Ce retour d’expérience décrit la démarche de gestion des risques dans l’administration de supplément de lait maternel sur plusieurs incidents entre novembre 2014 et juin 2018 dans une maternité de niveau 3.
Incident N°1 : le 20 novembre 2014 premier évènement indésirable : le service accueille 17 mamans et leurs nouveau-nés pour une capacité de 23 lits.
Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.
Suite à cet incident, les actions correctives ont été diffusées largement auprès des équipes, l’ensemble des actions a été mené sur plusieurs mois : de décembre 2014 à mars 2015.
Le groupe de travail a identifié la distribution de supplément maternel comme acte à risque. Cet acte fait partie des soins pour lesquels l’interruption de tâches doit être évitée : en cas d’interruption, le processus de vérification est à reprendre dès le début comme pour l’administration d’un médicament (c’est la minute d’arrêt).
Une campagne de formation aux transmissions ciblées a vu le jour et les équipes ont été particulièrement sensibilisées à l’information délivrée aux patientes concernant les suppléments de lait maternel (Charte sur l’allaitement maternel).
Les mamans sont invitées à participer activement à la démarche de vérification du prélèvement lors de l’administration afin de sécuriser la prise en charge. Il semblait primordial de positionner les mamans au centre de la prise en charge de leur bébé de manière à sécuriser au mieux l’administration des suppléments de laits maternels.
Incident N° 2 : Un nouvel incident a été déclaré le 14 février 2015 : le professionnel s’est focalisé sur la date du prélèvement afin d’administrer le prélèvement le plus ancien, l’incident s’est produit la nuit dans un contexte de charge de travail importante. Rappelons que la nuit, les effectifs sont d’une AP et une Sage-femme pour l’ensemble de l’unité soit 23 lits.
Incident N° 3 : Un autre incident a été déclaré le 13 juin 2015, la barrière de récupération efficace a été, une fois de plus, la vérification de la patiente avant l’administration du supplément de lait maternel. La patiente a vérifié l’étiquette sur le biberon et a signalé l’erreur. L’incident s’est produit à 23 h : les deux patientes de la même chambre supplémentaient leurs bébés avec du lait maternel.
Suite à ce nouvel incident, les agents de nuits ont été sensibilisés de nouveau sur le respect des bonnes pratiques d’identitovigilance. Ce rappel a été fait de manière individuelle lors des entretiens professionnels.
L’ensemble des mesures s’est révélé efficace puisqu’aucun incident ne s’est produit depuis juin 2015…. Jusqu’à ce jour.
Incident N°4 : En effet, un nouvel incident a été déclaré le 16 juin 2018, l’erreur a également été signalée par la maman mais a postériori. Le bébé pleurait beaucoup et le biberon a été donné rapidement sans vérification. C’est lorsque le biberon était vide que la maman s’est rendue compte qu’il ne s’agissait pas de son identité sur l’étiquette.
Le lait maternel de cette patiente, hospitalisée dans la même chambre, stocké dans le réfrigérateur n’avait pas été jeté lors de sa sortie.
Une procédure de vérification quotidienne du réfrigérateur a donc été mise en place afin d’éviter ces incidents.
La nature est remplie d’une infinité de raisons dont l’expérience n’a jamais vu la trace, Léonard De Vinci.
Cet exemple de démarche de gestion des risques démontre à quel point ce travail est difficile, il s’agit d’un véritable cycle, un éternel retour. Il est difficile d’imaginer toutes les raisons qui aboutissent aux erreurs, ceci est quasiment impossible.
En revanche, il démontre également qu’il est possible de créer des barrières qui peuvent être très efficaces : le patient comme acteur de sa sécurité.
Ceci étant, cet axe ne suffit pas, il est primordial d’impliquer les professionnels dans l’analyse de ces incidents. En effet, ils seront moteurs dans la sécurisation de la prise en charge. Quand un incident se produit dans l’unité cela les touche, ils communiquent, échangent, proposent des solutions.
Au total dans ce cas, la rigueur et l’application systématique des règles et consignes d’identitovigilance semble être l’axe essentiel pour éviter ces différents incidents.
Il s’agit de règles simples, peu chronophages et efficaces. Malgré cela les professionnels ne les appliquent pas. A ce jour, il n’existe pas de solution infaillible pour inciter les professionnels à réaliser les contrôles de manière systématique, l’espoir réside sans doute dans la capacité des équipes à récupérer les erreurs résiduelles.
Pour chacun des cas décrits, l’erreur d’administration n’a eu aucune conséquence sur le nouveau-né. D‘une part, les sérologies maternelles ont été vérifiées et se sont révélées négatives, d’autre part, une surveillance clinique rapprochée du nouveau-né n’a pas mis en évidence d’infection ou de troubles du transit au cours du séjour à la maternité.
Ceci étant, il est important de rappeler les risques consécutifs à l’ingestion de lait maternel « étranger » :
2- "Risques liés à l’échange de lait maternel"
3- La décision du Directeur Général de l’Agence du 3 décembre 2007 (J.O,05/01/08), qui définit les règles de bonnes pratiques prévues à l’alinéa 3 de l’article L. 2323-1 du code de la santé publique.
4- Instruction DGOS/R3 no 2010-459 du 27 décembre 2010 relative à l’autorisation et à l’organisation des lactariums