Une illustration parfaite des dysfonctionnements innombrables de communications, de la coopération dans la chaîne de soins -généraliste et SAMU inclus-, de l'information au patient et à la famille, et du travail en équipe.
Des reproches au MG , sans un mot sur les urgentistes de la clinique intervenus la veille du décès :
Des reproches au SAMU :
Une autopsie pour mort violente fut demandée par le médecin qui a constaté le décès : 8 mois plus tard, nous appendrons que notre mère est finalement décédée d’une « occlusion intestinale » (en gras dans le texte).
Quels sont les dommages et préjudices subis… pour le mari, les 7 enfants, petits-enfants soit 22 victimes collatérales…».
La famille saisit la CCI pour indemnisation.
Les antécédents : cette femme, déclarée handicapée par décision de la COTOPEP pour polypathologie en 2002, a de nombreux antécédents : 10 enfants, deux césariennes, hystérectomie en 1982, cholécystectomie en 1987, et plusieurs cures d’éventrations :
L’épisode : les faits :
L’autopsie, réalisée par deux experts, relève essentiellement :
PREMIERE EXPERTISE (2011) : expert chirurgien viscéral, retraité.
Les parties présentes sont le chirurgien, le MG et l’établissement.
La patiente est décédée, au vu du rapport d’autopsie, d’un choc septique consécutif à une occlusion aigue du grêle, avec nécrose ischémique de l’intestin, 25 jours après une adhésiolyse au sein d’une large éventration récidivante.
Les déclarations du chirurgien :
L’expert fait remarquer que des niveaux liquides étaient présents sur un scanner abdominal pré opératoire, qui confirme l’éventration : « large orifice de 12/11 cm avec involution des muscles grands droits : passage d’anse grêle et d’un segment du colon transverse ». Le bilan biologique pré opératoire montre une hyperglycémie à 15 mmol/l, le reste est normal.
L’expert reporte les dires du chirurgien et souligne qu’une seconde intervention était à faire (délais ?) pour traiter l’éventration.
L’expert dit qu’il y a plusieurs problèmes graves de prise en charge.
Les déclarations du MG, contacté par téléphone dans les intervalles, sont conformes à un de ses courriers, même si lors de cette réunion, ils seront moins détaillés:
Ce MG a continué, jusqu’à sa mise en cause, à être le MG traitant du mari et occasionnellement celui de sa famille.
La clinique fait remarquer que les urgentistes sont libéraux. La secrétaire du chirurgien libéral est son employée. Elle s’offusque des déclarations de la famille qui arguent que le retour ultime à la clinique leur aurait été refusé quelques heures après son retour à domicile le 24 avril, alors que son état se dégradait rapidement.
Les conclusions de l’expert :
L’expert formule des critiques :
Sur le choix de la voie d’abord et de l’intervention, l’information :
Si l’expert convient que « l’occlusion aigue du grêle ne fait aucun doute, elle n’est pas liée à la persistance de l’éventration mais liée à un étranglement par une bride du tissu synthétique-résidu de plaque posée antérieurement au niveau du collet de l’éventration- et méconnue par le chirurgien au cours de l’intervention d’adhésiolyse, il s’agit d’un accident médical sans faute.
Les critiques concernent aussi la sortie anticipée de la clinique lorsqu’elle s’y était de nouveau présentée, les difficultés de communication entre les urgentistes et le chirurgien et souligne « les errances diagnostiques »
L’expert a finalement retenu, après demandes des parties, dans ce décès d’origine multi factorielle, une responsabilité partagée :
L’expert écarte la responsabilité du MG, « dépassé d’emblée par la situation ».
AVIS CCI (janvier 2012) :
L’audience a été particulièrement longue.
Dans la mesure où les urgentistes n’avaient pas été entendus, pas plus que le SAMU ou SOS médecin, où des observations critiques de ce rapport avaient été présentées, la CCI demande une contre-expertise, confiée à un autre collège d’experts.
Concernant le chirurgien et l’organisation de la clinique, la CCI prend acte des reproches de l’expert mais s’étonne des remarques de celui-ci au sujet du MG « dépassé par la situation ». Elle prend acte aussi du fait que la famille réfute, alors, l’existence de RDV annulés après de celui-ci…arguant du fait que le MG pouvait être informé de la situation par le mari (suivi pour une maladie grave) et reprochant l’absence de déplacement à domicile.
