Un patient est admis au bloc pour une opération de hernie inguinale. Au cours de l’induction anesthésique, l’équipe soignante constate une perte de connaissance associée à une apnée, liée à un surdosage de l’analgésique. Cette erreur médicamenteuse majeure entraînera pour le patient une hospitalisation complète au lieu d’une prise en charge en ambulatoire.
Mr P, âgé de 57 ans, est adressé par son médecin traitant à un chirurgien digestif pour suspicion de hernie inguinale du côté droit. L’examen clinique du praticien confirme la nécessité d’un traitement chirurgical. Le malade accepte d’être opéré. La consultation d’anesthésie ne relève aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale, protocole retenu par le patient.
Le jour J, le malade est accueilli au bloc opératoire, bénéficie de l’entretien pré-opératoire pour détecter les non-conformités dans la préparation du futur opéré, et est installé en salle d’opération une fois toutes les vérifications d’usage réalisées.
L’induction débute. Le MAR administre 15 mcg de sufentanyl. L’hyper oxygénation est débutée. Le patient perd connaissance rapidement et est complètement aréactif. L’IADE ventile le patient, puis l’intube. Les constantes restent stables, hormis une bradycardie à 45 battements par minute. L’équipe d’anesthésie essaie de trouver une explication à cette perte de connaissance avec une apnée associée.
L’IADE reprend toutes les seringues des médicaments d’anesthésie injectés et se rend compte que le MAR a injecté la seringue de sufentanyl non diluée alors que la concentration du médicament était bien précisée.
Dans l’armoire des stupéfiants, il n’y a plus d’ampoules de sufentanyl 50 mcg/10 ml. L’IADE a donc pris une ampoule de sufentanyl de 250 mcg/5 ml, soit 50 mcg/ml au lieu d’une concentration de 5 mcg/ml habituellement.
Il a préparé 1 seule seringue de 5 ml de sufentanyl à 5 mcg/ml et laissé la seringue de sufentanyl 50 mcg/ml dans le plateau (contenant 4 ml du principe actif).
Habituellement, les ampoules de 10 ml sont divisées en 2, et le produit est pompé dans 2 seringues de 5 ml. Cette pratique est habituelle pour les équipes d’anesthésie.
Le patient a donc reçu 10 fois la dose de sufentanyl, ce qui explique parfaitement la perte de connaissance rapide et l’apnée.
En raison d’une rupture de stock d’ampoules de 50 mcg/10 ml, la pharmacie a mis à disposition du bloc opératoire temporairement une dotation d’ampoules de 250 mcg/5 ml en dépannage.
Le patient pourra bénéficier de l’intervention chirurgicale prévue. Par contre, son passage en Salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) sera beaucoup plus long qu’à l’habitude.
Les suites : le patient a dû bénéficier d’une hospitalisation complète au lieu d’une prise en charge en ambulatoire. Il a bénéficié de l’information adéquate pour comprendre les raisons de la prolongation de son hospitalisation. Il a compris la genèse de l’erreur dont il a été victime. Il exprime une inquiétude a posteriori en disant qu’il n’est pas anodin de bénéficier d’une intervention chirurgicale.
Le patient a formulé son mécontentement car il exerce une profession libérale et il précise qu’il avait un rendez-vous important programmé en début de matinée le lendemain.
Cette erreur médicamenteuse a eu comme conséquences :
L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention : cette erreur médicamenteuse (EM) et ses conséquences interpellent les professionnels de santé du Comité Qualité et Gestion des Risques qui souhaitent connaitre les raisons qui ont conduit à cet incident, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement et le pharmacien.
La méthode REMED, proposée par la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Cette méthode est décrite dans le classeur REMED mis à disposition sur le site de la SFPC.
Pour cette analyse, les outils suivants ont été choisis :
La liste des questions a permis de résumer les faits relatés ci-dessus.
8 domaines de facteurs contributifs : M = produits de santé – P = patient – PS = professionnel de santé – PP = pratiques et procédures opérationnelles – E = équipe – CT = environnement de travail – O = organisation et management – I = institution |
Les facteurs contributifs retenus et leurs justifications :
Le niveau de gravité retenu pour cette EM est celui de majeure.
N’ayant pas atteint le niveau critique ou catastrophique, les actions d’amélioration seront organisées à la suite du COPIL.
Cette erreur de dosage fait partie des incidents rencontrés parfois en secteur d’anesthésie, mais très souvent atténués par une organisation rigoureuse pour la prise en charge des urgences vitales.
La prise de conscience par les soignants que ce type d’événements pouvant survenir doit générer plus de vigilance pour diminuer leur fréquence.
Une réflexion collective doit permettre de convenir d’une conduite à tenir connue de tous pour ne pas générer d’erreurs évitables.