La Prévention Médicale se préoccupe tout particulièrement de qualité et de sécurité des soins, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire. Dans le même temps, la question de l’indépendance du professionnel est une question considérée comme majeure et fait assez souvent débat. L’indépendance du professionnel est une caractéristique, définie dans la loi, des professions dites libérales.
Mais qu’est-ce que l’indépendance du professionnel qui exerce, quelle en est la raison d’être ?
L’indépendance peut apparaître à certains égards comme une antienne, ressassée par ces professions. D’aucuns y lisent des arrière-pensées corporatistes. Ce concept peut même apparaître décalé dans un monde de dépendances et d’interdépendances. Qui peut se targuer d’être aujourd’hui, au sens courant de la définition, tel qu’entendu par la plupart des dictionnaires, parfaitement indépendant dans son exercice professionnel ? Et d’abord indépendant de qui ? Indépendant de quoi ?
Un travail très original et approfondi a été accompli par l’Ordre national des vétérinaires, avec une approche philosophique. Il propose une définition particulièrement intéressante et originale de l’indépendance du professionnel en exercice :
"Respectueux du principe fondamental et intangible de liberté du professionnel, l’indépendance du vétérinaire s’entend comme son obligation de se référer uniquement à ses connaissances scientifiques et à son expérience avec, comme objectifs indissociables, les intérêts de l’animal et de la santé publique ainsi que les intérêts des clients, sans que quiconque, à l’exception de raisons impérieuses d’intérêt général, ne commande aux vétérinaires leurs actes professionnels.
Cette obligation d’indépendance du vétérinaire s’exerce au bénéfice des actes de médecine et de chirurgie visés à l’article L 243-1 du Code rural et de la pêche maritime. Elle s’exerce aussi au bénéfice des actes de gestion induits, dans la gouvernance de l’entité d’exercice, sa direction et l’ensemble du management de la structure (tarifs, horaires, investissement, recrutement, plans de formation, achats…)".
Cette définition précisée, interrogeons-nous sur l’incidence de l’indépendance du professionnel sur la qualité et la sécurité des soins, préventifs ou curatifs.
Le premier moyen du diagnostic, celui qui ne devrait jamais passer au second plan, reste l’examen clinique après anamnèse, dans le cadre d’un véritable partenariat avec le client propriétaire ou détenteur de l’animal. La qualité et la sécurité du diagnostic dépendent pratiquement toujours de la durée et de la qualité de ce temps princeps du diagnostic.
L’indépendance du praticien se manifeste ici d’abord dans une absence de dépendance à un agenda chargé imposant une médecine expéditive. Être indépendant, c’est déjà cela !
Bien sûr, une médecine moderne, fondée sur la science, implique aujourd’hui le plus souvent le recours à des moyens complémentaires paracliniques : examens de biologie clinique, d’hématologie, de cytologie ou histologie, d’imagerie, etc…
Avoir un minimum d’équipements concourt à l’indépendance du diagnostic. En effet leur éloignement dans l’espace ou dans le temps, en rendant dépendant d’autres professionnels, est susceptible de nuire à la qualité et la sécurité de ce diagnostic. On peut être tenté en effet d’y renoncer ou d’en retarder l’échéance, ce qui peut constituer une prise de risques pour la santé du patient animal et donc au regard de la qualité et de la sécurité des soins.
A l’inverse, la présence d’équipements performants et lourds, à l’issue d’un processus d’investissement et d’endettement, peut conduire à la tentation d’une surutilisation, entraînant un surcoût pour le propriétaire de l’animal et, parfois aussi, la prise de risques pour l’animal dans le cadre d’un rapport bénéfice/risque mal évalué ou biaisé par le conflit d’intérêts. La question demeure fondamentalement une question d’indépendance.
C’est sans doute dans le domaine de la thérapeutique, médicale ou chirurgicale, que les considérations relatives à l’indépendance du praticien sont le plus patentes en termes de qualité et sécurité des soins.
En chirurgie, la tentation peut être de surestimer sa compétence et son expérience et de renoncer ainsi à référer au confrère spécialisé et compétent. La question de l’indépendance se manifeste ici en termes de conflit d’intérêts et elle peut peser sur la qualité et la sécurité du résultat.
La problématique est en réalité tout à fait comparable en thérapeutique médicale.
Dans tous les cas, la seule question qui vaille est celle du choix thérapeutique quand plusieurs options sont possibles. Mais la question majeure, dans tous les cas, est celle du choix de la méthode fondée sur les données acquises de la science, dans le cadre d’une médecine fondée sur les preuves. L’intérêt financier à utiliser tel ou tel produit ou l’influence du client demandeur de telle ou telle thérapeutique plus ou moins sensationnelle, découverte dans la presse ou sur Internet, doivent être perçus, analysés et traités en conséquence. |
Il est incontestable qu’aujourd’hui, l’homéopathie, l’acupuncture, l’ostéopathie doivent être remises en cause. Il en va de même des pseudo-médecines, pseudo-techniques et autres pseudosciences qu’une profession honnête et responsable, respectueuse de son diplôme et tout simplement de son honneur, devra avoir la volonté et le courage de reconsidérer à l’abri des idéologies, en acceptant de se départir de ses croyances accumulées au fil de ce qui a pu être considéré comme une expérience.
Les vétérinaires sont autorisés, dès lors qu’il s’agit d’activités réellement accessoires, à délivrer des produits, matériels et services en rapport avec l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux.
Ici encore la considération des clients, et plus généralement du public, sera d’autant plus marquée pour le professionnel - et partant pour la profession – qu’il aura su faire preuve de la plus grande indépendance dans le choix des produits et services proposés. Il ne peut pratiquer sa profession comme un commerce. Il doit privilégier l’intérêt des animaux qu’il traite et la santé publique vétérinaire sur ceux de son client et surtout sur les siens propres.
A retenir
La définition de l’indépendance du vétérinaire en exercice proposée par l’Ordre constitue manifestement un apport à la qualité et la sécurité des actes de médecine et chirurgie des animaux. Elle s’inscrit pleinement dans une démarche de prévention médicale des événements indésirables liés aux soins. Plus largement elle s’inscrit dans une incontestable démarche d’amélioration de la qualité de la médecine vétérinaire.