"Bonjour l’équipe médicale le week-end"… Péritonite postopératoire, absence de prise en charge, décès du patient.
Saisine de la CRCI, en juin 2014, par les ayants droits du patient pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’ils avaient subi
(novembre 2014)
Les experts, l’un chirurgien viscéral exerçant en libéral et l’autre, professeur des universités, chef de service de maladies infectieuses rappelaient, en préambule, que : « (…) La chronologie et la traçabilité des événements avaient été réalisées à partir des feuilles de suivi infirmier et des comptes-rendus du chirurgien et du médecin responsable de l’unité de soins continus. En revanche, le dossier de suivi médical, si celui-ci existait, ne leur avait pas été communiqué (…) ». A leur avis : « (…) Dans l’établissement du diagnostic, le choix et la réalisation des investigations et du traitement, il n’y avait pas eu de manquement…L’intervention avait été pratiquée de façon habituelle, suivant les protocoles standards, par un chirurgien habitué à ce type d’intervention.
En revanche, dans la surveillance des suites opératoires, des graves manquements aux règles de l’art avaient été commis.
A partir du 7 août (J2), était notée une ascension thermique à 38,4 C° isolée, en rapport avec un abcès de paroi dû à une désinsertion de la colostomie transverse.
Le 9 août(J4), survenaient deux pics thermiques dont l’un à 38,6 C° avec frissons et isolement d’un germe anaérobie dans l’hémoculture.
Le 11 août (J6), s’installait un tableau de choc septique avec pic fébrile à 38,4 C°, PA à 80/50 mmHg et FC à139/ min. Cette complication avait été totalement négligée par l’équipe hospitalière de garde. L’anesthésiste avait refusé de se rendre auprès du patient. L’urgentiste, appelé par les infirmières, n’avait pas réussi à lever ce refus. Il avait tenté, en vain, de joindre le chirurgien du patient (qui n’était pas d’astreinte) mais n’avait pas appelé le chirurgien de garde. Le traitement symptomatique qu’il avait prescrit, était notoirement insuffisant dans un choc septique avéré.
Le 12 août (J7), le chirurgien n’avait pas pris en compte les faits graves survenus la veille qui étaient, pourtant consignés dans le dossier des transmissions infirmières. Il avait évoqué une amélioration clinique du patient (non tracée dans le dossier) et n’avait mis en route aucune mesure diagnostique ou thérapeutique.
Ce n’est que le lendemain —mardi 13 août (J8) — qu’un examen TDM avait été demandé, confirmant une péritonite évidente, nécessitant une réintervention d’urgence. Compte-tenu de la gravité de son état, le patient était retransféré dans le service de soins continus mais le chirurgien en accord avec les anesthésistes-réanimateurs estimaient, alors, que toute chirurgie était contre-indiquée. (…) »
Au total, les experts estimaient qu’ « (…) Il s’agissait d’un patient à risque chirurgical élevé, qui avait vraisemblablement fait au décours de la colectomie, une désunion anastomotique à l’origine d’un abcès rétrorectal et présacré, suivie d’une péritonite généralisée. L’épisode septicémique du 9 août (J4) n’avait pas été pris en compte alors qu’il aurait dû faire prescrire un examen TDM abdominal. Le choc septique du 11 août (J6) imposait une réintervention d’urgence, éventuellement précédée d’un examen TDM et suivie d’un transfert immédiat en réanimation au CHU. Cette démarche s’imposait, d’autant plus, le matin du 12 août (J7). Il était, par ailleurs, étonnant que le chirurgien ait estimé que l’état du patient s’était tellement amélioré le 12 août qu’il ne justifiait même pas la prescription d’un scanner, alors qu’il était devenu inopérable le lendemain après que cet examen, enfin réalisé, ait confirmé la nécessité d’une réintervention ;
Si un traitement adapté avait été mis en œuvre le 11 août, le risque de mortalité aurait, quand même été de 50%. Le 12 août au matin, il n’y avait qu’un tiers de chances de guérison. A partir du 13 août, la survie devenait problématique (…) »
Dans leurs conclusions, les experts soulignaient que le risque de désunion anastomotique après colectomie pour cancer recto-colique, était compris entre 5 à 10%. Mais, chez le patient, compte-tenu de ses antécédents médicaux, ce risque était multiplié par 2, soit une perte de chance de survie de 80% qu’ils attribuaient pour 50% au centre hospitalier et pour 30% au chirurgien.
Avis de la CRCI (février 2015)
La CRCI confirmait l’analyse des experts, s’agissant des faits ayant conduit au décès du patient ainsi que leur évaluation de la perte de chance de survie (80%). En revanche, elle modifiait le partage de responsabilité, adoptant la répartition suivante : 60 % pour le chirurgien et 40% pour le centre hospitalier. Elle considérait, en effet, que : « (…) Outre, le retard à la reprise chirurgicale le 12 août, le chirurgien aurait dû alerter ses confrères de garde le week-end du 10 et 11 août sur l’état de santé précaire de son patient tant en raison de ses antécédents ( hypertension artérielle, diabète, hémochromatose), que de la pathologie dont il souffrait (cancer rectocolique). S’agissant du centre hospitalier, la perte de chance était caractérisée par un défaut de surveillance et d’organisation dans la journée du 11 août 2011(…) ».
