Cas clinique chirurgien-dentiste : un patient de 17 ans consulte en urgence sa dentiste pour une douleur violente dans la région de l’incisive latérale supérieure gauche. La dentiste reçoit le patient et pratique son examen...
Il est d’abord important de ne pas lire cette histoire en étant convaincu que ces confrères sont fautifs et que cela ne peut arriver qu’aux autres. L’erreur de diagnostic est la première cause de décès à l’hôpital ! Tout le monde y est confronté un jour ou un autre. Il faut donc se servir de cette histoire pour tenter de comprendre pourquoi 3 professionnels vont s’engouffrer dans un mauvais diagnostic au risque de faire courir un risque pour leur patient.
La première étape de la succession d’erreurs est liée à un biais d’analyse que l’on appelle la fermeture prématurée. Cela revient à prendre très vite une décision et ensuite à ne plus la remettre en question. Le danger c’est que le bon diagnostic peut alors ne jamais être envisagé. Des études suggèrent que les médecins se font une idée de la pathologie de leur patient après seulement 18 secondes d’entretien. Dans le cas décrit, l’heuristique (méthode de raisonnement simplifié et rapide qui ne considère pas toutes les hypothèses mais qui ne retient que la solution la plus évidente), « dent saine/patient jeune/signes de vitalité dentaire non interprétables/radio ne montrant pas de lésion » ancre une décision dans l’esprit de la praticienne : ce n’est pas la dent. (En réalité une imagerie simplement mieux angulée, ou encore un Cone Beam, aurait révélé une lésion osseuse assez importante à l’apex de la dent.)
On peut d’ailleurs se demander pourquoi prescrire un antibiotique puisqu’apparemment les douleurs n’ont pas d’origine dentaire.
Ensuite va survenir un deuxième biais qui s’appelle le biais de confirmation. Les deux médecins ne mettent pas cause le diagnostic de la dentiste et vont rechercher les signes cliniques qui confirment l’hypothèse première, même si ceux-ci ne sont pas évidents. Le biais de confirmation est un piège dans lequel il est facile de tomber. Le cerveau humain est ainsi fait qu’il est toujours plus facile (agréable ?) de chercher des indices qui confortent. La remise en question n’est pas la partie la plus développée de notre « software ».
Cette histoire banale, et plus fréquente que l’on ne le pense, a eu trois conséquences :
- Conséquences médicales pour le patient qui a eu des traitements inutiles et forts qui l’ont conduit deux fois aux urgences.
- Conséquences psychologiques pour le patient et la famille qui se sont inquiétés pour rien
- Conséquences financières pour la collectivité qui a assumé, sans raison, plusieurs traitements coûteux ainsi que deux hospitalisations.
Il faut accepter que tout le monde est susceptible de faire des erreurs de diagnostic. Des facteurs tels que la fatigue, le stress, la pression temporelle ou encore la routine et le manque de vigilance vont renforcer le risque de tomber dans ces biais d’analyse.
Il est donc important de partager ses expériences, même si elles ne sont pas toujours glorieuses, de façon à renforcer la vigilance collective. Les biais d’analyse devraient également être enseignés aux étudiants pendant tout leur cursus universitaire.