Transmission de résultats d’examens : petite erreur informatique, grands effets : une fois le processus de mauvaise identification enclenché, tout peut être fait apparemment de façon experte, mais sans boucle de récupération.
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Deux expertises étaient effectuées : l’une par un professeur des universités, biologiste des hôpitaux et l’autre par un professeur des universités chef de service de gynéco-obstétrique et un pédiatre néonatalogiste. Les deux rapports d’expertise concluaient que la méconnaissance des résultats des analyses pratiquées au cours de la grossesse n’avaient pas permis de déceler l’existence d’une allo-immunisation foeto-maternelle anti-c très probablement contractée à la fin de la précédente grossesse. Celle-ci avait entraîné une anémie foetale majeure à la fin de la seconde grossesse et était responsable de l’état d’anasarque foetal directement à l’origine du décès de l’enfant. Selon l’expert obstétricien et son sapiteur, la prise en charge de l’enfant à sa naissance avait été réalisée en conformité avec les pratiques et les connaissances scientifiques de l’époque. Cependant, s’agissant du suivi de la grossesse, ces mêmes experts estimaient que la connaissance des résultats de la RAI aurait permis un suivi adapté dans un centre spécialisé permettant éventuellement des transfusions foetales et/ou une naissance anticipée dans un centre de niveau III qui aurait peut-être accru les chances de survie. Ils précisaient toutefois qu’il était « impossible de déterminer le devenir exact de la grossesse et de l’enfant si une telle prise en charge avaient été effectuée, étant donné la sévérité de la pathologie et le caractère très spécialisé de la prise en charge ».
Les experts indiquaient effectivement que, contrairement à l’allo-immunisation anti-D qui fait l’objet d’un dépistage plus vigilant, l’allo-immunisation foeto-maternelle anti-c est une pathologie rare et qu’il est également rare que cette pathologie entraîne des conséquences sévères pour le nouveau-né. A l’appui de cette affirmation, ils rapportaient que l’étude la plus importante à ce sujet faite en 1986 mentionnait que, sur une période de huit ans incluant 280 000 grossesses, il existait moins de 90 cas de ce type (sans antécédent de transfusion sanguine) et que, parmi ces cas, seul un enfant était mort-né, deux présentaient une anémie sévère et onze avaient nécessité des exsanguino-transfusions à la naissance.
Concernant l’état des pratiques médicales au moment du suivi de grossesse en 2004, les experts considéraient qu’il fallait tenir compte du décret du 14 février 1992 qui obligeait à une RAI seulement au cours de la première consultation de grossesse. Etant donné que les résultats issus de la prescription de la sage-femme à 22 SA faisaient état d’une allo-immunisation modérée nécessitant à ce stade une surveillance, ils estimaient que, si ces résultats étaient parvenus à leur prescripteur, le délai entre la première consultation du gynéco-obstétricien –où il avait oublié de prescrire cette recherche—et la date où la sage-femme l’avait prescrite, n’aurait pas été délétère pour l’enfant.
Information contre X pour homicide involontaire
Pour le juge d’instruction qui avait mis en examen le gynéco-obstétricien au début de son instruction, l’enquête et les expertises établissaient qu’une succession d’événements fortement improbable sur un plan statistique, avait abouti à la méconnaissance d’une allo-immunisation anti-c, elle-même extrêmement rare, ce qui n’avait pas permis la préparation de la venue de l’enfant dans des conditions spécifiques et adaptées. A l’origine de cette succession d’événements, se situait l’oubli par le gynéco-obstétricien de prescrire lors de la première visite prénatale une RAI bien que cette recherche ait été obligatoire. Cependant cet oubli ne pouvait être considéré comme ayant été directement la cause du décès ou ayant contribué au décès. En effet la sage-femme avait remédié à cet oubli quelques semaines après, sans que le délai écoulé ne soit préjudiciable à la santé du foetus. Le magistrat rappelait que la loi pénale exige en cas de causalité indirecte entre le dommage et le comportement du prévenu, une faute aggravée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur de la faute ne pouvait ignorer. En l’occurrence, à supposer que l’oubli du gynéco-obstétricien puisse être qualifié de faute aggravée, cet oubli ne pouvait, en soi, constituer une exposition à un risque d’une particulière gravité que l’auteur de la faute ne pouvait ignorer. En effet, l’allo-immunisation anti-c était considérée par la pratique médicale et au vu des connaissances scientifiques de l’époque, comme une pathologie rare d’autant plus pour les personnes n’ayant pas subi auparavant de transfusions sanguines et les conséquences fatales d’une telle pathologie étaient également rares. Le juge d’instruction en concluait que la conscience d’un risque d’une particulière gravité n’était pas caractérisée.
Par ailleurs, dans la succession d’événements ayant abouti à la méconnaissance de l’alloimmunisation, il existait également l’erreur de frappe du personnel du laboratoire (A) commise en enregistrant le code du nom du prescripteur et l’erreur du gynéco-obstétricien de ne pas s’être inquiété de l’absence de retour des résultats de la RAI. Néanmoins, pour les mêmes raisons que précédemment, le magistrat estimait que ces deux types d’erreurs ne pouvaient être retenues comme constitutives d’une faute aggravée ayant exposé autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur des fautes ne pouvait ignorer.
En outre, comme au vu des deux rapports d’expertise, il apparaissait impossible de conclure qu’un suivi spécialisé de la grossesse, notamment en connaissance des incompatibilités sanguines entre la mère et l’enfant, aurait assuré une naissance normale et/ou la survie de l’enfant, le magistrat concluait qu’en définitive l’information judiciaire n’avait pas permis d’établir l’infraction d’homicide involontaire et délivrait une ordonnance de NON-LIEU.
Les plaignants ne faisaient pas appel de cette ordonnance de NON-LIEU et n’entamaient pas de procédure devant la justice civile.