Souffrance fœtale sous-estimée et complication gravissime d'une extraction par ventouse

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Souffrance fœtale sous-estimée et complication gravissime d'une extraction par ventouse - Cas clinique

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Une mauvaise prise en charge, des manœuvres de réanimation et des conditions de transfert inadaptées...
Tous ces facteurs se sont conjugués pour aboutir au décès d'un nouveau-né.

  • Sage-femme
Auteur : La Prévention Médicale / MAJ : 17/06/2020

Cas clinique

• Cette première grossesse se déroule normalement mais à partir de la consultation du 9ème mois, du fait d’une hypertension artérielle modérée et isolée, la patiente vient en consultation une fois par semaine à la maternité pour surveillance (RCF normaux, TA normale). A terme plus un jour, la tension est normale, le col est court à un doigt. Un rendez vous est donné pour le surlendemain mais elle se présente le lendemain à 10h30 du fait de contractions intenses depuis 8h du matin. La poche des eaux se rompt spontanément, le col est pratiquement effacé à 3 cm et elle est admise en salle d’accouchement.

• A 11h une péridurale est mise en place. A 11h20, la sage femme la perfuse avec du syntocinon ; à 11h20, le col est épais dilaté à 4 ou 5 cm, le liquide est clair, le RCF normal et le débit de la perfusion est accéléré. De 11h50 à 12h30, le RCF présente quelques anomalies : rythme de base à 160 /min, oscillations réduites et ralentissements variables et décalés.

• L’accouchement de déroule un samedi ; l’obstétricien qui avait suivi la grossesse étant absent, le relais est pris par l’obstétricien de garde qui consulte dans son cabinet en face de la clinique et qui est appelé sur son portable vers 12h30 (messagerie vocale). Il se rend à la maternité vers 12h45; la dilatation est à 6 /7 cm ; il examine le RCF et estime qu’il est légitime d’attendre (tout en disant ou en pensant qu’il souhaitait un accouchement rapide).

• A 13h, le syntocinon est diminué : selon la mention portée sur l’original du partogramme l’obstétricien serait passé de nouveau à 13h30 mais cette mention ne figure pas sur les photocopies faites dans l’urgence à la naissance de l’enfant et en fait il y a une incertitude sur l’horaire de son passage (vraisemblablement avant la reprise de ses consultations). Le syntocinon est arrêté à 14h. Le RCF est encore plus pathologique depuis 13h45 avec un rythme de base à 165/mn, des oscillations très faibles et une absence totale de réactivité et ce, jusqu’à l’accouchement.

• A 15h30, son arrivée coïncide avec la fin d’une bradycardie de 4 minutes, la dilatation est complète, le liquide teinté et il décide d’utiliser une ventouse après des efforts expulsifs infructueux pendant une dizaine de minutes. Cette application de déroule sans problème mais le dégagement fœtal est laborieux, de nombreux efforts de traction étant nécessaires et complétés par une expression utérine. A la naissance, l’obstétricien constate l’existence d’une circulaire du cordon qu’il sectionne avant de le dégager.

• Le père signale qu’il a eu l’impression très nette d’une rupture du cordon, l’obstétricien ne procédant au clampage puis à la ligature de celui-ci que tardivement.

• L’enfant né à 16h, pèse 3,620 grammes.

• Le score d’Apgar est à 3-6-8 à 1, 3 et 5 minutes. Le nouveau-né est pris immédiatement en charge par la sage-femme et l’auxiliaire puéricultrice qui l’aspirent (liquide teinté) et le ventilent au masque.

