La conduite à tenir vis-à-vis du traitement par AVK en cas de chirurgie ou d'acte invasif fait l'objet de recommandations. Dans le cas clinique suivant, une absence de communication entre chirurgien et anesthésistes a conduit à une mauvaise gestion périopératoire et au décès de la patiente.
Le 18 janvier 2017 une femme âgée de 83 ans consulte, à la demande d'un dermatologue, un chirurgien plasticien pour une suspicion de carcinome épidermoïde de la tempe droite sans adénopathie palpable et qui évolue depuis environ 6 mois.
Depuis 2000, cette patiente est suivie pour une fibrillation auriculaire par son médecin généraliste sans intervention d’un cardiologue et a subi une endartériectomie (en 2000) pour une artérite oblitérante des membres inférieurs (périmètre de marche actuel d’environ 400 mètres). Taille : 169 cm. Poids : 73 kg. IMC : 26.
Elles est traitée par :
Le chirurgien décide d'effectuer une biopsie avec exérèse et analyse extemporanée (afin de passer en zone saine). Il propose à la patiente : soit l'ablation de la lésion avec recouvrement par lambeau sous anesthésie générale avec arrêt du Préviscan®, soit l'ablation de la lésion sous anesthésie locale sans arrêt du Préviscan® mais avec un résultat esthétique bien moindre. La patiente opte pour la première proposition.
Une consultation cardiologique et anesthésique sont demandées par le chirurgien.
La patiente signe, à la sortie de la consultation, un consentement éclairé (imprimé de la Société savante de chirurgie plastique).
Le 15 février, au décours de sa consultation, le cardiologue écrit au chirurgien :
"(…) Je vois, ce jour, Mme X. en urgence pour un bilan préopératoire d’une tumeur cutanée. Elle a surtout une fibrillation auriculaire chronique mal ralentie avec une cadence ventriculaire à plus de 150 battements/minute. Elle n’a pas de suivi cardiologique. Cela pourrait provoquer une poussée d’insuffisance cardiaque congestive mais Mme X. refuse tout changement thérapeutique. L'idéal serait d'arrêter le Tildiem® et de le remplacer par un bêtabloquant à la dose de 5 mg matin et soir pour mieux bloquer cette cadence ventriculaire rapide.
La tension artérielle est à 130/80 mmHg. L'auscultation cardiaque est normale. L'échographie cardiaque retrouve une dilatation biauriculaire modérée. La fonction d'éjection ventriculaire gauche est peu altérée aux alentours de 47 %, la PAPS est normale à 28 mmHg avec des pressions de remplissage gauche non augmentées pour le moment.
En conclusion, risque d'insuffisance cardiaque en raison d'une fréquence ventriculaire rapide, non suivie, notamment lors de l'intervention chirurgicale prévue pour l’exérèse d'une tumeur cutanée. Refus de changement thérapeutique par la patiente (…)".
Le 17 février, lors de la consultation préanesthésique réalisée par le Dr A., anesthésiste, la patiente est classée ASA III (atteinte sévère d’une grande fonction sans incapacité). Un arrêt de l'AVK est prévu 5 jours avant l’intervention (dernière prise le 17 février) avec un relais le 20 février par de l'Innohep® (1 injection/jour dose curative) jusqu’au 22 février matin. L’information éclairée pour une anesthésie générale était donnée avec un consentement signé.
Le 22 février admission à la clinique (PA : 120/70 mmHg , FC :107/min. INR : 1,68.)
Le 23 février, intervention sans problème particulier (anesthésiste Dr B.). A noter toutefois, la nécessité d’administrer lors de l’induction, successivement 9 mg, 6 mg, et 6 mg d’éphédrine pour maintenir une PA stable.
A l'examen extemporané, les recoupes étaient saines. Anatomo-pathologie : carcinome épidermoïde bien différencié kératinisé s'étendant sur 18 mm et infiltrant le derme réticulaire.
Prescription à la sortie de la SSPI : A partir du 24 février, reprise du Préviscan® le soir avec un INR à 48 heures et 72 heures après la reprise.
A 15 h 00, le Dr B., toujours au bloc opératoire, est appelé par une infirmière en raison de la survenue d'une tachycardie à 148/min chez la patiente. Il prescrit de reprendre le traitement Tildiem® 60 mg le lendemain matin.
Le 24 février, au matin, le chirurgien autorise la sortie de la patiente. La fréquence cardiaque est à 140/min avec une PA systolique entre 120 et 130 mmHg et une diastolique entre 70 et 80 mmHg. Sur le dossier infirmier est noté :
"patiente non algique, ce matin pansement vu par le chirurgien, réfection au tulle gras, ablation du drain et sortie validée après arrêt du cathéter veineux périphérique".
