Quel que soit le cadre de sa mise en œuvre (vigilance réglementaire, RMM, etc.), l’analyse d’un événement grave ou de gravité intermédiaire, dont les modalités sont précisées par une procédure interne, doit être conduite de façon rigoureuse et factuelle.
1. En amont de l’analyse, il convient :
- de rassembler un maximum d’informations sur l’événement (identifier avec précision tous les acteurs et témoins présents, personnel intérimaire et autres personnes discrètes, rechercher les faits sur une base chronologique, notifier et tracer ce qui doit l’être) ;
- de définir le moment opportun pour conduire l’analyse (entre trois et quinze jours, pas trop tôt afin de ne pas traiter l’événement dans un contexte émotionnel trop important, ni trop tard pour ne pas perdre la mémoire des faits) en s’assurant de la disponibilité des personnels médicaux et paramédicaux concernés ;
- d’impliquer les responsables concernés (au mieux préalablement formés et en les prévenant d’une éventuelle mise en cause possible lors de la recherche des causes dites profondes) ;
- de choisir un local favorisant la sérénité et la confidentialité du travail (pas de téléphone, d’allers et venues, etc.) ;
- de s’assurer de la disponibilité et de la compétence de l’interviewer (personne dite ressource, préalablement formée, située hors du champ analysé, non polémique), ainsi que d’un tiers neutre pour la prise de notes.
2. Au cours de l’analyse collective, il convient (voir méthode ALARM et arbre des causes)
- de préciser ou rappeler les règles de déontologie inhérentes à ce type de démarche, au mieux précédemment validées sous forme d'une charte par les instances de l’établissement (défiance envers la cause unique, humaine notamment, absence de recherche d’un éventuel coupable, etc.) ;
- de réaliser le recueil d’informations par une interview menée collectivement (une information devenant précise par les apports successifs des divers protagonistes présents) ;
- de s’appuyer sur le dossier du patient : celui-ci sera commenté par le médecin en charge du patient ;
- de collecter les faits objectifs précis sur une base chronologique : demander à l’équipe de "raconter ce qui s’est passé" en commençant par les motifs de prise en charge du patient ses caractéristiques, ses antécédents et traitements, ses comorbidités... Il convient de décomposer pas à pas le processus, la prise en charge dans ses divers aspects (tâches, personnes, milieu, matériel, médicaments, etc.), en questionnant chacun des problèmes identifiés, en s’aidant de questions simples telles que "Pourquoi ?", "Qu’a-t-il fallu pour que cela se produise ?", "Est-ce suffisant pour expliquer cela ?" ; quelles procédures sont appliquées en général…
Un support destiné au recueil chronologique des faits |
N° | Heure | Qui | Quoi | Constat | Barrières de sécurité (1) | Evitabilité | Remarques |
1 | | | | | | | |
2 | | | | | | | |
3 | | | | | | | |
Etc. | | | | | | | |
(1) Prévue ou non ? Opérante ou non ? Respectée ou non ?
Il est donc important :
- de rechercher en priorité les variations par rapport à la pratique habituelle ou bien des changements récemment introduits ;
- de repérer les défauts de soins définis comme des écarts (actions ou omissions) par rapport aux pratiques validées du service et de la spécialité ;
- de repérer les barrières de sécurité respectées, manquantes ou inefficaces (non respectées, obsolètes, incomplètes) ;
- d’être conscient des multiples façons de percevoir une même réalité pour les différents acteurs ou témoins du dysfonctionnement, souvent pour des raisons culturelles, des réticences à évoquer les pratiques réelles et à reconnaître un non-respect de procédure (le non dit) ;
- de savoir gérer la mise en cause brutale d’un acteur face au groupe d’analyse, éventuellement celle du management immédiat (instructions de travail insuffisantes ou erronées) ;
- de savoir ne pas arrêter l’analyse prématurément ;
- d’identifier les facteurs contributifs systémiques (causes dites latentes, profondes ou "racines") ayant favorisé, sur un mode unique ou cumulé, chacun des défauts de soins ; ceci au moyen de la grille ALARM, et/ou de l’arbre des causes ;
- de vérifier le caractère évitable on non des causes identifiées ;
- d’analyser également ce qui a été fait après la survenue de l’événement indésirable (modalités de récupération des erreurs et/ou d’atténuation des effets, source également possible de dysfonctionnements et de retour d’expérience ou bien de performance et de satisfaction).
3. Au décours de l’analyse, il convient :
- d’adresser le compte rendu de l’analyse aux participants pour une relecture contradictoire afin de vérifier la bonne compréhension des informations recueillies et d’apporter d’éventuels compléments ;
- d’identifier les propositions d’actions correctives et préventives (recommandations prioritaires, pensées en termes de barrières de sécurité, déduites logiquement pour prévenir la répétition des dysfonctionnements), ainsi que les modalités de suivi des résultats ;
- de définir le plan d’action avec les responsables concernés (cliniciens seniors, direction) ;
- de veiller avec les responsables concernés à la mise en œuvre effective du plan d’action validé ;
- d’évaluer l’efficacité des barrières de sécurité mises en œuvre ;
- de communiquer sur la démarche en assurant une restitution anonyme et collective des résultats ;
- de garder la mémoire de l’analyse et des décisions prises (via la fiche de retour d’expérience).
4. Une communication est à établir en tant que de besoin avec le patient ou, à défaut, la personne de confiance.
- Tous les événements indésirables qui entraînent un dommage physique ou psychologique pour un patient doivent faire l’objet d’une annonce (cf. fiche technique n° 440). Ceci dans les quinze jours suivant la découverte de l’EI, quitte à revenir pour compléter l’information donnée.