L’immuno-hématologie occupe une place fondamentale dans la prévention des accidents transfusionnels, qui plus est en cas d'urgence. Le domaine de l'obstétrique, où ces situations sont nombreuses, ne fait pas exception à la règle. L'anticipation des situations à risque et la communication entre les différents corps de métiers sont les piliers d'une prise en charge médicale adaptée.
Madame G. est une primipare de 24 ans suivie à la maternité depuis son 6e mois de grossesse. Elle est originaire de l'Ile Maurice, n'a pas d'antécédents médicaux particuliers et est en France depuis 3 mois. Sa grossesse se déroule normalement, en dehors d'un diabète gestationnel sous régime bien équilibré, le fœtus est estimé à 3 480 g à l'échographie de la 37e semaine, soit une suspicion de macrosomie.
Une carte de groupe sanguin est réalisée en ville avant la consultation d'anesthésie de la 36e semaine d'aménorrhée, la patiente est de groupe AB rhésus positif, aucune mention particulière n'est inscrite par le laboratoire. La consultation d'anesthésie est réalisée par un médecin vacataire, aucune conduite à tenir particulière n'est donnée pour l'accouchement.
La patiente se présente en travail spontané à membranes intactes à 40 SA : elle est à 3 cm et souhaite bénéficier d'une analgésie péridurale. La sage-femme pose alors le cathéter de perfusion et prélève des RAI, une sérologie toxoplasmose et 2 déterminations de groupe sanguin, selon le protocole de la maternité.
L'anesthésiste vérifie le bilan de coagulation et pose la péridurale à 15 h ; la patiente est soulagée.
À 19 h, le laboratoire appelle la sage-femme de salle de naissance pour délivrer l'information "problème avec la détermination de groupe sanguin, tubes envoyés à l'EFS" puis rappelle à 20 h pour obtenir la copie de la carte de groupe sanguin de la patiente et son origine ethnique. Aucune difficulté transfusionnelle n'est évoquée.
La sage-femme transmet à sa relève de nuit ces informations.
À 0 h 40 est décidée une césarienne (sous anesthésie loco régionale) pour non engagement après 3 h à dilatation complète.
À 1 h 03 naît une fille de 4 375g, Apgar 10/10, pH/lactates normaux.
La mère reçoit alors une injection de Pabal® selon protocole, les pertes sanguines sont estimées à 200 ml.
À 1 h 16, le globe utérin est soudain atone et les pertes sanguines cumulées estimées à 800 ml : la patiente reçoit alors 1g d'Exacyl® puis une première ampoule de Nalador® de 500μg à passer sur 1 heure. Une deuxième voie veineuse et un bilan sont réalisés dans le même temps.
À 1 h 30 les pertes sont estimées à 2 000 ml : la patiente est alors endormie et intubée, une ligature des artères hypogastriques est réalisée. L'anesthésiste envoie une commande de sang en "urgence vitale" après appel du laboratoire, demandant 3 culots globulaires (CG) phénotypés et 3 plasma frais congelés (PFC).
À 1 h 45, le globe utérin est tonique et les saignements physiologiques.
Dans le même temps, le laboratoire rappelle l'anesthésiste devant l'impossibilité de trouver des poches identiques au phénotype RH-KEL 1 pour la patiente : l'anesthésiste demande alors 3 CG de groupe O négatif et reçoit les 3 CG et les 3 PFC 10 minutes plus tard, soit 25 minutes après la demande initiale.
La patiente peut alors être transfusée, l'hémoglobine est à 7,5 g/dl ; les suites de la césarienne seront simples et la patiente sortira à J6 de la maternité.
L'analyse du phénotype RH-KEL1 de Mme G. par l'EFS montrera un groupe rare, avec une négativité pour les 5 antigènes D, C, E, c, e.(RH-1,-2,-3,-4,-5).
L'équipe médicale et les cadres du service ont souhaité une analyse de cet EI dans le cadre d'une démarche de gestion des risques car les conséquences auraient pu être graves pour Mme G.
Une analyse de risque à postériori est donc réalisée.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge. La méthode ALARM est retenue.
Absence de repérage d'un groupe sanguin rare chez une patiente enceinte à terme, dans un contexte d'hémorragie du post-partum, non anticipation d'une situation à très haut risque d'immunisation post transfusionnelle