Cet article dresse un état des lieux des avis et recommandations vétérinaires relatives aux potentielles mutations du SARS-CoV-2 chez les animaux de compagnie. Décryptage par le Dr Vétérinaire Michel Baussier.
Peu après l’apparition de la pandémie de covid-19, en avril-mai 2020 nous avions abordé sur le site la question des zoonoses1 et de l’approche One Health de la santé2. Nous avions également repris ces questions lors de la web conférence Grand @ngle de juin 20203.
On a rapidement compris que la covid-19 était une zoonose en ce que le virus SARS-CoV-2 est d’origine animale (selon toute vraisemblance, ce coronavirus est issu des chiroptères, réservoir animal), qu’il s’est adapté à l’homme et que la transmission est rapidement apparue comme exclusivement ou essentiellement interhumaine.
Toutefois, dès la fin février 2020, l’infection naturelle d’un chien était signalée à Hong-Kong. Depuis cette date, une soixantaine de cas de contaminations d’animaux domestiques - en particulier d’animaux de compagnie - ou sauvages ont été signalés. Même s’ils ne sont ni très nombreux ni très graves dans leur expression clinique quand toutefois celle-ci existe, ces cas ne peuvent que préoccuper les scientifiques, les chercheurs, les médecins et, au premier plan, s’agissant d’animaux, les vétérinaires.
Ces préoccupations se sont faites plus inquiétantes avec ce que l’on pourrait appeler l’affaire de l’infection des élevages de visons, d’abord aux Pays-Bas puis dans d’autres pays, dont le Danemark, particulièrement touché.
Dans le même temps, les chercheurs ont étudié l’infection expérimentale de diverses espèces animales. Des études sont toujours en cours, notamment en matière d’infection naturelle.
A propos de l’infection possible des animaux de compagnie, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) avait émis en urgence, à la demande du gouvernement, un premier avis en mars.
Elle rappelait que, depuis son émergence en décembre 2019 en Chine, les connaissances acquises sur le coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19, montraient que la voie principale de transmission du virus était interhumaine, par contact entre les personnes ou à travers l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises par les patients lors d’éternuements ou de toux. Néanmoins, eu égard à la source originelle animale probable, il était logique d’être vigilant sur le risque possible d’infection des animaux domestiques et leur éventuel rôle de relais de l’infection humaine.
L’ANSES rappelait notamment que le virus SARS-CoV-2 se lie à un récepteur cellulaire spécifique, qui constitue sa porte d’entrée dans les cellules. Même si ce récepteur était identifié chez des espèces animales domestiques et semblait capable d’interagir avec le virus humain, et que les études à ce sujet devaient être approfondies, les experts rappelaient que la présence du récepteur n’était pas une condition suffisante pour permettre l’infection de ces animaux. En effet, le virus n’utilise pas seulement le récepteur mais aussi d’autres éléments de la cellule qui lui permettent de se répliquer.
L’ANSES concluait ainsi :
"Dans le contexte actuel et au vu des informations disponibles, l’ANSES considère qu’il n'existe actuellement aucune preuve que les animaux domestiques (animaux d’élevage et de compagnie) jouent un rôle épidémiologique dans la diffusion du SARS-CoV-2. De plus, aucun cas de contamination de l’Homme par un animal de compagnie n’a été à ce jour rapporté." |
Néanmoins, l’ANSES rappelle la nécessité de préserver les animaux de compagnie d’un contact étroit avec les personnes malades et d’appliquer les mesures d’hygiène de base lors du contact avec un animal domestique en se lavant les mains avant et après l’avoir caressé, après le changement de sa litière, et d’appliquer les "gestes barrière" dans toute situation.
L’ANSES, au fil des événements sanitaires, a adapté ses avis, toujours prudents cependant depuis le premier jour.
Elle a notamment indiqué que les rares cas de contamination et d’infection restaient sporadiques et isolés au regard de la forte circulation du virus chez l’Homme et de l’ampleur de la pandémie à l’heure actuelle, répétant que les cas investigués sont en faveur d’une transmission de l’Homme vers l’animal.
L’ANSES a refait récemment le point, prenant notamment en compte les essais d’infection expérimentale d’animaux et l’infection d’élevages de visons, en particulier au Danemark mais aussi en France. Adoptant l’avis de son groupe d’experts, elle considère toujours qu’à la lumière des éléments scientifiques actuellement disponibles (épidémiologie de la Covid-19, études expérimentales et naturelles), les animaux domestiques et sauvages ne jouent pas, à ce jour, un rôle épidémiologique dans le maintien et la propagation du SARS-CoV-2 au niveau national, voire mondial ; cette diffusion est, à ce jour, le résultat d'une transmission interhumaine efficace par voie respiratoire.
Toutefois, la réceptivité de certaines espèces animales au SARS-CoV-2, désormais établie, pose la question d’un risque éventuel de constitution d’un réservoir animal autre que l’humain.
À cet égard, elle recommande d’être particulièrement vigilant vis-à-vis de situations particulières impliquant des contacts entre l’Homme et les espèces réceptives, dans des conditions de densité importante d’animaux, et de promiscuité animal-Homme, particulièrement en milieu clos ou confiné. C’est assurément le cas des élevages de visons, en particulier au Danemark.
De même, une vigilance est nécessaire vis-à-vis d’évasions potentielles d’animaux sauvages réceptifs, détenus en captivité, qui pourraient servir de relais de transmission. Dans un contexte de forte pression d’infection virale (situation épidémique), il est rappelé la nécessité de mettre en œuvre les mesures de biosécurité adéquates (tenant compte de la transmission aéroportée) dans les élevages d’espèces réceptives pour y éviter l’introduction et la propagation du virus.
Il est recommandé aux personnes atteintes par la COVID-19 d’éviter tout contact étroit avec les animaux, sans pour autant compromettre leur bien-être et, lorsque le contact ne peut être évité (soins aux animaux par exemple), de porter un masque et de se laver les mains avant et après le contact avec les animaux. Enfin, en contexte de circulation virale active (situation épidémique), il convient également d’appliquer des mesures d'hygiène strictes après tout contact avec un animal réceptif (se laver les mains avec du savon après avoir touché un animal ou après un entretien de la litière, éviter les contacts étroits au niveau du visage, port d’un masque en cas de manipulation d’un animal réceptif, etc.).
L’Académie Nationale de Médecine et l’Académie Vétérinaire de France se sont exprimées à plusieurs reprises, notamment tout récemment fin novembre, sous forme d’avis et de communiqués communs5. Que faut-il retenir ?
Les académies rappellent cependant que les rapports publiés jusqu’à présent sur les mutations du SARS-CoV-2 n’apportent pas de données scientifiques précises laissant présager un risque réel pour la santé publique.
De leurs recommandations, les vétérinaires praticiens peuvent retenir :
Des recherches sur la réceptivité et la sensibilité des animaux de compagnie se poursuivent, notamment en France. Le projet CoVet dont les résultats devraient être disponibles en fin de premier semestre 2021 portera sur 6 500 échantillons sanguins d’animaux de compagnie prélevés dans les diverses régions de France.
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