Vers 1h du matin, une femme de 45 ans est mordue par son chat au niveau de la main gauche, à plusieurs reprises. Elle consulte alors immédiatement le centre hospitalier le plus proche, accompagnée d’un voisin.
18 juin
19 juin
21 juin
23 juin
24 juin
26 juin
Juillet
Aout
Janvier 2012
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EXPERTISE JUDICIAIRE (2014)
Les experts sont chirurgien orthopédique et infectiologue-interniste.
Le résume des faits est connu, en grande partie, par leur rapport.
Ils ajoutent que la patiente, à la lecture d’un certificat médical de juillet 2012, a eu un suivi psychologique depuis cette date, suite à une détresse psychologique secondaire à cette morsure de chat et à ses conséquences. Selon un deuxième certificat, ce suivi psychologique a été poursuivi jusqu’en novembre 2013. Il n’y a pas eu de prise en charge psychiatrique.
Secondairement, à partir de Janvier 2012, dans un contexte de syndrome anxieux réactionnel souligné dans un certificat d’un autre médecin, cette patiente présentera des douleurs de l’hémiface qui motiveront une prise en charge importante, par divers services hospitaliers (4 CHU).
Se grefferont ensuite des troubles neuro sensitifs de l’hémicorps droit (nombreux bilans IRM, PEV, EMG, PRL, Neurologie….) : pas d’anomalie organique retrouvée.
Finalement prise en charge médico-psychologique dans un Centre antidouleur.
Lors de l’expertise, cette femme retrace son vécu : « J’ai eu peur de mourir et de perdre mon bras ».
Elle a retrouvé un emploi en avril 2014 et reste gênée pour « taper au clavier » du fait d’une raideur persistante du deuxième doigt.
Elle reproche au CH :
« J’ai été reçue comme si j’avais un problème banal alors que moi, j’avais un problème important. Je souffrais déjà. Je leur ai demandé de ma garder pour mettre des antibiotiques par voie veineuse. Ils m’ont dit de revenir le lendemain si je souffrais ».
Le lendemain, lorsque je me suis présentée de nouveau aux urgences du CH, on m’a demandé : « pourquoi venez-vous ? J’ai répondu que je souffrais. On m’a dit que c’était une réaction normale ».
Vis-à-vis du CHU, « je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas passée au bloc opératoire alors que le chirurgien, joint par téléphone, avait dit qu’il fallait une intervention en urgence. Je leur reproche aussi des brûlures à la Bétadine ».
Les experts considèrent :
Que la prise en charge initiale au CH n’a pas été conforme aux règles de l’Art.
« On sait que les plaies par morsure de chat sont des plaies graves du fait de la profondeur de la main liée à la finesse et la longueur des dents du chat, qu’une surinfection bactérienne représente la complication la plus fréquente des morsures de chat et survient, en moyenne, dans les 12 H qui suivent la morsure.
L’infection est plurimicrobienne avec des anaérobies, et des aérobies pouvant entrainer des abcès sous cutanés, tendinite, arthrite septique, ostéomyélite, voire des accidents systémiques chez des patients fragiles avec endocardite, septicémie.
On sait également que la flore bactérienne de la bouche des chats, responsable de l’infection après morsure, est essentiellement due à Pasteurella surtout Multocida. Du fait de cette flore bactérienne et de l’expérience médicale, il est admis que l’antibiothérapie de première intention est l’AUGMENTIN ; En cas d’allergie, ou d’impossibilité, une association, Clindamycine/Quinolone ou Clindamycine/Bactrim est requise.
En aucun cas la PYOSTACINE n’est l’antibiotique de première ligne, ni même de deuxième dans la prévention de l’infection postérieure aux morsures de chat.
Le traitement antibiotique n’ayant pas été efficace, on va se retrouver dans les mêmes circonstances que celles de la cohorte publiée par la Mayo Clinic en février 2014 : évaluation de la morbidité et de la prévention de l’infection postérieure aux morsures de chat. Les auteurs ont étudié 193 cas : presque 1/3 a été hospitalisé pour une durée moyenne de 2 à 3 jours. Sur les patients hospitalisés, 67 % ont été opérés et 4 % plusieurs fois. Les critères associés à l’infection ont été, outre les sujets immunodéprimés, la localisation d’une morsure en regard d’une articulation et d’un tendon et surtout la survenue d’un érythème inflammatoire lors de la consultation. Ce qui était le cas de cette patiente. Comme décrit dans la littérature, l’inflammation a mis moins de 12 H à s’installer.