• L’anesthésiste immédiatement appelé est présent vers 16h05/16h10 ; il constate que le pédiatre n’a toujours pas été appelé lorsqu’il arrive en salle d’accouchement. Le 1er appel au pédiatre a lieu entre 16h10 et 16h18, sur son portable. D’autres appels seront effectués. Le pédiatre signale que son portable n’était pas toujours contactable du fait de la situation géographique de son domicile. En tout état de cause, il arrivera sur place à 16h30 inquiet de ces appel réitérés : l’anesthésiste dit qu’à son arrivée, le rythme cardiaque était normal, la respiration était anormale, dite comme faible, l’enfant était hypotonique et pâle. Aucune anomalie n’est signalée au niveau du crâne. La glycémie est à 0,40 g. L’enfant est mis sous Hood. Il se pose la question d’une éventuelle intubation (dont il a la pratique) mais attend la venue du pédiatre pour cette décision. Lorsque le pédiatre arrive, 10 ml de glucosé à 10% ont été donnés à la seringue par voie orale, l’enfant est sous couveuse avec 15 litres / mn d’oxygène. Le rythme cardiaque est à 75-80 et la saturation « abaissée » (l’appareil de saturation n’aurait pas été fiable aux dires du pédiatre qui soutient « qu’il marchait une fois sur deux » et il ne prend donc pas en considération les mesures).

• Il constate une hypotonie, un gros « cephalhématome » et une pâleur impressionnante. L’état hémodynamique de l’enfant n’est pas précisé.

• L’état respiratoire est jugé correct. Il ne décide pas de l’intuber ni de le ventiler, ni de le perfuser. La décision de transfert est prise vers 16h45. Le transfert est effectué par une ambulance privée qui arrive à 17h20. L’enfant est installé en couveuse de transport et transféré à l’hôpital où il arrive à 17h30 avec le pédiatre qui l’accompagne. Comme d’habitude la surveillance a été quasi impossible dans le fourgon et à l’arrivée l’état de l’enfant est catastrophique avec un rythme à 50 sur le scope, une saturation extrêmement basse, un tableau de détresse respiratoire avec inhalation. Il est en arrêt cardio respiratoire avec une mydriase et l’arrêt de la réanimation est décidé 50 minutes plus tard. Le taux d’hémoglobine montre une anémie modérée (mais il a été réalisé dans les minutes après la naissance et peut ne pas représenter la réalité d’une anémie plus sévère).

• Le scanner montre un gros hématome péricrânien et la présence d’une suffusion hémorragique le long de la tente du cervelet et de la faux avec un œdème cécébral.

• L’autopsie confirmera la présence d’un hématome expansif massif, péricranien pariéto occipital bilatéral,des lésions tissulaires témoignant d’une souffrance fœtale aiguë et une fracture des deux clavicules

• Il sera signalé que la clinique a fait procéder ultérieurement à une révision des appareils de monitoring de surveillance et de saturométrie qui s’avèreront en bon état.

Analyse

Ce matériel est réservé à un usage privé ou d’enseignement. Il reste la propriété de la Prévention Médicale, et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction commerciale.

Jugement

Expertise (2004) (experts obstétricien et pédiatre)

L’expert considère que lors de la première visite de l’obstétricien le RCF était un rythme d’alarme mais qu’il pouvait être légitime d’attendre. A partir de 13h45 et jusqu’à 15h30 le RCF est anormal avec des alternances de RCF d’alarme et franchement pathologique

L’expert considère que la sage-femme aurait dû prévenir l’obstétricien entre 14h00 et 15h00 du fait des anomalies du rythme cardiaque fœtal, ce qu’elle n’a pas fait.

La responsabilité de l’obstétricien est également engagée du fait qu’il n’a pas laissé de consigne précise ; les deux intervenants semblent d’accord à 12h45 pour attendre sous réserve que l’accouchement se termine rapidement sans qu’il soit vraiment fixé de limite dans le temps pour le travail ; à 13h30 il aurait du soit décider d’une césarienne soit fixer un délai précis pour être rappelé. Le choix et la poursuite de la réalisation de l’extraction instrumentale malgré ses difficultés est considéré par l’expert comme conforme pour obtenir l’accouchement dans les plus brefs délais. La technique n’est pas critiquée. (La mère présente une déchirure périnéale complète). L’obstétricien avait une très bonne maîtrise de cet instrument.