La patiente quitte la clinique avec une simple ordonnance pour les soins infirmiers où ne figure aucune indication quant à la reprise du Previscan® au domicile le 24 février au soir, comme préconisé par le Dr B.
Le 25 février au soir la patiente décide d'elle-même de reprendre le Previscan® aux posologies habituelles, sans consultation médicale (n’ayant pu joindre son médecin traitant, le 25 étant un samedi).
Le 26 février en fin de journée, la patiente, d’après son mari, n’était pas "comme d’habitude", se plaignant de céphalées et de faiblesse avec une perte d’équilibre.
Dans la nuit du 26 au 27 février, survient, chez la patiente, une hémiplégie droite avec aphasie constatée vers 8 h 30 par son époux. Le SAMU est contacté et une alerte thrombolyse pour un AVC est déclenchée.
A l’admission au centre hospitalier régional, la patiente est consciente et orientée avec une paralysie faciale centrale droite, une hémiplégie droite, une hypoesthésie difficilement évaluable, une dysarthrie sévère, une hémianopsie latérale homonyme droite. Elle obéit aux ordres simples et répond à une question sur deux. L'aphasie est mixte avec dénomination d'objets mais conversation difficile voire impossible et une compréhension partielle des ordres.
L’IRM cérébrale (27 février) montre :
"Lésion ischémique récente au sein du territoire sylvien profond gauche avec thrombus étendu de l'artère cérébrale moyenne sans remaniement hémorragique. Occlusion de l'artère carotide interne gauche à 6 mm après son origine, polygone fonctionnel avec opacification normale de l'artère cérébrale antérieure de l'artère moyenne droite via les artères communicantes. Occlusion de l'artère carotide commune droite 1 cm après son origine avec absence d'opacification de l'artère carotide interne d'aval d'allure ancienne".
Au total, infarctus cérébral gauche avec de nombreux "hyper signaux en flair", en faveur d'un AVC de plus de trois heures. Absence d’indication de thrombolyse car hors délai.
La patiente est transférée en service de neurologie. L'INR est à 1.51.
L’Echo doppler des troncs supra aortiques (28 février) :
"Occlusion récente de l'artère carotide interne gauche cervicale. Occlusion probablement semi récente de la carotide commune, de la carotide externe et de la carotide interne droites qui sont cependant perméables dans leur portion très haute. Reflux au niveau des vertébrales"
L’ECG montre :
"Fibrillation auriculaire rapide, axe à 45°, QRS fins, repolarisation normale".
L’Echographie trans-thoracique montre :
"Ventricule gauche non dilaté, non hypertrophié, cinétique segmentaire homogène, fraction d'éjection systolique conservée, aorte ascendante non dilatée, pas de valvulopathie mitro-aortique significative, pression de remplissage basse, cavités droites modérément dilatées, altération modérée de la fonction systolique du ventricule droit, pas d'hypertension artérielle pulmonaire, pas de dilatation biauriculaire, pas de thrombus intra cavitaire".
Le 10 mars 2017, transfert en réadaptation gériatrique :
"Malade de 83 ans, hospitalisée pour un infarctus cérébral sylvien profond gauche hors délai d’une thrombolyse. Bilan étiologique retrouvant une fibrillation auriculaire insuffisamment anti-coagulée ainsi qu’une occlusion bi carotidienne athéromateuse, (en particulier occlusion ancienne de la carotide droite) dans les suites d'une chirurgie d’exérèse d'un carcinome épidermoïde. A la sortie, il persiste un déficit moteur droit aux trois étages ainsi qu'une aphasie mixte. Pneumopathie d'inhalation traitée par Augmentin® depuis le 6 mars 2017. Traitement de sortie : Kardegic®, Bisoprolol, une statine et du Lovenox® préventif".
Le 2 mai 2017, décès en milieu gériatrique dans un contexte de pneumopathie d'inhalation sévère et bilatérale avec insuffisance cardiaque, la patiente ayant, à plusieurs reprises, arraché sa sonde nasogastrique.
Saisine de la Commission de conciliation et d'indemnisation (CCI), en septembre 2017, par le mari de la patiente pour obtenir réparation du préjudice qu'il avait subi.