COMMENTAIRES
Ce cas clinique illustre, comme l’observation mise sur le site de la Prévention médicale le 15 novembre 2015 et intitulée « Occlusion postopératoire le week-end : retard de prise en charge. Décès », le risque accru d’événements indésirables graves lors des week-ends, comme l’ont démontré les publications de Ghaferi et coll (1,2).
La principale différence entre ces deux observations, outre leur éloignement géographique, est que la première se déroulait en clinique et la seconde, à l’hôpital public.
En revanche, les points communs entre ces deux cas cliniques sont nombreux.
1) Ils concernent d’abord le contexte .Ces deux accidents se sont produits en 2012 et 2013 chez des hommes âgés d’une soixantaine d’années, atteints de cancer colique ou recto-colique. L’intervention (colectomie avec anastomose colorectale) a eu lieu en début de semaine. L’événement indésirable s’est produit le week-end : le samedi dans la première observation (occlusion intestinale avec vomissements fécaloïdes) et le dimanche, dans la seconde (choc septique par désunion anastomotique).
2) Aucun des deux chirurgiens opérateurs n’était de garde le week-end en question. Ni l’un, ni l’autre n’avaient pris contact avec l’équipe de garde (chirurgien et/ou anesthésiste) dans les heures précédant le début de la garde, alors que, dans la seconde observation, deux accès fébriles, dont l’un de type septicémique étaient survenus chez le patient.
3) Lorsque les patients se sont aggravés, les infirmières ont, immédiatement, tenté de prévenir l’anesthésiste de garde. Dans le premier cas (occlusion intestinale), il a répondu être occupé et ne pas pouvoir se déplacer. Quelques heures plus tard, recontacté en raison de la reprise des vomissements, il a prescrit, par téléphone, un tranquillisant et un médicament pouvant entraîner un…iléus. Dans la seconde observation (désunion anastomotique), l’anesthésiste a refusé de se déplacer, y compris lorsque l’urgentiste lui a confirmé après les infirmières, que le patient était en choc septique.
4) Les chirurgiens de garde, qui n’étaient pas sur place, n’ont pas vu les patients. Dans la première observation, le chirurgien de garde a dit ne pas avoir été appelé (contrairement aux affirmations de l’anesthésiste de garde qui disait l’avoir fait). Dans la seconde, il n’a pas été appelé.
Aucun des deux chirurgiens de garde n’a, toutefois, tenté, pendant tout le week-end, d’entrer en contact, soit avec l’anesthésiste de garde, soit avec les infirmières du service de chirurgie, pour s’enquérir d’éventuels problèmes.
5) Le lundi matin, les chirurgiens opérateurs sont passés voir leurs patients. Ils n’ont pas pris (ou pas voulu prendre) connaissance des faits qui s’étaient passés pendant le week-end. Ils ont préféré assurer les interventions programmées dans leur matinée opératoire, plutôt que de réintervenir d’urgence chez leur patient.
Evidemment, on ne peut tirer de conclusions définitives à partir de deux cas cliniques isolés. Mais ces observations soulignent le bien-fondé de la nouvelle démarche entreprise par la HAS et annoncée dans sa conférence de presse du 27 mai 2015 : le PACTE ou Programme d’Amélioration Continue du Travail en Equipe. Il s’agit : « d’un programme basé sur le volontariat d’équipes de soins qui seront évaluées pour avoir mis en œuvre un programme dont l’objectif principal est d’améliorer la sécurité du patient. Il concerne des équipes pluri-professionnelles qui vont travailler sur les facteurs organisationnels et humains comme le partage des valeurs : l’écoute, l’entraide, la prise en compte du stress, la communication… »
Il n’est guère contestable qu’un grand nombre d’équipes assurant des gardes chirurgicales auraient intérêt à s’engager dans un tel programme pour leur propre bénéfice mais surtout celui de leurs patients.
1) GHAFERI A A, BIRKMEYER J D, DIMICK J B. Variation in hospital mortality associated with inpatient surgery.
N Engl J Med 2009; 361 :1368-75https://umchop.org/pdf/variations/variation.pdf
2) GHAFERY A A, BIRKMEYER J D, DIMICK JB. Complications, failure to rescue, and mortality with major inpatient surgery in medicare patients.
Ann Surg 2009;250 : 1029- 34 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19953723
je pense que c'est un patient qui nécessite une pec pluridisciplinaire en préop per op et post op: le bpo parle de koi? le taux d'albumine, la cirrhose et score de child, prévoir ou non les transfusions si hgies digestives, classé asaI ou II? et le protocole de réhabilitation amélioré a été fait chez ce patient? le probléme de surpoids, hta et dnid insulinonécessitant, présentent tous des fdr d'infection post op, une surveillance armée et passation de consigne entre les équipes de garde.
je pense que ce patient n'a pas eu un bilan pré opératoire suffisant.Il aurait permis de noter la cirrhose hépatique avec htp et ascite.On aurait conclu que ce patient était très fragile et que probablement une exèrèse serait extrémement délicate et sujette à des complications graves.Donc laisser ce patient tranquille ou peut être le confier à un expert