Les erreurs médicamenteuses n’ont pas toujours de graves conséquences.
Mais les prendre en compte, les analyser, et construire les barrières pour éviter leur reproduction reste une démarche de prévention des risques, nécessaire pour garantir une sécurité des soins optimale. La prise en compte des nouveaux arrivants et des jeunes professionnels dans le domaine du médicament est déterminante.
Mme P. est admise en maternité pour terme dépassé de sa grossesse...
Cette parturiente de 38 ans, est suivie par son obstétricien dans un contexte de grossesse précieuse. Cette jeune femme a le bonheur de porter son premier enfant dans une démarche de Procréation Médicale Assistée (PMA).
La grossesse s’est déroulée sans particularité. Elle est dans un contexte de grossesse prolongée puisque son terme est supérieur à 41 semaines d’aménorrhée (41 SA). Elle bénéficie, à la demande de l’obstétricien, d’un suivi renforcé : elle est vue par une sage-femme (SF) dédiée aux explorations fonctionnelles, à une fréquence de 3 consultations par semaine depuis le terme de 40 SA.
Cette surveillance consiste en l’analyse visuelle du rythme cardiaque fœtal (RCF), d’une recherche d’un oligoamnios par échographie et d’un examen obstétrical afin d’apprécier les conditions cervicales.
Lors de la consultation réalisée à 41 SA + 2 jours, la SF refait un point avec l’obstétricien, et devant un col qui reste inchangé (fermé, non perméable au doigt avec la partie supérieure restant tonique), il est proposé à la patiente un déclenchement. Cette dernière, après en avoir discuté avec son conjoint, accepte. Le déclenchement est planifié 2 jours plus tard, soit à 41 SA + 4 jours.
Elle est donc admise en secteur naissance, dans un lit de pré-partum. Une voie veineuse périphérique est installée et elle bénéficie de la pose d’un Propess® vers 9 h 30. La SF en charge du déclenchement lui explique qu’elle va venir la voir toutes les heures et que si elle a des contractions, elle dispose d’un appel patient pour prévenir…
Vers 12 h 30, Mme P. active l’appel patient, et la SF est prévenue que les premières contractions sont là, confirmées par le partogramme mis en place. L’examen du col montre qu’il s’est modifié, effacé - perméable à 2 doigts. Il est alors décidé de l’installer en salle de naissance pour suivre le travail de manière continue.
Le médecin anesthésiste (MAR) est appelé pour la pose d’une péridurale, car les contractions augmentent en fréquence et en intensité douloureuse. Elle est installée rapidement, et les produits analgésiques administrés pour arriver à un niveau de confort satisfaisant et une évaluation de la douleur à 2/10. Il est 13 h 05.
La SF refait un point clinique, le col est maintenant dilaté à 5 cm…
A 13 h 25, l’alarme du monitoring se déclenche (bradycardie fœtale)… la SF se rend immédiatement auprès de la parturiente, et constate une hypertonie utérine et une hypercinésie de fréquence, avec ralentissement prolongé du rythme fœtal.
La SF demande alors à l’Infirmière (IDE) qui l’accompagne d’aller chercher rapidement la seringue de Nitronal® et de lui administrer 100 mcg de principe actif…
Pendant ce temps, elle met la parturiente sur le côté gauche, et débute une oxygénothérapie au masque…
L’IDE va donc chercher la seringue préparée selon la procédure du service, avec une dilution à 100 mcg/ml. Elle administre la seringue du médicament en totalité, soit 10 fois la dose. La SF s’en rend compte immédiatement en voyant la seringue vide. Elle prévient aussitôt le MAR et prérègle le moniteur de surveillance pour lancer la prise de pression artérielle non invasive toutes les minutes.
Le MAR arrive sur place, et l’hypotension provoquée par le surdosage de Nitronal® sera corrigée avec de l’Ephédrine® à doses titrées. Le gynécologue-obstétricien a également été prévenu de la situation.
Au final, cette erreur de posologie a été sans conséquence grave pour la patiente et son enfant. La tension artérielle de la future maman est contrôlée, et le RCF se normalise…
Le reste du travail ne montre pas d’autre événement indésirable : la dilation complète du col est objectivée vers 14 h 30 et le nouveau-né naît à 14 h 46 après 3 efforts expulsifs. Le petit garçon pèse 3340 g et mesure 52 cm.
Cette erreur médicamenteuse, classée comme événement indésirable sensible, aura eu comme conséquences :
Même si cette erreur médicamenteuse a été atténuée par une excellente réactivité des professionnels présents, elle a été difficile à gérer par l’IDE, surtout a posteriori. De plus, l’annonce de cet événement indésirable au sein de l’équipe a généré de nombreuses réactions. Certaines professionnelles ont pris conscience que cela aurait pu les impacter de la même façon.
Devant les réactions de l’équipe soignante de l’unité, la responsable et le MAR sollicitent une analyse approfondie du contexte ayant permis cette erreur.
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre le mécanisme de cet événement et d’éviter de renouveler ce type d’incident dans l’avenir.
Une analyse de risque a posteriori est donc réalisée.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à cette erreur seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.
Cause immédiate
C’est le constat de la seringue entièrement vide qui a alerté la SF, qui a permis de comprendre la situation et de mettre en œuvre des barrières d’atténuation.
Causes profondes
Les conséquences de cet Événement Indésirable Grave (EIG) pour la patiente ont été médicalement maîtrisées :
Partant de ce constat, il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
Barrière qui a détecté l'incident
Barrières qui n'ont pas fonctionné et qui ont permis l'incident
Réflexions et/ou améliorations sur les organisations
Réflexions et/ou améliorations sur les procédures et protocoles de soins
Cette décision a pris en compte le temps de préparation du médicament, temps qui n’est pas supérieur au temps nécessaire pour ramener la seringue stockée dans la salle de soins.
De plus, il est décidé d'imprimer des étiquettes pour les seringues avec un libellé visuel plus aisé et uniforme, avec surtout la mention dilution plus claire.
Rappels sur les fondamentaux de la communication entre professionnels de santé
A partir de ce retour d'expérience, le gestionnaire de risque de l'établissement reprendra les règles de bonnes pratiques préconisée par la Haute Autorité de Santé.
Le principe de la reformulation par la personne qui a reçu la demande au demandeur doit être la règle, reformulation à voix haute avant la réalisation du soin pour obtenir une validation. Et ce, surtout dans un contexte d'urgence... (règle des 3 C : communication Claire, Concise et Ciblée).
L’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants dans un secteur est primordial pour maintenir un niveau optimal de sécurité.
Cette procédure doit être réfléchie et construite collectivement, avec la présence dans le groupe de travail de professionnels anciens et nouveaux, les anciens maîtrisant les organisations et les situations de soins, les nouveaux pouvant exprimer les difficultés rencontrées. C’est l’association de tous ces éléments qui permettra d’être efficient dans cette démarche.
L’approche systémique dans la construction d’une organisation est indispensable.
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