Tous les soins invasifs sont porteurs de risques. Les connaître permet de les prendre en compte et ainsi de construire des plans de soins incluant des actions de prévention. Cette démarche, basique et simple, évite des complications avec des conséquences importantes pour les patients.
M. L. bénéficie d’une consultation spécialisée auprès d’un otorhinolaryngologiste (ORL) pour des angines à répétition. Ce jeune homme de 22 ans a présenté 4 épisodes infectieux cet hiver… Le médecin généraliste lui a recommandé de voir un praticien spécialisé pour un avis sur une potentielle intervention chirurgicale, pour des périodes hivernales plus confortables.
Lors de la consultation, le praticien retrouve une hypertrophie amygdalienne avec un score de 3 dans la classification de Friedman. Quelques cryptes sont observées sans processus infectieux. L’interrogatoire objective de multiples épisodes d’infections amygdaliennes depuis près de 4 années.
Devant ces éléments, il propose un traitement chirurgical au patient, que ce dernier accepte.
La consultation d’anesthésie ne relève aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale. La pré-admission est faite conformément à la demande du chirurgien. Le principe d’une hospitalisation conventionnelle avec une nuit en établissement de santé est retenu.
Le jour de l’intervention, M. L. est pris en charge au bloc opératoire. Les différentes étapes de son parcours s’enchaînent les unes derrière les autres. L’intervention se déroule sans difficulté. Il sort de la salle de surveillance post-interventionnelle 2 heures plus tard.
La nuit se passe sans complication, avec une douleur gérée avec des antalgiques de palier 2.
Le lendemain de l'intervention, le chirurgien valide la sortie comme prévu et préconise une prise en charge avec un groupe d’infirmières libérales qui travaille avec la structure d’hospitalisation, ceci pour une meilleure gestion de la douleur.
Le patient rentre à domicile et bénéficie d’une prise en charge de médecine de ville : mise en place d’un diffuseur pour l’Acupan® et surveillance postopératoire biquotidienne. Le cathéter périphérique qui permet d’administrer les thérapeutiques est celui posé au bloc opératoire ; il a été préservé avec un obturateur.
À J2 du retour à domicile, le patient signale une douleur au niveau du point de ponction. L’IDE du jour constate une rougeur, vérifie la bonne perméabilité de la voie veineuse, note son constat dans le dossier de soins.
À J4, le point est fait par une seconde IDE qui retrouve la rougeur au point de ponction, avec une perméabilité de la voie veineuse conservée. Elle change le pansement ; le patient précise qu’il a une légère douleur. Le cathéter est maintenu en place.
À J6, une troisième IDE passe faire la tournée de soins et constate un point de ponction très inflammatoire, le patient signale une douleur intense. Elle procède à l’ablation du cathéter et contacte le médecin prescripteur qui valide la préconisation de terminer le traitement par voie per os puisque le patient cote sa douleur au niveau de la gorge à 2/10.
Le lendemain, malgré le retrait du cathéter, la douleur reste intense et le patient cote sa douleur à 8/10 malgré la prise d’antalgiques et la mise en place d’un pansement alcoolisé.
Il contacte l’IDE qui lui a retiré le cathéter, qui lui conseille de consulter aux urgences au plus vite car il signale que sa température est de 39°8 C et que la main a doublé de volume.
Le praticien aux urgences évoque une veinite avec un début de septicémie. Il demande également un échodoppler du membre supérieur qui retrouve une thrombose de plusieurs centimètres. Une hospitalisation est devenue nécessaire pour initier les traitements antibiotiques et anticoagulants.
Cette complication n’a pas engagé le pronostic vital du patient, mais cet événement indésirable est considéré comme grave (EIG) car une hospitalisation a été nécessaire pour initier un traitement. Les conséquences :
Les suites de cette complication, après la mise en œuvre des traitements, ont été finalement favorables. Mais elles ont été difficilement acceptables par les professionnels de santé impactés par cet EIG. Ces derniers ressentent un sentiment de culpabilité.
Devant ces éléments et le fort mécontentement du patient qui demande des explications sur les raisons d’un défaut de surveillance allégué, les professionnels de santé demandent l’aide de la structure régionale d’appui pour analyser les circonstances de la survenue de cette complication ainsi qu'une évaluation externe pour une objectivité maximale.
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre le mécanisme de cet événement et d’en éviter le renouvellement.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé (médico-soignants et administratifs) qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents tracés dans le dossier patient informatisé.
C’est le diagnostic du médecin urgentiste qui a permis de détecter cette complication.
Malgré cet EIG, les conséquences pour le jeune patient sont médicalement maîtrisées :
Néanmoins, on peut relever :
Partant de ce constat, il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
Thématique problématique, car les professionnels ont peu de temps pour la rédaction de procédures. Le sujet est néanmoins pris en compte car la rédaction et la mise à jour des procédures permettraient de partager les évolutions de pratiques de soins entre les soignants.
Restera à déterminer le lieu de stockage de ces documents pour qu’ils soient consultables à distance.
Il a été décidé de faire un groupe sur une application sécurisée permettant l’envoi de messages et de photos.
Cette solution simple et gratuite est possible car chaque professionnel possède un téléphone portable.
Ses avantages :
Ce point n’est pas retenu, car l’impact financier est trop important.
Une évolution sera possible dans l’avenir si le cabinet intègre une maison de santé.
Leur système d’information permettrait la communication des informations entre les différents métiers de médecine de ville.
La communication entre les différents acteurs de santé doit être optimale pour fiabiliser les prises en charge de malades en ville, quels que soient les vecteurs utilisés.
Cette démarche novatrice pour ce groupe de professionnels libéraux leur permet d’entrevoir une autre perspective de travail en équipe, même s’ils ont souvent l’impression d’exercer en solitaire.
La sécurité des soins s’en trouverait renforcée.