D'après les experts, tous deux praticiens hospitaliers, l'un anesthésiste-réanimateur et l'autre cardiologue :
"(…) La patiente a été victime d'un accident vasculaire cérébral avec hémiplégie ayant entraîné le décès, en liaison avec une interruption du traitement anticoagulant. Cette interruption était nécessaire dans le cadre de l'exérèse chirurgicale d'un carcinome épidermoïde temporal au contact de l'orbite, dans un contexte de fibrillation auriculaire mal équilibrée. 1- LE CHIRURGIEN PLASTICIEN Deux éléments distincts sont à étudier dans la prise en charge (l'indication opératoire et la gestion des anticoagulants à la sortie de la malade) :
D’après le guide de pratique, élaboré sous l'égide de la Société Française de Dermatologie, validé en 2009 et ayant reçu le label INCA- HAS, il n'est pas proposé de RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire) de façon systématique dans les carcinomes épidermoïdes de la face. De même, la biopsie systématique n'est pas recommandée. Le traitement de référence reste la chirurgie avec une résection large sous contrôle extemporané. La chirurgie est également la technique avec le meilleur résultat esthétique. C'est seulement en cas d'impossibilité chirurgicale que la radiothérapie est choisie. Au total : La démarche thérapeutique effectuée par le chirurgien est en totale conformité avec les recommandations des sociétés savantes. Il convient de rappeler que la patiente était très préoccupée par le résultat esthétique de l'intervention.
Le chirurgien était parfaitement au courant que la patiente était sous anticoagulant en raison d'une tachycardie par fibrillation auriculaire puisqu’il l'a adressée en préopératoire à la fois à un cardiologue et au médecin anesthésiste afin de faire le point sur son état cardiaque et sur le relais du traitement par AVK. Il avait d'ailleurs parfaitement cerné le risque puisqu'il avait proposé l’alternative suivante à la patiente : une ablation sous anesthésie locale sans arrêt de l'AVK ou une ablation chirurgicale complétée d'un lambeau cutané avec obligation d'arrêter avant l'intervention l'AVK. La problématique vient de la gestion du traitement anticoagulant en postopératoire. Le chirurgien a laissé sortir la patiente le 24 au matin, après avoir vérifié le pansement et remis les ordonnances nécessaires pour des pansements à domicile. Il était donc parfaitement au courant que la patiente sortait sans ordonnance vis-à-vis de son traitement anticoagulant et il ne lui a fait aucune recommandation pour la reprise de celui-ci. Le chirurgien argumente cette absence d'ordonnance pour le traitement par AVK au motif qu'il aurait prévenu l’anesthésiste en fin d'intervention, que la patiente sortirait dès le lendemain. L’anesthésiste conteste totalement ses propos et avait d'ailleurs prescrit du Previscan® en intramuros à la clinique le 24 février au soir. Il n'était donc pas au courant de cette sortie précoce. Au total : Le chirurgien connaissait l'existence du traitement anticoagulant de la patiente. Il devait donc vérifier à sa sortie si une ordonnance avait été faite, soit par un médecin anesthésiste, soit par lui-même avant de la laisser partir. Des recommandations orales auraient pu être faites à la sortie dans la mesure où la patiente disposait de Previscan® à son domicile. Les experts rappellent que le principe de l'ordonnance médicale est d'assurer une traçabilité pour que le patient ait des informations précises pour la poursuite de ses traitements médicamenteux. En conséquence les experts retiennent une perte de chance à hauteur d’un tiers attribuable au chirurgien dans le fait que la patiente n'ait pas repris précocement son traitement anticoagulant antérieur faute d'ordonnance ou de conseils même oraux. 2- LE Dr A., ANESTHESISTE AYANT ASSURE LA CONSULTATION PREANESTHESIQUE Il était la "clef" dans l'entrée du processus chirurgical proprement dit. Il n'a visiblement pas discuté l'indication chirurgicale faisant confiance au chirurgien avec lequel il a l'habitude de travailler. Certes, il partageait l'indication chirurgicale mais avait la possibilité de différer l'intervention qui n'avait aucune urgence dans un délai de trois mois. Au regard du compte rendu cardiologique qui décrivait un tableau clinique instable pouvant basculer dans l'insuffisance cardiaque aiguë et surtout devant le refus de la malade de modifier son traitement habituel qu'elle ne suivait pas à la lettre, il se devait de refuser de pratiquer l'anesthésie. A travers l'information éclairée qu’il devait à la patiente, il aurait dû la convaincre d'accepter les modifications de traitement à la fois pour elle au long cours, mais surtout pour pratiquer une anesthésie générale dans de bonnes conditions. Le traitement sensé