Purcell Jackson G., Tarpley J. How long it take to train a surgeon, BMJ, 2009, 339, 1062-64
Le temps nécessaire pour former un chirurgien resurgit comme un problème central avec la nouvelle réglementation sur la limitation du temps de travail des internes.
Le temps maximum autorisé réservé à la formation sur site hospitalier varie considérablement d’un pays à l’autre, de 37h / semaine au Danemark à 80h aux USA . La directive Européenne impose 48h maximum.
Aux USA, de nouveaux renforcements de la réglementation sont en préparation avec un soutien très actif des spécialistes facteurs humains du travail. Les gardes successives font baisser la vigilance, et favorisent une alcoolisation, avec des pertes d’habilités montrées par exemple dans les laparoscopies. Le problème est que la directive n’est pas sans effet pervers sur la formation. Les psychologues parlent de 10 années d’expérience et 10,000 heures de pratique pour atteindre un bon niveau, en médecine comme ailleurs. Si l’exposition se réduit, il faudra mécaniquement plus de temps, et notamment plus de 5 ans pour atteindre ce niveau. La directive à 80h représente 4,000h annuelles, soit 20,000h en 5 ans. 37h autorisent 1850h par an, 48h représentent 2400h an.
Si l’on prend le passé, on voit que les internes en chirurgies passaient en moyenne et au total (sur 5 ans) 2753h comme opérateur au bloc, 272h comme assistant, et 939h sur des actes techniques dans le pré-op et post-op. Ces 3963h (sur 5 ans) au bloc sont évidemment compatibles avec toutes les restrictions citées précédemment ; elles ne représentent que 20% du temps d’un interne US. Mais ce serait une erreur de considérer que c’est la seule fraction est utile. Il faut aussi passer du temps à étudier l’anatomie, consulter, et maîtriser le pré et post op.
Dans la réalité, la directive impacte significativement même la fraction du temps passé au bloc (pour des raisons de disponibilité aux bons horaires) et du temps passé avec les seniors au point de représenter -85% d’exposition pour les internes de 1° année. Paradoxalement, le nombre d’EIG a plutôt tendance à augmenter avec l’application de la directive. Enfin, la directive rend les staffs très aléatoires car on n’a jamais tout le service et elle impose des transmissions plus fréquentes avec le risque associé d’oublier des points importants.
Pour le dire autrement, la chirurgie est un métier manuel, et réduire l’expérience manuelle est forcément associé à une moins bonne maîtrise.
Un plaidoyer dans un seul sens, mais qui résume bien la radicalisation des idées. On peut quand même se poser des questions quand on voit les internes Danois n’être présents que 37h par semaine (comparé aux 80h des US) dans leur service ; on devrait avoir ces chirurgiens Danois déplorables… mais l’impact sur la mortalité chirurgicale comparée USA et Danemark n’est pas du tout significatif. Bizarre… il manque probablement un pan à la discussion.