La CCI souligne que la famille « a assisté à l’immobilisme du corps médical », « qu’ils ont été associés de très près à l’évolution dramatique de la situation …traumatisme très lourd » et que l’ensemble des enfants ressent une culpabilité extrêmement forte de ne pas avoir su faire davantage pour sauver leur mère, de n’avoir peut être pas tout mis en œuvre pour la sauver ».
II est également fait état que cette femme était « un véritable pilier » au sein de la famille, « qui soutenait son mari (atteint d’un cancer) et ses enfants avec une force morale et une détermination sans faille ».
CONTRE EXPERTISE (2012) : experts professeurs, chirurgien viscéral et anesthésiste.
Le chirurgien est absent, les urgentistes présents, de même qu’un représentant du SAMU et du médecin de SOS.
Le premier urgentiste a reçu cette patiente pendant sa garde vers 4 h 30 pour des douleurs abdominales avec vomissements répétés et importants avec température à 34 ° dit l’expert. : le médecin dit que les douleurs étaient moyennement importantes, que les nouveaux thermomètres auriculaires donnaient des résultats bizarres et que la température affichée de 34 °5 correspondait à un 36 °5. Dans le dossier, il est noté : météorisme, douleurs, vomissements, diarrhée ; les vomissements calment la douleur ? probable anse grêle sous ombilicale (gargouille) ; pas d’élément pour étranglement ; bilan, traitement, (antalgique, antispasmodique, O2), avis du chirurgien dès réception de l’ASP ; la biologie de 5 h 30 ; hémoconcentration, GB à 10 700 avec 75 % de PNN, CRP à 24 mg, glycémie à 2,70 g/L ; ces résultats sont notés.
Le deuxième médecin ne garde aucun souvenir du passage de cette patiente : il a noté son âge et son traitement. Son état ne lui paraissait pas inquiétant. L’ASP a été réalisé vers 10 H du matin, (le cliché n’est pas disponible lors de l’expertise était normal et muni du CR du radiologue). Il n’a pas demandé de scanner. Aucune constante n’est notée à partir de 7 H 30. Il explique que lorsqu’un avis chirurgical est demandé, en dehors de l’extrême urgence, la demande est faite par l’IDE. Personne ne sait qui aurait autorisé la sortie. La famille dit que c’était un médecin.
Du fait de la persistance des douleurs et des vomissements, une des filles rappelle la clinique vers 14 heures mais une secrétaire l’aurait rassurée et aurait donné un RDV pour le lundi 27 avril… Il semble que ce soit la secrétaire particulière du chirurgien qui ait répondu et non le service des urgences. Elle aurait dit que sortant des urgences, elle n’avait aucune raison d’être réhospitalisée.
Concernant l’attitude du MG, les experts soulignent qu’existe une divergence entre ses propos et ceux de la famille : pour lui « la patiente se reposait », pour la famille « elle était dans un état d’épuisement total assez inquiétant ».
Après l’échec d’appel au SAMU (18 H 30,) qui refuse de se déplacer, et conseille, devant l’hypothermie de la réchauffer… la famille appelle SOS Médecins; il se déplace, à 21 H 40, note une hypothermie à 34°, prend connaissance de l’ASP. Il n’y avait pas d’état de choc, la patiente n’était pas tachycarde, consciente, la TA est de 12/07. Il évoque le diagnostic d’occlusion abdominale et, après discussion avec la famille, réticente à l’idée de retourner dans la même clinique, rédige un courrier pour les urgences de l’hôpital en notant ce diagnostic. Il fait appel à une ambulance privée par l’intermédiaire du SAMU, envoyée à 22 H 30 qui arrive rapidement.
L’expert a reçu, après la réunion les bandes d’enregistrement téléphoniques du SAMU. Il ne donne que le détail des horaires d’appel (4 au total) : soit pour les premiers appels avec la fille : 20 H 40(PARM), 22 H43 (médecin), 19 H 16 (PARM), et le dernier appel avec le médecin de SOS à 22 H 13 (PARM). « Ces enregistrements ne révèlent pas d’élément nouveau et confirment la difficulté d’établir un diagnostic téléphonique et la difficulté encore plus grande encore de rétablir un diagnostic erroné alors que cette patiente avait été hospitalisée quelques heures plus tôt. ».
