La France sort avec grande difficulté d’une crise sans précédent de son système d’urgences publiques (Cannet, 2019). L’état vient de consacrer 750 millions d’euros pour un pacte de refondation des urgences (Ministère, 2019). On souhaite évidemment que cette action soit bénéfique et elle le sera sans doute, au moins partiellement.
Le problème ne saurait en rien être vu comme une spécificité française. Tous les pays du monde souffrent de cette question, la littérature est abondante partout et les solutions sont également partout les mêmes, justement pas totalement efficaces, en grande partie parce que le problème de la saturation des urgences a tendance à croître plus vite que le pouvoir d’efficacité des solutions connues.
Cet article résume les fondamentaux du problème, les solutions et l’évolution de la question.
Pas de doute, la saturation des urgences pèse sur la sécurité des patients. Le lien entre saturation et retards dans les premiers gestes thérapeutiques est bien documenté depuis longtemps avec un risque d’engagement du pronostic vital (notamment étayé par une série d’articles sur les retards de prise en charge aux urgences des infarctus, AVC, traumas, ou encore administration retardée d’antibiotiques en contexte de pneumonies, etc…).
Beaucoup de solutions d’amélioration locales ont été essayées pour gérer la saturation, notamment avec les techniques de Lean et Six Sigma, ce afin d’accroître l'efficacité, réduire l'encombrement dans les couloirs et améliorer la qualité des soins.
Cependant, nous savons tous que la solution consiste d’abord à éviter la saturation, plus qu’à la traiter une fois installée. Pour ce faire :
Une difficulté récurrente reste l’impossibilité d’hospitaliser faute de lits. Certains (USA, UK) ont pensé demander aux étages d’accepter des "lits de couloirs". Une étude récente montre également que ce problème n’est pas uniquement lié à la disponibilité des lits, mais aussi à la décision d’hospitaliser ou pas, qui s’avère favorisée par la fatigue du personnel de l’hôpital (plus on avance vers la fin de sa garde, plus on a tendance à vouloir hospitaliser, Tyler 2019) ; le risque relatif d'admission apparaît dans cette étude réalisée à Boston de 1,03 à la 7e heure de garde (par rapport à une valeur référence de 1), de 1,04 à la 8e et 1,06 à la 9e heure (toutes ces différences étant significatives).
La littérature reconnaît aussi beaucoup d’autres facteurs causaux à la saturation et à sa gestion impossible.
Le modèle déjà ancien d’Asplin (2003) reste d’actualité en considérant les contenus clés et articulations dynamiques du trépied des urgences :
Un dernier point touche à l’évolution de la question de cette saturation au fil des années. Il faut redire que la question de la saturation des urgences n’est pas neuve. Elle a été bien étudiée dans la littérature dès le début des années 2000 (Derler, 2000 par exemple) mais il faut reconnaître que la situation se détériore et change de nature. On note un accroissement de l’âge moyen des patients, de leur gravité, sans parler de la dégradation de la cartographie médicale des soins primaires dans beaucoup de régions.
Une étude récente française publiée dans le JAMA (Naouri, 2019), insiste sur l’utilisation devenue banale des urgences comme structure de soins primaires par les patients sans mutuelle, immigrés, qui représentent entre 13,5 et 27,4 % des visites inappropriées aux urgences selon cette étude.
La situation va donc mécaniquement s’aggraver plutôt que de se résoudre. Les solutions à rechercher doivent être de ce fait de plus en plus systémiques, hospitalières par la carte des lits libres, et surtout régionales, en jouant plus sur des structures d’aval et d’amont capables de gérer une partie du flux patients.
Pour aller plus loin