Choc anaphylactique alimentaire en rééducation pédiatrique

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Choc anaphylactique alimentaire en rééducation pédiatrique

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page
  • Choc anaphylactique

Un enfant de 6 ans est pris en charge en hôpital de jour suite à une fracture articulaire déplacée de l'olécrane. Il fera un choc anaphylactique alimentaire dans le service de pédiatrie.

Auteur : Bruno Frattini, Expert en prévention des risques / MAJ : 11/02/2020

Anamnèse

Arnaud, 6 ans, fait du vélo tout terrain avec son papa en forêt. Cet enfant "un peu tête brulée" fait le choix de prendre un trajet accidenté et chute lourdement sur son bras gauche. Immédiatement, il se plaint d’une douleur importante. Le père semble détecter une déformation du membre supérieur au niveau de son coude et il est surtout alerté par la description de la douleur de son enfant plutôt "dur au mal" habituellement.

Il appelle les pompiers avec son téléphone portable et le petit garçon est pris en charge par ces professionnels pré-hospitaliers. Ils placent une immobilisation sur l’ensemble du membre supérieur et transfèrent l’enfant vers un service d’urgence pédiatrique.

Le praticien qui le prend en charge retrouve la déformation et constate un déficit neurologique du nerf cubital. Il demande immédiatement un avis chirurgical et, en attendant que le chirurgien arrive, fait réaliser des radiographies du membre supérieur face et profil.

L’imagerie médicale objectivera bien une fracture articulaire déplacée de l’olécrane, une lésion de Monteggia associée est écartée. Le chirurgien propose au papa de réaliser immédiatement une réduction de la fracture sous anesthésie générale au bloc opératoire et le prévient également qu’une ostéosynthèse sera peut-être nécessaire si la réduction est instable.

Le père de l’enfant accepte les soins proposés et prévient son épouse de la situation. Cette dernière arrive à l’hôpital pour être aux côtés de son fils. La présence des 2 parents permet de faire signer l’autorisation d’opérer aux 2 responsables parentaux.

L’enfant est transféré en service de pédiatrie et il est préparé pour le bloc opératoire. L’anesthésiste arrive dans le service rapidement pour réaliser la consultation pré-anesthésique. Le petit patient ne présente aucun antécédent chirurgical. Concernant les antécédents médicaux, la maman décrit une allergie à l’arachide et précise que son enfant a déjà fait 2 chocs anaphylactiques (1 pris en charge par le SAMU pédiatrique et le second par elle avant l’arrivée du SAMU puisqu’elle est détentrice d’un stylo auto injectable d’Adrénaline®. Elle a bénéficié d’une séance d’éducation thérapeutique en secteur allergologie avec son fils).

Au bloc opératoire, le chirurgien arrive à réduire la fracture déplacée mais, après plusieurs contrôles radioscopiques, prend la décision de positionner trois broches percutanées pour stabiliser le fragment osseux. Le contrôle scopique est satisfaisant et il pose un plâtre du bras et de l’avant-bras.

Il propose de garder le jeune garçon pour la nuit et de réaliser un contrôle radiologique le lendemain avant sa sortie. Les parents acceptent. Cette vérification retrouve un fragment osseux en bonne place et le jeune patient rentre chez lui avec un traitement antalgique à la demande. Il sera revu à 30 jours.

Lors du contrôle à J30, le plâtre est enlevé. Le contrôle radiographique montre une réduction de fracture satisfaisante. Le chirurgien contre indique la pratique du sport pendant 2 mois et prévoit de revoir le jeune garçon dans 2 mois.

Lors de la consultation à J90, le chirurgien constate une raideur inhabituelle de l’articulation. Il propose d’enlever les broches, de faire une arthrolyse douce sous anesthésie générale et une prise en charge en hôpital de jour de rééducation, service spécialisé en traumatologie, sur la base de 2 séances par semaine pendant 6 semaines pour commencer, voire plus si le médecin rééducateur le pense utile. La maman est assez inquiète de cette nouvelle et accepte les soins de rééducation.

La maman accompagne son enfant en rééducation, les mercredis après-midi et les vendredis après-midi, demi-journées qui permettent une scolarité la moins perturbée possible.

Lors de l’accueil du jeune malade dans le secteur, un dossier patient est ouvert par l’équipe des secrétaires médicales et complété par l’équipe paramédicale et médicale. L’allergie à l’arachide est bien signalée et tracée.

Les soins de rééducation se passent pour le mieux. Le jeune Arnaud récupère et progresse régulièrement. Le médecin rééducateur référent estime qu’une progression est encore possible et propose 6 semaines de soins supplémentaires. Il reçoit la maman dans le box de consultation à côté du plateau technique.

Pendant l’entretien, le praticien est appelé par la kinésithérapeute qui s’occupe du jeune patient décrivant des signes cliniques inexpliqués. Le médecin en informe la maman et ils vont ensemble voir le jeune garçon. Elle trouve son fils qui présente une difficulté importante pour respirer, avec un tableau clinique évoquant une crise d’asthme associée à un visage gonflé (lèvres, paupières). Elle demande si son fils a mangé quelque chose. La kiné qui réalise les soins lui indique qu’une autre maman lui a donné deux cookies il y a une quinzaine de minutes.

La maman prend alors dans son sac un stylo auto injectable d’Adrénaline® et lui administre la dose préparée dans le dispositif médical. Le médecin fait venir le chariot d’urgence du service d’hospitalisation voisin ; l’enfant est mis sous oxygène et surveillé jusqu’à l’arrivée du SAMU, appelé par le praticien.

