. Tous ces examens sont toutefois porteurs d’angoisse, d’inquiétude pour les personnes soumises au dépistage (…) »