Les process mis en place au bloc opératoire permettent des prises en charge sécurisées pour les patients. Il convient néanmoins de rester vigilant chaque fois qu’une action d’amélioration est mise en œuvre : information et/ou formation sont nécessaires pour s’approprier les bonnes pratiques. Illustration avec le cas d’un jeune patient présentant des brûlures dans les suites de l’exérèse d’une fistule sacrococcygienne.
Mr F., 21 ans, présente une infection chronique au niveau supérieur de son Sillon Inter Fessier (SIF) ; son médecin traitant l’oriente vers un confrère chirurgien viscéral pour avis chirurgical. Ce dernier diagnostique une fistule sacrococcygienne et pose l’indication d’un traitement chirurgical. Il demande une échographie pour confirmer le diagnostic.
Le jeune patient revoit le chirurgien après réalisation de l’échographie qui confirme l’indication opératoire d’une cure chirurgicale de kyste sacrococcygien (KSC).
Mr F. bénéficie d’une consultation d’anesthésie qui ne relève pas de contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale.
Il est pris en charge au bloc opératoire 10 jours plus tard. L’intervention chirurgicale se déroule en décubitus ventral sans difficulté technique particulière : mise à plat et excision de la fistule, hémostase..., et c’est à ce moment qu’une fumée apparait, venant de dessous le champ opératoire. Le chirurgien demande alors du sérum physiologique pour arroser abondamment afin d’éteindre le potentiel début d’incendie. Il n'y a alors plus de fumée. L’hémostase est finalisée, le méchage de la cavité est réalisé, ainsi que le pansement.
Le patient est remis sur le dos, et l’équipe constate alors que le malade présente des brûlures de la face supéro-interne des 2 cuisses. Le champ de protection de table est également brulé au niveau des brûlures du patient.
Mr F. est transféré en Salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) et installé à un poste de surveillance. Il est demandé à un chirurgien plasticien, présent au bloc opératoire, de venir évaluer la profondeur et l’étendue des brûlures : il est calculé une surface corporelle de 3 % brûlée, et une profondeur estimée au 2e degré profond minimum, limite 3e degré…, patient à revoir dans 2 à 3 jours pour statuer définitivement.
Un traitement par Flammazine® est instauré, et un rendez-vous est prévu avec le chirurgien plasticien 3 jours plus tard. La sortie est néanmoins validée par l’équipe médico-chirurgicale et un courrier est rédigé pour le médecin traitant pour relater l’incident et préciser les préconisations de traitement et de suivi. Une ordonnance, qui précise les soins locaux du KSC et des brûlures à réaliser à domicile, est également rédigée.
Les suites de cet accident peropératoire : le patient sera revu par le chirurgien plasticien à deux reprises et devant l’évolution des brûlures, Mr F. sera orienté, avec son accord, vers le centre des brûlés du secteur.
Les spécialistes consultés proposeront un traitement chirurgical des brûlures : excision et greffes de peaux fines. Le suivi de ce traitement sera long avant consolidation.
Cet événement indésirable a eu comme conséquences :
Le courrier adressé à la Direction Générale de l’établissement de santé et transmis au coordinateur de la gestion des risques de la structure a retenu l’attention des professionnels chargés de la sécurité des soins : il convient de comprendre comment cet événement a pu se produire, identifier les causes racines, les comprendre et trouver éventuellement les actions de prévention à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents médicaux.
L’équipe chirurgicale qui a constaté une fumée et donc le début d’incendie.
En résumé :
La brûlure constatée est potentiellement liée à une mauvaise utilisation de l’antiseptique sélectionné et du générateur haute fréquence : le reliquat versé sur la zone opératoire s’est collecté sur le champ plastifié : l’évaporation de cette collection a généré une source inflammable. Cette évaporation du produit alcool et l’arc électrique du bistouri conjugués sont très vraisemblablement à l’origine de l’incendie.
Le partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM évoque des actions correctrices concernant les bonnes pratiques d’utilisation des antiseptiques et des risques induits :
Cette analyse montre que les défauts de communication peuvent être à l’origine d’événement indésirable évitable.
Prendre le temps d’organiser des temps d’échanges permettrait d’identifier et connaître les vulnérabilités pouvant générer de mauvaises pratiques à l’origine d’erreurs.
Il convient de rappeler que chaque minute accordée à une démarche de prévention des risques est un investissement qui rapporte beaucoup pour les patients, et en seconde intention aux professionnels de santé – concept de seconde victime(3).
Pour aller plus loin
1 - Antisepsie de la peau saine avant un geste invasif chez l’adulte - Recommandations pour la pratique clinique - Mai 2016
2 - Comment gérer les risques associés à l’utilisation du bistouri électrique ? HAS -Novembre 2018
3 - IDE seconde victime - B.Frattini - MACSF
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