La non hospitalisation et l’antibiothérapie inadaptée constituent des fautes qui ont influencé le développement ultérieur de l’infection nécessitant la seconde hospitalisation.
Au CHU, l’antibiothérapie parait plus adaptée à la situation. En réalité, la Tétracycline a une activité médiocre sur les anaérobies ainsi que le Claforan. En revanche, le Claforan est actif sur Pasteurella qui est le germe qu’il faut cibler en première ligne après des morsures de chat. On peut reprocher au CHU de ne pas avoir fait de nettoyage chirurgical de la plaie et accessoirement les brûlures de la peau à la Bétadine.
Finalement, la prise en charge à la Clinique de la main a permis la guérison de la patiente.
Le germe isolé est un Streptococcus suis qui infecte les porcs et les sangliers. On ne retrouve pas, dans la littérature d’autres espèces infectées. L’infection humaine est rarissime. La PYOSTACINE n’a pas été testée sur ce germe. On ne retrouve pas de données dans la littérature sur la sensibilité de ce germe à cet antibiotique. Ce germe pourrait être le dernier survivant d’une population sélectionnée par le Claforan. Quoiqu’il en soit, il ne semble pas avoir été pris en compte, puisque de toute façon il n’a pas été donné de traitement actif sur ce germe même après son identification à la Clinique.
En conclusion :
« Des fautes ont été réalisées au CH :
- non hospitalisation,
- non administration d’antibiotiques adaptés à la morsure de chat selon les références consensuelles.
Pour le CHU :
- Absence d’intervention
- Antibiothérapie, qui outre la Pasteurelle aurait dû être acquise pour les anaérobies.
Les préjudices obéissent donc à une répartition de 50 % pour le CH et de 50 % pour le CHU ».
A la fin de leur rapport, les experts tiennent encore à souligner que « la morsure animalière reste un accident grave nécessitant une prise en charge immédiate et rigoureuse, susceptible de laisser des séquelles fonctionnelles ».
JUGEMENT du TRIBUNAL ADMINISTRATIF (2016)
Le tribunal entérine les conclusions des experts et partage les versements indemnitaires entre les deux centres hospitaliers : soit 4800€ pour le CH et 4123€ pour le CHU.
Les frais d’expertise d’un montant de 3 804€ sont mis à la charge du CHI, de même que le versement d’un montant de 1 000€ à la CPAM.
Il est inhabituel qu’une morsure animalière aboutisse à une procédure ; il est pourtant fréquent qu’elle soit un motif de consultation.
Les plaies ne sont pas toujours graves, les médecins sous estiment parfois la gravité de lésions pénétrantes, surtout des zones sensibles comme la main.
Il n’en n’est pas moins vrai qu’il existe des cas à risque de complications :
- du fait du type de la morsure et de sa localisation,
- du fait, comme dans le cas précis, d’une « fragilité psychologique » de la patiente.
Même si ses préjudices et la longueur de l’évolution paraissent disproportionnés, eu égard à la guérison d’une morsure infligée par son animal de compagnie, ils reflètent le vécu d’une patiente angoissée et luttant pour obtenir ce qu’elle estimait (dans ce cas peut être à juste titre) la bonne conduite à tenir par les différents médecins concernés.
Le fait que le germe soit particulier ne doit pas faire penser qu’il faille, pour autant déroger aux règles simples de la prise en charge habituelle de ce type de morsure, telles que rappelées dans la littérature consensuelle et notamment le choix de l’antibiothérapie « pré emptive » dont il faut s’assurer qu’elle a été dûment achetée et prise….
BIBLIOGRAPHIE
Cat Bite Infections of the Hand: Assessment of Morbidity and Predictors of Severe Infection, Nikola Babovic, BA, Cenk Cayci, MD, Brian T. Carlsen, MD , Mayo Medical School and the Department of Plastic Surgery, Mayo Clinic, Rochester, MN, DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.jhsa.2013.11.003.