Lorsque l’enfant est né, son état était préoccupant, dominé par deux ordres de troubles :

- des troubles neurologiques comme en témoigne la constatation d’une hypotonie majeure, qui peuvent avoir été la conséquence d’une anoxie per partum. Certes le score d’Apgar est favorable mais il n’y a pas eu de prélèvement sanguin après la naissance pour étudier les gaz du sang et le ph (acidose ?). Dans sa déclaration, le pédiatre écrit que lors de son arrivée, l’état de l’enfant était inquiétant, avec hypotonie majeure, gasp faible, pâleur impressionnante…

- de façon certaine un syndrome anémique a été authentifié plus tard par la numération formule. Cette anémie est très certainement consécutive à l’existence d’une déperdition sanguine importante au niveau d’un hématome sous cutané extensif du cuivre chevelu ayant entraîné rapidement des troubles de coagulation. Cette complication est très rare (1 cas sur 1000 lors de l’application de ventouse), le pronostic est connu pour être mauvais (mortalité de 25%).

Lors de la prise en charge initiale par l’anesthésiste, il existe un doute sur la fréquence cardiaque décrite comme étant normale par l’anesthésiste, douteuse par le pédiatre. L’appareil de saturation semblait indiquer une fréquence respiratoire entre 75 et 80 et la saturation de l’oxygène était autour de 75%. Cet état clinique était donc très grave. On ne dispose d’aucune mesure de la pression artérielle ni de mesure des gaz du sang. D’après la description de l’état clinique, cet enfant aurait dû bénéficier d’une prise en charge plus adaptée avec probablement intubation et ventilation assistée devant les doutes qui existaient sur l’efficacité cardio respiratoire. Il n’y a pas eu de remplissage vasculaire.

Les experts estiment que les manœuvres de réanimation effectuées par le pédiatre ont été inadaptées.

Les conditions de transfert ne semblent pas non plus adaptées à l’état de l’enfant, mais le délai est correct.

Tous ces facteurs se sont conjugués pour aboutir au décès de celui-ci.

 

Jugement (2008)

Le tribunal a imputé les 2/3 du décès à la détresse neurologique et 1/3 à l’hémorragie résultant de l’extraction par ventouse.

Concernant la sage femme :

En restant passive devant une situation qui se dégradait et en ne prévenant pas l’obstétricien de la persévérance de la normalité du rythme, elle a commis une faute par omission et ne peut se retrancher derrière l’absence de consigne laissée par l’obstétricien pour s’en exonérer.

L’obstétricien qui était passé de façon spontanée au chevet de la patiente à deux reprises avait lors de son 2ème passage vers 13h30 pu constater la persistance des anomalies du rythme cardiaque et aurait du, soit pratiquer une césarienne, soit préciser à la sage femme dans quel cas il convenait de le rappeler, soit passer de nouveau spontanément dans l’heure qui suivait comme il l’avait fait précédemment et non attendre 2 heures.

Il est responsable d’une perte de chance de l’enfant d’avoir pu bénéficier d’une césarienne entre 14h et 14h30 qui aurait considérablement réduit ses séquelles à la naissance.

La conduite thérapeutique du pédiatre est critiquée : absence d’intubation et de ventilation analysées comme une perte de chance de survie de l’enfant même s’il n’est pas contesté que l’état de l’enfant était d’emblée péjoratif.

La responsabilité de la clinique est retenue pour 44% du fait de la sage-femme, celle du gynécologue obstétricien pour 22% et celle du  pédiatre pour 17% le surplus étant imputable aux conditions de transfert.

Indemnisation : 18 245€

Pour aller plus loin

  • DTP-Web, Canada « utilisation de ventouses à pression négative et hémorragie sous galéale chez le fœtus » 1999-02-23
  • Clinics in perinatalogy “complicated labor and delivery “ December 1995, WB Saunders  
3 Commentaires
  • Jeancy M 22/05/2024

    Aidez moi avec les éléments ci-après : les examens Para cliniques, la clinique, l'étiologie de la souffrance foetale aigüe en salle de travail. Merci votre réaction envers moi me fairas du bien.

  • Claude R 27/02/2024

    Une remarquable analyse de ce "drame "pour la mère et la famille, mais aussi pour nous,professionnels de santé.
    Je relève toutefois deux éléments: l'état de la mère ne semble pas pris en considération (dégâts physiques et psychologiques) et par ailleurs, une indemnisation qui me semble faible pour un tel désastre, même en 2011.

  • Lemanoan Jean Michael B 09/02/2024

    Envoyer moi les cas clinique

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