ralentir le rythme cardiaque (Tildiem®) était pris de façon désordonnée au gré des sensations de la malade. Endormir une malade dont le cœur bat à 150 par minute pour une chirurgie réglée est une faute même si au final celle-ci se passera dans des conditions acceptables. Son avocat et celui de l’anesthésiste ayant endormi la patiente ont argumenté que le risque attendu était une insuffisance cardiaque aiguë qui n'a pas eu lieu. Les experts soulignent cependant que la dysfonction ventriculaire gauche et la tachyarythmie rapide sont des facteurs de risque de caillots générateurs d'AVC. L'anesthésiste a manqué de fermeté vis-à-vis de la patiente qui semblait être une femme de caractère, au point même qu'il a également accepté de faire un relais AVK-HBPM aux doses curatives. Là encore, tout s'est bien déroulé mais ce relais ne correspondait pas aux recommandations internationales et de la SFAR. Il pouvait lui-même provoquer des complications qu'heureusement la patiente n'a pas présentées sous la forme de thrombopénie à l'héparine ou d'hémorragie, où là encore il aurait été fautif. La patiente était une malade à risque bien ciblée par le cardiologue, qui n'avait eu aucun suivi ni exploration vasculaire pendant 17 ans. C'était le moment de faire le point avec aussi la possibilité de faire une échographie des troncs supra aortiques. Il en est de même du bilan préopératoire et de la fonction rénale. La SFAR a certes publié des recommandations pour limiter les bilans systématiques préopératoires mais insiste bien qu'il faut effectuer des explorations en fonction de l'examen clinique et c'est bien là le but de la consultation préanesthésique. Le Dr A. n'a pas rempli son rôle dans la pratique de celle-ci. De même sa cotation ASA 3 à la vue de la lettre du cardiologue aurait dû être ASA 4. Les experts estiment qu'il a lui aussi induit une perte de chance d'un tiers du dommage. 3- Le Dr B., ANESTHESITE (activité de remplaçant à la clinique) Le Dr B. est intervenu à trois niveaux :
Lors de la VPA, le Dr B. a vérifié le bilan d'hémostase et en particulier l'INR afin de s’assurer de l'élimination du Préviscan®. Son rôle s'est arrêté là, sans remettre en question l'indication chirurgicale, ni anesthésique. Il ne disposait, selon lui, que du dossier d'anesthésie sans l'ensemble du dossier médical qui, selon l'HAS, doit être unique. Son statut de remplaçant rendait délicat de "stopper" la patiente à ce stade mais cela était encore possible. La pratique de l'anesthésie générale avec un protocole standard n'amène aucune réflexion si ce n'est qu'après l'induction anesthésique une chute de la pression artérielle a nécessité plusieurs injections d'éphédrine alors que les doses des médicaments anesthésiques employés étaient peu importantes. Ceci confirme que la patiente était polyvasculaire. L'extubation et le réveil se déroulent bien. Aucun bilan systématique postopératoire à type d'ECG et de dosage de troponine n'est demandé pour dépister une éventuelle complication ischémique. Au retour en chambre, le Dr B. est appelé par l'infirmière pour une tachycardie à 148 par minute. Il ne se déplace pas car retenu au bloc opératoire et confirme que cet état est habituel chez la malade. Par contre, c'est l'occasion pour lui de bien préciser par voie informatique la reprise du Previscan® en postopératoire le 24 février au soir avec des dosages d'INR à 48 et 72 heures. C'est à ce niveau qu'une discussion entre le chirurgien et le Dr B. a eu lieu : le chirurgien assurant que le Dr B. savait que la sortie de la patiente se ferait dès le lendemain. Le Dr B. assure le contraire. Ce serait pour cela, qu'il a prescrit le Previscan® par informatique pour une prise intramuros programmée pour le 24 février au soir. Au total, les experts retiennent une perte de chance à hauteur d'un tiers du dommage vis-à-vis de la VPA, de la prise en charge postopératoire sur la tachycardie qui a été banalisée et de l'absence d'assurance de sortie avec une ordonnance de traitement ou même de recommandations vis-à-vis du Previscan®. Bien que remplaçant, le Dr B. aurait dû être en concordance avec les habitudes de la clinique ou se les faire expliquer, même si elles sont mal définies. Les experts ont été gênés par l'absence de règlement intérieur entre médecins (chirurgiens et anesthésistes) pour déterminer qui fait quoi pendant l'hospitalisation ? et à la sortie ? Le chirurgien avait bien anticipé le risque lié à l'état cardiaque et aux anticoagulants lors de sa consultation puisque c'est de lui-même qu'il avait adressé la patiente à un cardiologue et qu'il avait déterminé chaque possibilité chirurgicale en fonction de l'arrêt ou non du traitement par AVK. C'est lui également qui prescrit la reprise du Tildiem® en postopératoire