Hemmelgarn C, Hatlie M, Sheridan S & Daley Ullem B (2022). Who killed patient safety ? Journal of Patient Safety and Risk Management, 27(2), 56-58.
La sécurité du patient fête ses 22 ans, née à l’aube du millénaire, et elle est déjà presque oubliée, dépriorisée par les gouvernements, en perte de financement. Pourquoi cet état de fait ?
Le rapport de l’académie des sciences américaines (To err is Human) publié en 1999 estimait le nombre annuel de décès par erreur médicale entre 44 000 et 98 000 aux États Unis, avec un total de plus 400 000 patients par an subissant une grave erreur médicale.
A cette époque, les plans d’actions des politiques publiques de santé visaient le moins 10 % d’erreurs en 10 ans, et donnaient une priorité à la sécurité du patient dans toutes les décisions des politiques de santé. On célébrait les champions.
Aujourd’hui, on a l’impression que la communauté médicale a renoncé à la plupart des engagements pris à l’époque.
Les résultats ont uniquement progressé sur le versant prévention des infections (en anesthésie). Les autres objectifs n’ont jamais été atteints.
Une revue de pairs a été conduite par l’académie des sciences américaines en début 2022 justement sur ce sujet et sur les suites données du rapport de l’académie de 1999. La revue constate que les objectifs n’ont pas été atteints, que les progrès sont restés limités sur le sujet, bien plus que dans toute autre industrie, et que les choix actuels des politiques publiques ne garantissent en rien une amélioration quelconque de la situation dans le futur.
L’OMS a également intensifié sa politique sur le sujet, en essayant de mobiliser les états, en instaurant un jour mondial de la sécurité du patient (le 17 septembre), et en lançant en 2021 un grand plan d’action 2021-2030 (Global Patient Safety Action) avec 7 objectifs stratégiques.
Pour autant, on a plutôt le sentiment aux États Unis que le sujet est devenu secondaire. Beaucoup d’organisations qui étaient en support direct de la sécurité du patient ont maintenant d’autres priorités affichées, et d’autres investissements financiers prévus.
Les grands piliers historiques de la sécurité du patient (l’Institute for Healhcare Improvement, l’Agency for Quality in Healthcare, le National Quality Forum, la Joint commission, le Center for Medicare-Medicaid, et quelques autres) doivent se réinterroger urgemment sur leurs implications et leur part de responsabilité dans ce recul historique.
On parle bien plus de Covid, d’inégalités sociales (genres, races, pratiques sexuelles plus encore que le niveau de vie), de problèmes de sous-effectifs, de valeurs et pertinence des soins, que de sécurité des patients. Les termes erreurs et erreurs médicales ne sont même plus couramment employés, ni politiquement corrects. Ceux de résultats anormaux, de surprises, d’évènements patients leurs sont préférés sous le prétexte d’être techniquement plus corrects.
Les États-Unis sont encore pires que les autres nations sur ce changement de politique et de désengagement sur le sujet ; la transparence est toujours une valeur essentielle à plaider de même que l’engagement et la participation des patients. Or, la sous déclaration est pire qu’avant et la protection des avantages financiers de la profession plus grande que jamais.
Selon les auteurs, on est encore très loin du modèle de l’aviation et des outils et politiques publiques qui ont contribué à l’excellence de la sécurité aérienne, et on n’en prend pas du tout.