Afin de recueillir des informations sur les pratiques vétérinaires en matière de télémédecine vétérinaire, le décret du 5 mai 2020 offre la possibilité de pratiquer ce type d'exercice sous forme d'expérimentation.
Nous devrons attendre 18 mois à l'issue desquels une réglementation pérenne pourrait être mise en place.
Selon le décret relatif à l’expérimentation de la télémédecine par les vétérinaires, publié le 6 mai 2020 au JORF, constituent des actes de télémédecine les actes de médecine et de chirurgie des animaux définis à l'article L. 243-1 du Code rural et de la pêche maritime réalisés à distance au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication.
A l’instar de ce qui existe en télémédecine humaine, ils comprennent en médecine vétérinaire la téléconsultation, la télésurveillance, la télé-expertise, la téléassistance médicale et la (télé)régulation médicale.
Pour l’historique, les définitions, les informations pratiques, la comparaison avec la télémédecine humaine, les avantages et les inconvénients, les objectifs et conditions de l’expérimentation, nous renvoyons les vétérinaires au site du Conseil national de l’Ordre et notamment au vade-mecum de télémédecine publié dès le lendemain de la parution du décret.
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Quels que soient l’intérêt indéniable et les avantages de ces nouveaux moyens, les vétérinaires doivent garder à l’esprit qu’étant totalement responsables de sa mise en œuvre, avec en particulier toutes les conséquences en responsabilité civile, ils doivent dans tous les cas rester les seuls décideurs de sa mise en œuvre au cas par cas, sans jamais s’y laisser entraîner malgré eux par ceux-mêmes qui s’empresseront ultérieurement de les mettre en cause en cas de survenue d’un événement indésirable grave (EIG).
Ainsi, tout d’abord, dans le cadre de l’expérimentation, ils doivent pour éviter tout EIG les concernant directement :
Nous nous proposons ici d’examiner chacun des cinq types d’actes de télémédecine vétérinaire sous le seul angle de la sécurité, c’est-à-dire de la prévention des EIG, tel qu’on peut aujourd’hui le présupposer.
Quand on pense à la télémédecine, on pense d’abord à la téléconsultation.
Dans les filières dites de production, la téléconsultation trouvera essentiellement sa place dans le cadre du suivi sanitaire permanent de l’élevage qu’elle pourra renforcer très positivement.
Attention cependant ! Elle ne saurait évidemment dispenser du bilan sanitaire et des protocoles de soins ainsi que des visites de suivi et du flux d’actes de soins "ordinaires" à effectuer physiquement sur l’exploitation.
Le bilan sanitaire annuel ne saurait être effectué par téléconsultation !
De plus, la dernière visite physique ne doit pas remonter à plus de six mois.
L'exercice urbain concernant les animaux de compagnie, la téléconsultation - qui pourra apporter en de nombreuses circonstances de grands avantages, tant pour le maître de l’animal que pour le praticien - ne pourra cependant, ici aussi, intervenir que pour des animaux préalablement examinés cliniquement "en présentiel" dans les douze mois précédents.
Les actes officiels du vétérinaire sanitaire constituent dans tous les cas des exclusions absolues à la téléconsultation. Une seule tolérance : la seconde visite de surveillance de l’animal mordeur au cours des deux semaines de cette surveillance.
Certaines prescriptions d’antibiotiques (antibiotiques d’importance critique) sont logiquement exclues du champ de la télémédecine vétérinaire.
Ces limitations et ces exclusions sont dictées par la nécessaire sécurisation de la téléconsultation, au bénéfice de l’animal, de son maître et de son vétérinaire. Il s’agit bien de prévenir les EIG.
Il convient surtout ici de garder à l’esprit la différence majeure qui existe entre la télémédecine humaine et la télémédecine vétérinaire : toutes les deux recourent à l’image et au son mais, dans la première, le patient s’exprime directement grâce à son langage articulé, alors que dans la seconde, le patient est muet et seul son maître parle pour lui…
Le vétérinaire peut plus fréquemment qu’en télémédecine humaine, se trouver privé de moyens (le toucher et l’olfaction sont encore très utilisés par les vétérinaires praticiens) et l’examen télé-clinique peut s’avérer pour l’animal très nettement moins "parlant" que l’examen clinique physique.
Cette situation se rapproche considérablement de celle de la pédiatrie humaine pour laquelle précisément des recommandations de restriction à la téléconsultation ont été apportées en pratique.
