Les oublis de soins sont rares, évitables et surtout souvent liés à des problématiques organisationnelles. Intégrer les facteurs humains dans les démarches de prévention des risques doit permettre d’améliorer la sécurité des soins et, de manière induite, d'augmenter la performance des systèmes de santé.
Mme K., 84 ans, est suivie par l’équipe d’oncologues depuis plusieurs semaines. Elle présente un cancer du sein – carcinome mammaire infiltrant – pour lequel elle a bénéficié d’une chirurgie d’exérèse élargie de la tumeur. La deuxième étape de sa prise en charge oncologique retenue en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire est la mise en route d’une chimiothérapie adaptée à son profil d’âge.
Le dossier médical précise que cette malade ne présente aucune autre pathologie médicale et de fait, pas de traitement médicamenteux. On relève dans ses antécédents chirurgicaux la pose d’une prothèse totale de genou.
Du fait de son âge, la première séance de chimiothérapie est réalisée en hôpital de semaine, et les autres séances sont prévues en hôpital de jour.
La première séquence de chimiothérapie est assez bien supportée par la patiente, et la sortie pour un retour est décidée par l’équipe médicale en concertation avec la famille de la malade. Une ambulance est commandée pour 10 h le lendemain matin.
L’équipe paramédicale prépare donc Mme K. pour l’arrivée du transport sanitaire. Le médecin en charge de la patiente demande un examen d’imagerie médicale – radiographie pulmonaire - avant son départ et précise à l’infirmière qu’il a obtenu un créneau à 9 h 15, juste avant sa sortie. La patiente, habillée en tenue de ville, est accompagnée par un brancardier en radiologie.
À son retour, elle est prise en charge par les ambulanciers qui sont arrivés avec un peu d’avance, avec l’accord de son infirmière référente. Elle rappelle néanmoins à Mme K. que la prochaine séance de chimiothérapie aura lieu 3 jours plus tard. Le retour à son domicile, EHPAD, est sans encombre : elle est accueillie par l’infirmière de l’établissement qui fait un point avec elle et l’installe dans sa chambre.
3 jours plus tard, première séance de chimiothérapie en hôpital de jour, elle arrive dans le secteur de chimiothérapie et est prise en charge par son infirmière référente du jour. Elle reprend le dossier et liste les différents points de vérification avant mise en route du traitement, et plus particulièrement la chambre implantable sur laquelle elle doit connecter la ligne de perfusion pour administrer le traitement anticancéreux. Elle constate alors qu’une aiguille de Huber est déjà en place. Elle questionne la patiente qui explique que c’est l’aiguille posée la semaine dernière lors de sa première séance de chimiothérapie.
L’infirmière consulte le dossier de la patiente, et effectivement ne retrouve pas la traçabilité de l’ablation du dispositif.
Elle le signale à l’oncologue en charge des chimiothérapies du jour, qui préconise de retirer le dispositif, de réaliser un rinçage de la chambre et de prélever un bilan biologique pour vérifier l’absence de signes infectieux – NFS, VS et CRP. Il attend les résultats avant de confirmer l’administration du traitement, car ce dernier a été préparé par l’Unité de Reconstitution des Chimiostatiques. Il est donc mis en attente.
L’infirmière précise que le pansement est souillé, mais ne relève aucun signe local d’infection : le tissu cutané est sain macroscopiquement. La patiente est normotherme, le bilan est prélevé… rien cliniquement ne fait évoquer un tableau évocateur de syndrome infectieux.
Finalement, les résultats du bilan biologique transmis par le laboratoire sont sans particularité, la décision d’administrer la chimiothérapie est validée.
Devant les impacts d’une possible infection, l’oncologue rédige une feuille de déclaration d’événement indésirable
Il est proposé à l’équipe, par le Coordonnateur de la Gestion des Risques Associés aux Soins, de préparer, avec l’aide méthodologique du Département de la Qualité et de la Gestion des Risques liés aux Soins, une analyse de causes, avec les personnels du service d’oncologie et d’hospitalisation médicale de jour.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : un recueil a été réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents tracés dans le dossier patient informatisé et recherche des recommandations inhérentes à ce type de situation.
C’est l’infirmière de l’hôpital de jour d’oncologie qui a détecté cet événement indésirable lors de la prise en charge de la patiente.
Les conséquences de cet incident pour la patiente ont été finalement modérées et peuvent se résumer par :
Les résultats de l’analyse de cet événement indésirable montrent que les compétences techniques des professionnels de santé ne sont pas mises en cause.
Une nouvelle fois, la genèse de cet incident repose essentiellement sur des défaillances de compétences non techniques.
Le briefing de début de journée doit pouvoir se faire avec l’ensemble de l’équipe soignante pour garantir un niveau d’informations uniforme et permettre de lister collectivement les points de vigilance à ne pas oublier.
Revoir le paramétrage du dossier patient informatisé pour obtenir un détail des actions de soins à réaliser ; pour exemple, la sélection d’un item sortie du patient devrait pouvoir planifier de manière semi-automatique un nombre d’actes nécessaires à la sécurisation de la prise en charge du patient.
Ce point est régulièrement discuté entre les managers. Cette prise en compte permettrait d’évaluer de manière plus fine le temps nécessaire à toutes actions afférentes aux soins et faciliterait :
Les charges de travail lourdes doivent alerter les professionnels de santé, car ce sont des contextes propices aux erreurs et aux défaillances souvent collectives.
Comme souvent dans les organisations en santé, la non prise en compte des temps nécessaires à préparer collectivement les planifications de soins nuit à la sécurité des prises en charge, et ce quel que soit le secteur d’activités.