Le drenchage est une technique d’administration orale forcée d’une grande quantité de liquide, en prévention ou traitement de diverses affections. Indications, complications, sinistralité et prévention : tout savoir sur cette méthode avec Michel Baussier, docteur vétérinaire.
Chez le veau, notamment le jeune veau, il permet l’administration en quelques secondes de 2 à 3 litres de liquide, soit de colostrum à la naissance en prévention des maladies infectieuses, notamment des gastro-entérites néonatales, soit de solutés divers dans le cadre de la réhydratation orale du veau diarrhéique, en complément éventuel de perfusions intraveineuses.
Chez l’adulte, plus encore chez la vache laitière que chez la vache allaitante, il permet l’administration très rapide et certaine dans le rumen (en quelques minutes) de 20 à 50 litres de solutés, le plus souvent lors d’affections métaboliques ou pour leur prévention après le vêlage.
Cette technique, pratiquée certes de longue date, connaît un essor depuis ces toutes dernières décennies.
Cet engouement et la généralisation de cette technique explique son apparition en bonne place dans les rapports annuels des sociétés d’assurances au titre des sinistres déclarés et le plus souvent indemnisés.
Jules JEANNOT, dans sa thèse de doctorat-vétérinaire, récemment soutenue, cite 2% de complications chez le veau, 1% chez l’adulte.
Les déclarations de sinistres interviennent essentiellement pour l’adulte.
Il est vraisemblable que, eu égard à la généralisation de cette pratique, la sinistralité ne présente pas de caractère d’exception. Il nous a toutefois paru utile d’attirer l’attention des confrères sur ce risque. L’évènement indésirable grave est d’autant plus mal perçu, quand il se produit, que cette technique, notamment chez le veau, est tout de même assez fréquemment mise en œuvre par les éleveurs eux-mêmes et donc banalisée. L’échec n’est dès lors pas pardonné à l’homme de l’art.
Le drenchage est une excellente méthode de réhydratation et d’apport d’éléments électrolytiques, énergétiques, nutritionnels. C’est un excellent complément des traitements médicaux et chirurgicaux et, dans nombre de cas, un bon moyen de prévention d’affections métaboliques de la vache laitière haute productrice. Son intérêt n’est plus à démontrer.
Il n’est donc pas question ici de chercher à en réduire son utilisation, il s’agit simplement de la sécuriser davantage.
A lire aussi :
Déclaration et suivi des événements indésirables graves : quelles nouveautés ?
Sur le site MACSF Exercice professionnel : Rapport annuel sur la sinistralité des vétérinaires en 2018
Schématiquement les complications se divisent, dans un tiers des cas en lésions pharyngo- œsophagiennes, imputables à un geste par trop brutal ou une contention insuffisamment assurée et, dans deux tiers des cas, en fausses déglutitions, imputables chez l’adulte à un défaut de la procédure de contrôle du bon positionnement de l’about de la sonde.
Ce sont essentiellement les fausses déglutitions, suivies de mort de l’animal, qui donnent lieu à déclaration.
Les drencheurs commercialisés pour veaux (faits d’un bidon plastique de deux litres environ raccordé à une sonde assez courte comportant une partie semi-rigide) sont parfaitement adaptés à l’utilisation sur le veau debout. Ils permettent un positionnement de la sonde dans la partie cervicale de l’œsophage.
L’utilisation d’une sonde œsophagienne souple, sur l’animal debout ou couché, permet un apport liquidien en partie œsophagienne distale ou directement dans l’estomac.
Quel que soit le matériel utilisé, qui doit être de bonne qualité, lisse, sans aspérités en ce qui concerne les parties en contact avec le pharynx et l’œsophage, il faut combiner souplesse, douceur et doigté (adaptation de l’opérateur à la déglutition de la sonde) pour l’introduction de la sonde, avec une contention faite simplement de contact étroit et permanent de l’opérateur avec le corps de l’animal.
Les réactions de l’animal doivent être observées avec attention lors de l’écoulement du liquide dont la vitesse est ajustée au comportement de l’animal.
S’il est certes possible de réaliser le drenchage avec une sonde œsophagienne souple introduite dans un spéculum ou avec le concours d’un pas-d’âne, nous ne saurions trop encourager les vétérinaires à adopter dans tous les cas un matériel spécifiquement adapté et parfaitement contrôlé et entretenu (pompe de drenchage, sonde souple, spéculum attaché à une pince mouchette), l’animal étant de préférence contenu au cornadis et sa tête n’étant ni excessivement en extension ni surtout fléchie latéralement.
La progression de la sonde dans l’œsophage cervical peut être perçue visuellement à gauche.
Un contrôle (olfactif et sonore) du positionnement intra-ruminal est hautement recommandé.
Ici aussi les gestes, sans la moindre brutalité, doivent accompagner l’animal avec à la fois souplesse et réactivité.
Il faut se familiariser avec ce matériel quand il est nouveau. Avant de pratiquer cette technique pour la première fois, il faut l’avoir vu mettre en œuvre par un confrère (nombreux vidéo-films disponibles sur internet : en voici un exemple.
La SNGTV propose des formations aux confrères, il ne faut pas hésiter à les suivre. Elles offrent l’intérêt d’aller bien au-delà de la technique d’administration des liquides en amenant les confrères à s’intéresser aux indications étendues et aux formules de solutés disponibles.
Jeannot Jules – Les pratiques de drenchage en élevage bovin, enquête auprès des vétérinaires du Doubs et du Jura. Thèse doctorat vétérinaire, Lyon, 2017.