Les experts retiennent « l’absence de mise en œuvre de moyens pour arriver au diagnostic, la mauvaise prise en charge, la mauvaise organisation du système de santé qui représentent une perte de chance estimée à 90 % »
La responsabilité multiple doit être répartie entre différents intervenants :
-le chirurgien (60 %): absence d’information sur le risque d’occlusion du grêle, absence d’examen clinique, non réponse aux appels de la famille. (Lorsqu’une ischémie survient sur une éventration, le délai pour intervenir est de 6 heures).
-les urgentistes (10 et 20 %): examen clinique superficiel, mauvaise appréciation des signes de gravité, ne se sont pas assurés de la venue du chirurgien en urgence, sortie.
-la clinique : procédures de prise en charge incorrectes.
DEUXIEME AVIS CCI (novembre 2012).
La commission rappelle les manquements imputables :
Pour la clinique, en « ne mettant pas en place des procédures de prise en charge correctes » sa participation au dommage est également de 10%.
Celles du MG, du SAMU et du médecin SOS sont écartées.
Ce cas illustre les suites d’une intervention imparfaite, menée quasiment en ambulatoire, même si la patiente a passé une nuit en clinique.
Elle illustre « la vraie vie » de la patiente et de sa famille confrontée à leurs interrogations demeurées sans réponse puis à la dégradation clinique : ils n’obtiendront toujours pas de réponse satisfaisante du chirurgien, de la clinique référente, du MG (médecin généraliste) qui ne maitrise pas la situation d’une patiente qu’il ne voit pas en consultation puis du SAMU qui refuse de se déplacer au vu de la sortie récente d’un service d’urgences.
On ne comprend pas facilement le choix technique du chirurgien : a t-il été, comme le dit la famille pris par le temps en ayant décalé son programme opératoire ce jour-là ou était-il, en fait, tellement conscient des difficultés opératoires et lassé par les récidives qu’il a décidé de différer le problème ? plus compliqué que prévu à ventre ouvert ?
La famille, très, (trop ?), présente a-t-elle finalement joué un rôle délétère ??? C’est possible au second degré, du fait de ses appels téléphoniques incessants mais « l’immobilisme médical » a eu son rôle prioritaire, au moins dans les défauts d’organisations.
La prise en charge concertée entre urgentistes et chirurgien, lors de la ré hospitalisation en urgence, avec avis immédiat du chirurgien aurait pu, sans doute conduire à une intervention plus précoce et améliorer le pronostic : un moment clé de « récupération », tardif et raté.
Bien sûr, en fin de course, on accuse le MG de ne pas avoir su rectifier la situation :
En dehors du fait que la situation s’est acutisée peu de temps avant le décès, une fois de plus la réassurance de l’avis donné par des médecins « de la clinique » a joué, les dernières heures, un rôle fondamental : on ne peut être qu’étonnés que les transmissions orales de la famille au médecin, suite à ce passage aux urgences, se soient focalisées sur les problèmes de glycémie. En fait, la glycémie élevée leur avait « parlé » alors que la situation abdominale n’était pas réglée mais que les avis, à cet égard, étaient présentés comme « rassurants ».
Dans l’attitude du MG, au téléphone, c’est une fois de plus les difficiles appréciations entre la demande non exprimée de visite et le désir de rassurer une famille présente au chevet d’une patiente récemment opérée et inquiète.
Dans celle du SAMU, au téléphone, tout s’est joué sur le passage aux urgences : patiente ressortie après avis médical, donc pas de problème. On ignore les difficultés de régulation ce jour-là.
Le médecin de SOS ne peut souffrir d’aucune critique : il a posé le bon diagnostic, tenté d’obtenir un transfert médicalisé, est resté jusqu’au départ de l’ambulance.
Jai vécu la même chose je me retrouve maintenant handicapée à ne plus pouvoir faire du sport même nager cela est impossible. Le chirurgien ma retiré un morceau de la plaque car il y a une infection .sur le compte-rendu était noté nous avons retiré un pansement purulent. Et ce chirurgien dit que c est une erreur donc je n ai plus que mes yeux pour pleurer. Car le moindre effort je souffre. C est une honte
La cure d'une éventration est une intervention longue et délicate à programmer en début de matinée.Qualificatifs d'autant plus adaptés qu'il est question d'une ré ré...intervention .Nos collègues veulent en faire trop et le patient paye.Je trouve personnellement cela inadmissible.