mais par contre laisse sortir la malade sans recommandations ou ordonnance d'AVK. Les médecins anesthésistes prescrivent en intra-muros mais pas la totalité des traitements et ne connaissent pas les dates de sortie des malades. Un manque de continuité des soins médicaux est réel. En conclusion, les experts ont retenu des manquements chez tous les intervenants à hauteur d'un tiers du dommage. Cependant, il est inhabituel d'avoir une malade non compliante qui refuse toute modification de son traitement en préopératoire au profit d'un autre, en vue de la préparer au mieux pour une intervention. Par ailleurs elle ne respecte pas le traitement instauré et prescrit régulièrement depuis des années en vue de ralentir son rythme cardiaque (Tildiem®) et impose un traitement anti coagulant en relais qui ne se justifiait pas. Pour ces raisons les experts considèrent que la perte de chance attribuée aux médecins doit être atténuée et ramenée à 25 % pour chacun. "On ne peut soigner un malade contre son gré". Le reste du dommage a été créé par la non-compliance de la malade (…)". |
Se fondant sur le rapport des experts, la Commission estimait que :
"(…) La prise en charge de la patiente par le chirurgien plasticien, le Dr A., anesthésiste, et le Dr B., anesthésiste, n’était pas conforme aux règles de l’art et aux données acquises de la science. Ce comportement est constitutif d’une faute responsable d’une perte de chance d’éviter le décès de la patiente, évaluée à hauteur de 75 %. Contrairement aux moyens soulevés en séance par les mis en cause, la Commission considère que le retard à la reprise des anticoagulants par l’absence d’ordonnance lors de la sortie de la patiente lui a fait perdre une chance d’éviter la survenue de l’AVC, et ce, même si la patiente a repris ledit traitement de son propre chef. La fenêtre thérapeutique a été trop longue. Dès lors qu’on était sûr qu’il n’y avait pas de problème opératoire, le traitement aurait dû être repris et ce, compte tenu de son état, bien avant 48 heures. Le pourcentage de perte de chance tient compte du fait que la patiente était de par son état exposée à deux risques dont une insuffisance cardiaque aiguë en raison de son mauvais équilibre cardio vasculaire qui nécessitait un traitement par bêtabloquants bien suivi, ce qu’elle ne faisait pas, puis à des troubles du rythme exacerbés par un mauvais traitement puisqu’elle présentait une fréquence rapide à 150 battements par minute. Cette perte de chance de 75 % doit être réparée à hauteur de :
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Commentaire 1 En cas d'intervention nécessitant une interruption des AVK chez les malades traités par AVK pour une fibrillation auriculaire, les recommandations de la HAS datant de 2008I et relayées par le MAPARII on été récemment confortéesIII.
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Commentaire 2 Chez la patiente, le risque thrombo-embolique était-il faible ou élevé ?
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Commentaire 3 Les experts ont reproché deux fautes au Dr A :
Ces deux fautes sont, apparemment, contradictoires. Le reproche que l’on peut faire au Dr A. (à partager avec le chirurgien et le Dr B.) est de ne pas avoir informé la patiente (ou su la convaincre) de la nécessité d’associer un relais postopératoire par HBPM dès l’autorisation du chirurgien pour la reprise du Préviscan® (aux doses préopératoires) et en surveillant l’INR quotidiennement, avec interruption de l’HBPM après 2 INR successifs en zone thérapeutique à 24 heures d’intervalle. |
Références
I- "Prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier" ("Conduite à tenir vis-à-vis du traitement par AVK en cas de chirurgie ou d'acte invasif", p. 10-14 - "Annexe 2. Exemple de relais préopératoire AVK-héparine en vue d'un acte chirurgical programmé", p. 17) - Recommandations de bonnes pratiques HAS avril 2008
II- "Gestion périopératoire des AVK : recommandations 2008" - Anne Godier, Gilles Pernod, Pierre Sié - MAPAR 2009 Hémostase pp 333-9
III- "Prise en charge des patients traités par antivitamines K (AVK) ou anti-agrégants plaquettaires (AAP)" - Article HAS - Mis en ligne le 23/10/2015, mis à jour le 12/06/2019
Question du Dr M., Médecin biologiste retraité "Les avk inhibent les facteurs II VII IX X et les protéines C et S. La demi-vie de la protéine C anti coagulante est la plus courte. Elle sera la plus vite touchée alors que les facteurs coagulants ne le seront qu’en quelques jours. A la reprise du traitement AVK, il existe donc une phase de déficit fonctionnel isolé de protéine C et donc d’hypercoagulabilité transitoire. Ceci n’apparait pas dans votre rapport". Réponse du Dr Sicot
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