Le petit patient est transféré au service des urgences le plus proche. Les signes cliniques constatés régressent, et l’enfant rentrera à son domicile en début de nuit. Le médecin urgentiste préconise un repos à domicile pendant 48 heures.

Conséquences

Cet incident a eu comme conséquences :

  • la prise en charge d’une urgence vitale, considérée par la maman comme évitable,
  • un passage en secteur d’urgences considéré comme évitable par la famille,
  • la gestion difficile d’une maman très mécontente dans un contexte émotionnel très important,
  • une absence du milieu scolaire de 48 heures,
  • la mise en cause de l’équipe soignante par les parents, avec une demande d’explications sur la genèse de l’incident,
  • un débriefing nécessaire pour l’équipe soignante qui a très mal vécu cet incident et surtout la mise en cause immédiate de la maman.

Analyse des causes

Cet incident, inédit pour ce service, a été déclaré par le médecin rééducateur. L’exploitation de la fiche de déclaration d’événement indésirable par le groupe de professionnels chargé de la veille a retenu leur attention : cette erreur les questionne et ils souhaitent connaître les raisons qui l’ont générée, les comprendre et trouver éventuellement des actions de prévention à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise.

Une analyse de risque a postériori  est donc réalisée par
le gestionnaire de risques de l’établissement.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.

Cause immédiate

  • C’est la mère qui a fait le diagnostic de choc anaphylactique et qui a administré l’Adrénaline®.

Causes profondes

Barrière qui a détecté l'incident

  • Atténuation : la kinésithérapeute qui a déclenché l’alerte.
  • Récupération : la kinésithérapeute qui avait observé que l’enfant avait accepté les biscuits.
  • Atténuation : c’est la mère de l’enfant qui a fait le lien entre les cookies ingérés et les signes cliniques et qui a administré le traitement médicamenteux de première intention. C’est le praticien qui a alerté le SAMU.

Barrières qui n'ont pas fonctionné et qui ont permis l'incident

  • Prévention : non-respect de la consigne sur les denrées alimentaires.
  • Prévention : prise en charge de l’urgence : le chariot ad’hoc n’avait pas été acheminé dès les premiers signes cliniques.
  • Prévention : pas de mesures conservatoires prises, notamment pour les difficultés respiratoires.

Les pistes de réflexion et/ou d’amélioration

Lors du partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM, il a été identifié des actions d’amélioration à mettre en œuvre concernant l’organisation des soins et la communication à destination des patients.

Mais cet incident a aussi et surtout suscité une discussion sur le fait que la maman s’est autorisée de manière unilatérale à administrer un traitement médicamenteux à son enfant sans concertation avec le médecin présent.

Hormis la compréhension d’une situation exceptionnelle et hyper stressante pour cette mère, la question de responsabilité pour la structure a été débattue entre professionnels et surtout au niveau de la direction générale de l’établissement.

La disposition consistant à mettre sous séquestre les médicaments détenus par les patients et/ou leurs proches n’a jamais été envisagée pour les patients en hôpital de jour. C’est une question qui sera à rediscuter, en COMEDIMS par exemple.

De plus, pour cette situation spécifique, il est fort probable que la maman n’aurait pas déclaré la seringue auto injectable d’Adrénaline® puisque c’est un dispositif qu’elle a constamment sur elle.

Ce qui a été retenu par l’assureur de l’établissement, c’est que ce dernier n’était pas à l’origine de cette administration et que sa responsabilité aurait été difficilement engagée.

Le juge aurait-il eu cependant la même position si une procédure judiciaire avait été engagée ?

Il a également été retenu que le traitement initié par la maman était adapté à la situation.

Pour les autres actions d'amélioration :

Organisation des soins

  • Rappeler le principe retenu par l’établissement de n’accepter sous aucun prétexte des denrées alimentaires par un autre fournisseur que celui de la structure de soins.
  • Rappel à tous les professionnels l’obligation de signaler les allergènes à déclaration obligatoire (réglementation du 1er juin 2009).
  • Prendre en compte les besoins de formation des équipes sur la prise en charge des urgences.
  • Réfléchir sur l’acquisition d’un chariot d’urgences pour le plateau médico-technique ; plusieurs valeurs ajoutées ont été envisagées :
  1. Sa présence dans le secteur et sa vérification quotidienne permettraient à tous les professionnels d’y penser plus spontanément en cas de prise en charge d’une urgence.
  2. Sa maintenance permettrait aux professionnels de connaître sa dotation et connaître les principes d’utilisation de certains dispositifs et/ou médicaments.

Actions à destination des patients et de leur famille

  • Sensibiliser les patients et leur famille sur les risques induits liés aux produits alimentaires >> livret d’accueil et affichage dans les secteurs de soins.

En conclusion

Une analyse qui conduit encore les professionnels à mettre en œuvre des actions d’amélioration pour un secteur de soins où les patients sont stabilisés et où les risques sont a priori à un bon niveau de maîtrise.

Et pourtant, des événements indésirables surviennent. D’où l’importance de la prise en charge globale du patient au-delà du soin pour lequel on est expert. Le seul soin pour lequel on est sollicité n’est pas toujours à l’origine de l’événement indésirable. Il convient d’être particulièrement vigilant sur les risques associés, notamment sur les antécédents du patient trop souvent occultés.