En pleine responsabilité pour le vétérinaire, tact et mesure dans l’appréciation de l’indication d’une téléconsultation seront vraisemblablement au cœur de la sécurisation du dispositif. |
On peut penser qu’elle aura dans tous les cas beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, dès lors que l’enregistrement des paramètres (leur choix et leur recueil) et leur transmission seront parfaitement maîtrisés technologiquement.
C’est sans doute ici que les capteurs et des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) seront les plus intéressants et utiles à l’efficacité et à la sécurité de la médecine vétérinaire à travers la télémédecine.
Son intérêt sera évident en médecine des animaux de compagnie pour la surveillance de maladies au long cours (on pense par exemple au diabète sucré) mais il sera encore plus évident et sans doute plus large en suivi sanitaire permanent des élevages (recueil permanent des données de l’élevage).
Il faudra simplement avoir présent à l’esprit qu’il contribuera à accroître la responsabilité du vétérinaire dès lors informé en temps réel, qui n’aura pas l’excuse d’un retard de transmission d’informations par le maître de l’animal ou l’éleveur s’il tardait à agir.
En termes de sécurité du suivi de l’animal, il devrait être un facteur d’amélioration et donc de prévention des EIG. |
On peut dire que cette forme de télémédecine préexistait de façon informelle et insuffisamment encadrée avant la publication du décret.
Il importe d’avoir présent à l’esprit que, vis-à-vis du client - maître de l’animal -, a priori et sous réserve de jurisprudence inverse à venir, le vétérinaire consulté reste pleinement responsable, l’expert n’ayant pas de contrat de soins établi avec lui.
L’expert à distance n’est pas dans la situation du spécialiste auquel le praticien généraliste réfère l’animal et son maître.
La télé-expertise est de façon générale pleinement de nature à améliorer la qualité de la médecine vétérinaire, la qualité du service rendu.
Ses avantages devraient l’emporter sur ses inconvénients, dès lors que le praticien ayant pris en charge l’animal reste conscient du fait qu’il est bien le professionnel en charge de la synthèse des données et donc assumant la pleine responsabilité de sa décision finale, qui reste la sienne. C’est particulièrement vrai en télé-imagerie.
Dans tous les cas, le client du vétérinaire qui recourt à l’expertise est dûment informé par son vétérinaire de la mise en œuvre de cet acte de télémédecine. |
Il s’agit ici d’une forme de télémédecine dont on a moins parlé mais elle devrait pouvoir prendre son essor, par exemple en chirurgie, aidant à résoudre des problèmes de déplacement auprès du spécialiste, économisant du temps, des déplacements, utile à la transmission des connaissances et compétences entre praticiens, du reste comme la télé-expertise précédemment citée.
S’agissant du partage des responsabilités, il est plus difficile ici de se prononcer, c’est la jurisprudence qui fera le droit.
La prévention des EIG paraît reposer ici en partie, encore davantage que dans la télé-expertise, sur la transparence des informations données au maître de l’animal. |
Elle s’est mise en place depuis longtemps et sans encadrement juridique. Voilà qui est ainsi heureusement fait.
En effet, cette régulation donnait lieu de plus en plus souvent à des EIG et mises en cause en RCP et aussi devant les instances disciplinaires de l’Ordre.
On peut dire qu’en termes de prévention des EIG, le texte ne change pas significativement la donne.
Il reste important de souligner que, dans la régulation médicale vétérinaire, le recours à un vétérinaire capable, d’après les commémoratifs recueillis, d’indiquer si la situation relève ou non de l’urgence et si l’animal doit être ou non immédiatement pris en charge, est indispensable. Dans nombre de cas, la compétence vétérinaire s’impose. |
Les NTIC – et même simplement le téléphone – permettent généralement aujourd’hui la sécurité dans le cadre d’une bonne organisation.
Le respect des dispositions du texte et des indications et recommandations très rapidement et très largement diffusées par l’Ordre professionnel devraient permettre à la télémédecine vétérinaire de prendre la part qui lui revient dans le développement d’une médecine vétérinaire modernisée, gagnant en efficacité et innocuité, au bénéfice des animaux et de ceux qui les possèdent ou les détiennent et à la satisfaction des vétérinaires eux-mêmes.
Dans une pratique vétérinaire partenariale, tout le monde devrait ainsi y trouver son compte.
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