Mme F., 87 ans, est hospitalisée en Médecine depuis 2 jours. Elle a été admise pour altération de l’état général, orientée par son médecin traitant...
Cet Evénement Indésirable Grave aura eu comme conséquences :
Cette situation a suscité beaucoup d’émotion, mais également beaucoup de questionnement :
Une analyse de la situation a été demandée par le Directeur Général le lendemain, pour comprendre les tenants et les aboutissants de cet incident, qui a eu de graves conséquences pour la patiente, avec finalement une fin heureuse.
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’événement et éviter cela ne se reproduise dans l’avenir.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes constitutives seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Facteurs liés aux patients :
La patiente, hospitalisée pour un bilan de l’A.E.G., a comme seul antécédent des douleurs rhumatismales depuis plusieurs années.
Son âge est un critère à prendre en compte : son niveau d’autonomie est quasi normal pour les gestes quotidiens de la vie, mais certains mouvements sont difficiles pour elle.
En tout cas, le questionnaire d’entrée de la patiente n’a pas mis en évidence de risque médical particulier.
Concernant sa personnalité, cette malade était en pleine possession de ses moyens intellectuels, et n’avait aucune difficulté pour s’exprimer et se faire comprendre.
Les relations soignants-soigné étaient parfois difficiles : la patiente s’est plainte à plusieurs reprises de comportements qu’elle considérait comme infantilisants.
Facteurs liés aux tâches à accomplir :
La prise en charge demandée aux équipes paramédicales ne comportait aucune difficulté particulière ; cette patiente a été gardée à l’Hôpital une nuit supplémentaire pour palier à tout problème post-anesthésique et post-interventionnel, pour un acte qui n’avait pas présenté d’aléas. L’équipe médicale était dans une dynamique de sécurisation optimale.
La question de la protection de la patiente avec les barrières du lit relevées s’est posée. De nombreux professionnels pensent qu’elles étaient inutiles puisque la patiente n’en a pas à son domicile.
Concernant la planification de son examen d’endoscopie digestive, il s’avère que cette patiente aurait pu bénéficier de cet acte plus tôt dans l’après midi, ce qui aurait permis sa sortie le jour même. Des patients plus jeunes avaient été programmés avant elle. La validation du programme s’est faite sans concertation avec le service. Les patients d’ambulatoire ont été positionnés en début de vacation pour ne pas compromettre leur sortie. Les responsables de la programmation n’avaient pas la notion d’une sortie le soir même (absence de cette précision sur le logiciel de planification).
Pour ce qui concerne les modalités du reste de la prise en charge, aucune autre anomalie n’a été mise en évidence : des soins faits en temps et en heure respectant la planification montrent que la charge de travail était en cohérence avec les schémas d’organisation du service.
Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :
L’équipe paramédicale de nuit concernée est composée de professionnels ayant un retour d’expérience conséquent dans le service : 3 ans pour l’aide-soignante, poste qu’elle occupe depuis sa sortie de formation, et 2 ans pour l’infirmière. Ces professionnelles sont des soignantes reconnues pour la qualité de leur travail et une bonne connaissance des protocoles du service et des typologies de pathologies.
Facteurs liés à l’équipe :
Les membres de l’équipe paramédicale travaillent ensemble depuis 2 ans, et la cohésion entre professionnels est un critère observé par le cadre du service. Aucun problème n’a jamais été signalé durant ces 2 années.
La communication entre soignants et soigné pour cette patiente a toujours été courtoise, mais la personnalité de la patiente acceptant difficilement les contraintes est signalée dans le dossier de soins à plusieurs reprises.
Les transmissions ont été réalisées ; le contexte de la patiente était parfaitement connu de tous.
L’analyse des tâches à réaliser cette nuit-là n’a montré aucune anomalie, ni difficulté jusqu’à la découverte de la patiente inconsciente par terre.
La prise en charge de l’urgence par les professionnels de santé n’appelle pas de commentaire particulier. Toutes les mesures conservatoires ont été réalisées de façon coordonnée et dans une recherche permanente d’efficacité.
La présence du cadre de nuit pour gérer le conjoint à son arrivée a été considérée comme très positive. Les soignants auprès du patient ont pu être totalement disponibles pour l’urgence.
Facteurs liés à l’environnement de travail :
Les questions posées à la patiente, à distance de la prise en charge de l’urgence, mettent en évidence que l’appel patient ne fonctionnait pas selon ses dires.
Après vérification minutieuse et enquête auprès des soignants, il s’avère que le bouton d’appel présentait des pannes intermittentes plusieurs fois signalées aux services techniques qui ne retrouvaient pas le dysfonctionnement.
Cette nuit là, la patiente a voulu se lever pour aller aux toilettes. Les barrières relevées ne lui ont pas permis de sortir seule du lit. L’appel patient ne fonctionnant pas, et ne voulant pas souiller son lit avec cette urgence mictionnelle, elle a décidé de passer au-dessus des barrières. Ces rhumatismes ne lui ont pas permis de faire preuve de suffisamment d’agilité, et elle est alors tombée, en se cognant fortement la tête contre la table de chevet, générant un TC avec PC.
Facteurs liés à l’organisation et au management :
La procédure « fugue » de l’établissement est opérationnelle, et le partenariat avec les services de police est au niveau de collaboration attendu.
La procédure « urgence vitale » a également été testée lors de la prise en charge de cette patiente, et n’appelle pas de commentaire particulier. L’analyse du dossier montre une réactivité conforme aux attendus dans ce contexte clinique.
La procédure de planification des actes ou interventions réalisés au sein du plateau médico-technique de l’établissement montre un défaut de communication entre services.
Facteurs liés au contexte institutionnel :
Cet établissement de santé est organisé pour prendre en charge ce type de pathologie.
- Des barrières de lit relevées sans réelle justification, ne permettant pas à la patiente de garder une autonomie habituelle.
- Une planification de l’examen d’endoscopie digestive peu pertinente dans le parcours clinique de la patiente.
- Un appel patient signalé déficient à plusieurs reprises, mais qui n’a pas eu le niveau de réactivité et d’efficacité attendu de la part des services techniques de l’établissement.
L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux, paramédicaux et techniques à réfléchir sur les points suivants :
Pris séparément, ces 3 incidents peuvent être considérés comme mineurs. Mais leur association, dans un scénario plus qu’improbable, a failli coûter la vie à une patiente qui venait à l’hôpital pour un bilan de 2 jours.
Plus que jamais, cet exemple met en évidence que nos démarches doivent être réalisées dans une dimension systémique.