"Safety 2" est une approche de la sécurité qui met l'accent sur les aspects positifs de la prise en charge. Mais il est encore difficile aujourd'hui à mettre en place.
Erik Hollnagel (2015), apôtre du courant "resilience engineering" soutient depuis presque 10 ans l’idée de deux approches radicalement différentes de la sécurité :
Jeffrey Braithwaite (2015) est le plus proche collaborateur d’Erik Hollnagel et traducteur de cette idée pour le champ médical.
Mais comme toujours, il y a un pas entre l’idée et la réalité du terrain avec la mise en pratique de l’idée.
Plusieurs tentatives récentes, particulièrement en matière de mise en place de système de signalement des faits positifs, méritent d’être connues, montrent les difficultés, et justifient cet article.
On trouve par exemple une étude récente conduite en pédiatrie dans un hôpital d’enfants Suédois (Wahl, 2022). Le dispositif renvoie à un projet plus global appelé "méthode de la ligne verte" (Green Line Method), mis en place en 2018, qui organise chaque jour dans chaque service plusieurs temps collectifs courts ("des hudles" de 5 à 10 minutes maximum) pour se retrouver et parler du "positif" puis pour suivre les actions par une méthode classique d’amélioration continue de la qualité avec PDSA (Plan-Do-Study-Act).
Deux infirmiers et un médecin sont responsables de l’animation dans chaque service. Les questions sont ouvertes : "comment avez-vous fait pour gérer telle situation, pour gérer cette condition dégradée, pour gérer cette surprise, etc. ? Pouvez-vous entrer plus dans le détail, etc. ?"
Chaque matériel recueilli est classé :
Cette expérience a suscité une forte adhésion générale des professionnels avec un taux de satisfaction élevé et quelques idées d’amélioration qui ont germé des échanges et des pratiques rapportées par les uns et les autres.
Mais, les difficultés restent importantes : ce type d’approche est moins efficace que prévu.
On retrouve dans cette étude les mêmes limites que celles trouvées d’autres tentatives similaires dans d’autres pays (Hedge 2022, Verhagen 2022) : le nombre de rapports positifs est toujours moindre qu’espéré, les professionnels qui s’engagent dans le processus sont peu nombreux en rapport de ceux qui gardent des distances dans les services.
Les difficultés tiennent au fait que :
Au bilan, il paraît difficile aux professionnels de la Qualité d’imaginer abandonner totalement une vision sur les évènements indésirables pour juste adopter cette nouvelle vision, comme suggéré par Hollnagel.
Les professionnels considèrent plutôt qu’il faut marier les deux approches, et que les bonnes méthodes restent encore à écrire ; dans tous les cas, le leadership est important pour canaliser ce mariage de deux visions contradictoires (Schwarz 2021).
Et le but même de ces courts moments collectifs répétés dans la journée nécessite régulièrement une force de conviction et une présence de coordinateurs avec des recalages sur l’objectif poursuivi (Hybinette 2021), sans parler de la faisabilité pour que ces moments existent vraiment dans des services plutôt surchargés.
En conclusion, l’idée de "Safety 2" est sans doute généreuse, mais la réalisation sur le terrain est difficile, et n’apparait en tout cas pas comme un changement radical de principe de sécurité comme le voulait la théorie.