Baker R., Hurwitz B. Intentionally harmful violations and patient safety: the example of Harold Shipman, J R soc Med 2009:102 223-27
Plus de 250 patients euthanasiés avant qu’on ne détecte le problème… derrière le fait divers, une vraie question pour la sécurité du patient.
Halrold Shipman est le médecin généraliste ‘serial killer’ le plus important que l’on connaisse. Il a reconnu avoir tué 15 patients quand il travaillait comme jeune interne à l’hôpital, puis 235 dans ses activités libérales en cabinet de ville en Angleterre. A ce titre, l’article retrace cette carrière de serial killer et essaie d’en comprendre les raisons.
Shipman administrait des doses massives de morphine à ses patients, pour des motifs lus comme criminels, mais qui ont aussi des liens avec la sécurité du patient.
Ses premiers patients décédés par overdose de morphine, quand il était interne, avaient été repérés, et cela lui avait valu un renvoi de l’hôpital mais sans condamnation juridique (sanction professionnelle uniquement).
Il retrouva un poste dans un hôpital pour une courte période, puis s’associa dans un cabinet de groupe en 1977. Entre 78 et 92, date où il quittera ce cabinet, on lui reconnaît 71 victimes.
Il s’installe alors tout seul, dans la même région (comté de Hyde), et va euthanasier avec des injections de morphine une moyenne de 3 patients par mois jusqu’en 1997, soit au total 235 patients. En 1998, sur la base des certificats de décès accumulés dans son exercice qui vont surprendre les pompes funèbres locales et ses confrères, une plainte sera dirigée contre lui, qui aboutira à la révélation du problème et son arrestation.
Les injections de morphine résultaient soit par une mort subite à son cabinet, soit il laissait le patient à domicile qui était retrouvé par un proche à distance temporelle. Le médecin rédigeait alors un certificat en déclarant les décès comme liés à des AVC, infarctus ou autres pathologies graves.
En dehors de toute considération policière, ces comportements méritent aussi d’être lus dans le contexte du cadre des erreurs et violations. Plusieurs signaux n’ont pas été pris en compte par le système médical: des plaintes de professionnels et de patients aux autorités régionales de la santé ont été retrouvées en 1985, 90, et 92, mais aucune n’a abouti. Ainsi un chauffeur de taxi travaillant en convention avec le transport régional de personnes âgées s’est étonné du taux de décès particulièrement important et inattendu de ses clients. Un patient a été aussi sauvé in extremis avec un diagnostic rétrospectif de l’hôpital sur la cause de l’arrêt cardio-respiratoire lié à une injection à dose létale de morphine, mais personne à l’hôpital n’a porté plainte, ni même pris contact avec le Dr Shipman, alors que le patient, en état végétatif, a fini par décéder quelques mois plus tard.
Autre dysfonctionnement majeur de l’institution, la possession d’une telle quantité de morphine n’a pu passer inaperçue. Shipman obtenait ces quantités importantes en sur-prescrivant de la morphine pour des patients en soins terminaux, puis subtilisait les ampoules au pied du patient. Une infirmière a vu la façon de faire frauduleuse, interrogea même le docteur, mais s’est satisfaite d’une explication peu convaincante (il disait reprendre les ampoules pour les donner à d’autres docteurs).
Enfin, les analyses des autorisations de crémation des patients décédés ont montré un laisser-aller général et très important dans le remplissage des certificats de décès, sans contenu pour la plupart.
Au bilan, ce qui apparaît (à juste titre) comme un fait criminel, pose aussi de multiples et bonnes questions sur la régulation du système médical, et sur l’acceptation des violations des uns et des autres.
Beaucoup à apprendre de ce fait divers dramatique.