Voici l’abstract de cetteétude, reprise dans les journaux médicaux et “grand public” en 2014.
Purpose
To assess the overall morbidity of cat bites to the hand and identify risk factors for hospitalization after such an injury.
Methods
All patients recently treated at our institution for cat bite injuries to the hand were retrospectively reviewed. We identified 193 patients in a 3-year period between January 1, 2009, and December 31, 2011. Patient demographics, medical history, physical examination findings, laboratory values, and long-term follow-up data were collected. Univariate and multivariate statistical regression were used to analyze the data.
Results
Thirty percent (n = 57) of patients with cat bites to the hand were hospitalized. The average length of stay for these patients was 3.2 days. Of the hospitalized patients, 67% (n = 38) underwent irrigation and debridement, with 8 patients requiring more than 1 operation. Complications were common among these patients. Risk factors associated with hospitalization included smoking, immunocompromised state, and location of bite over a joint or tendon sheath. Physical examination findings of erythema and swelling at presentation were also associated with increased risk of hospitalization. Time from bite to presentation, white blood cell count, erythrocyte sedimentation rate, and C-reactive protein values at presentation were not associated with hospitalization.
Conclusions
Cat bite injuries to the hand can progress to serious infection. The treatment of such infections often requires hospitalization, intravenous antibiotic therapy, and operative treatment. Clinical findings suggestive of the need for hospitalization include location of the bite over a joint or tendon sheath, erythema, pain, and swelling. These findings should increase concern for a severe infection and warrant hospitalization and urgent consultation with a hand surgeon”.
Pathologie d'inoculation (101)
http://www.institut-main.fr/les-morsures-animales-125.html
Morsures d’animaux et risque infectieux www.revmed.ch
NOTES extraites des références bibliographiques :
Les morsures sont des plaies à la fois contuses et fortement souillées. Leur principale complication est l’infection. Le risque infectieux est déterminé par l’animal en cause, la localisation de la morsure (main en particulier), les antécédents de la victime et la qualité des soins locaux de la plaie. Le traitement repose avant tout sur un lavage soigneux par irrigation sous pression et un parage drastique avec débridement des tissus.
Le chat est responsable de plaies punctiformes et de lacérations. L’inoculation des bactéries se fait dans les tissus profonds. Les germes en cause sont peu différents de ceux du chien. Les germes en cause sont les staphylocoques, streptocoques, Pasteurella, et bactéries anaérobies.
Le taux d’infection est de l’ordre de 50%.
Les morsures sont en général responsables d’une inoculation polymicrobienne. Les infections apparaissant en moins de 12 h après la morsure sont évocatrices de Pasteurella.
Il existe de rares souches de P. multocida productrices de bétalactamases mais toutes restent sensibles à l’association amoxicilline-acide clavulanique. Les plaies infectées après 24h sont principalement dues aux cocci à Gram positif ou à des bactéries anaérobies.
La plupart des plaies par morsure peuvent être soignées aux urgences. Le lavage est un temps fondamental de la prise en charge et est réalisé au mieux par irrigation abondante à haute pression. Le débridement des tissus est le meilleur moyen de prévenir l’infection.
Après l’ablation des corps étrangers éventuels, il faut réaliser une excision de tous les tissus dévitalisés.
Il n’y a pas d’indication à réaliser de prélèvement en l’absence de signe infectieux même si la plaie est vue plus de 24h après la morsure. Seule l’infection locale est une indication de prélèvement.
Les indications d’hospitalisation sont :
La suture est contre-indiquée pour les plaies profondes ou examinées plus de 24h après la morsure, les plaies cliniquement infectées et les plaies de la main. Un contrôle clinique de la majorité des morsures est indispensable 24 heures après.
L’antibiothérapie « préemptive » n’est indiquée que dans les cas suivants :
Le traitement recommandé est l’association amoxicilline-acide clavulanique.
Quelles sont les complications à court et à moyen terme ?
Les préoccupations majeures sont la prévention du risque infectieux et les séquelles fonctionnelles et esthétiques. Le risque infectieux est le critère prédominant mais ne nécessite pas systématiquement une antibiothérapie « préemptive ». Il est donc nécessaire d’effectuer une convocation précoce. Pour les morsures, une consultation à 24 heures est recommandée [Grade A].