Patiente Alzheimer à domicile, ayant eu un contact téléphonique avec l’infirmière pour modification de la posologie de son traitement par AVK...
Patiente âgée traitée depuis une dizaine d’années pour une hypothyroïdie par Levothyrox® et pour une hypertension artérielle, par Pretérax®.
Assignation du médecin généraliste et de l’infirmière devant le tribunal de grande instance par les prochesde la patiente pour obtenir réparation du préjudice qu’ils avaient subi (juin 2010)
Expertise (décembre 2011)
L’expert, chirurgien, compétent en médecine légale et ayant choisi comme sapiteur un professeur des universités, chef de service de chirurgie cardio-vasculaire, estimait que : « (…)
De plus, lors de sa visite du 7 septembre, au domicile de la patiente, le médecin généraliste, après avoir constaté une tension à 19, n’avait pas prescrit de bilan biologique ou de contrôles de thérapeutiques, ni surtout d’hospitalisation, malgré des migraines déclarées insupportables avec envie de vomir, chez cette personne fragile avec des polypathologies et sous traitement anticoagulant, ce qui correspondait, en fait, déjà à une hémorragie méningée. En outre, cette visite avait été effectuée avec un décalage dans le temps et dans la journée (…) »
Jugement du TGI (avril 2015)
Les magistrats soulignaient que «(…) Le médecin généraliste avait modifié le traitement de la patiente sans l’en aviser, sans l’aviser, non plus, de la hausse pathologique de son taux d’INR, sans donner enfin la moindre explication à son époux à qui il s’était contenté de demander par téléphone les coordonnées de l’infirmière … Contrairement aux allégations du médecin, la patiente n’était pas véritablement en mesure de comprendre toutes les informations qui pouvaient lui être données, qu’il appartenait donc au médecin d’apporter également ces informations à ses proches et plus particulièrement à son époux (…) »
Estimant établi que le médecin généraliste avait manqué à son devoir d’information, les magistrats le condamnaient à réparer ce préjudice en versant la somme de 5 000 € aux ayants-droit de la patiente.
Par ailleurs, concernant l’obligation de soins du médecin généraliste, les magistrats constataient que : « (…) Si ce dernier affirmait avoir demandé, par téléphone, à l’infirmière non seulement de diminuer les doses de Préviscan, mais également de faire procéder à un nouveau contrôle d’INR 48 heures après ce changement de posologie, il n’avait délivré aucune ordonnance en ce sens…En outre, appelé d’urgence au chevet d’une patiente dont il avait modifié le traitement quelques jours auparavant, il n’avait pas jugé utile de vérifier le suivi de sa prescription et, ne s’était pas interrogé sur l’éventualité d’un lien avec la modification du traitement et les céphalées persistantes (…) » Ils en concluaient que, dans ce domaine, la responsabilité du médecin généraliste était, également, engagée .
Concernant l’infirmière, le tribunal suivait les conclusions de l’expert, en jugeant qu’elle aurait dû demander une confirmation écrite de la prescription du médecin généraliste. Il estimait que ce manquement engageait sa responsabilité.
Pour le partage de responsabilités, les magistrats décidaient que : « (…) Etant co-auteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, le médecin généraliste et l’infirmière étaient tenus, in solidum, à le réparer…mais compte-tenu que l’infirmière n’avait eu, en l’espèce, qu’un rôle d’agent d’exécution, le médecin généraliste sera déclaré responsable à 75 % et l’infirmière, à 25 % des conséquences dommageables du surdosage en anticoagulant dont a été victime la patiente (…) »
Concernant la réparation du préjudice, les magistrats jugeaient que : « (…) Aucune des pathologies dont souffrait la patiente n’engageait son pronostic à court terme… Même, s’il n’était pas établi que les chutes avaient été entraînées par le surdosage d’anticoagulant, elles n’avaient fait qu’accélérer et aggraver l’hémorragie provoquée par ce surdosage qui avait entraîné la mort de la patiente…Dans ces conditions, le décès de celle-ci apparaissait, en lien certain et direct de causalité avec les manquements démontrés, sans qu’il soit question d’une simple perte de chance de survie (…) ».
Indemnisation de 185 000€ dont 48 000€ pour les organismes sociaux.
Les AVK sont de gros pourvoyeurs de iatrogénie grave et l'INR peut réserver bien des surprises malgré une surveillance attentive . L'embolie datait de 3 ans : pourquoi une telle durée , surtout chez une malade démente exposée aux chutes et à la polymédication ? Les NACO ne sont pas sans risque : contre indiqués si insuffisance rénale , ils ont des interactions médicamenteuses nombreuses et pas d'antidote .
La prescription d'AVK au long cours suite à une phlébite compliquée d'embolie pulmonaire était-elle encore judicieuse à plus de 80 ans et labilité de l'INR. Un traitement par Aspégic et antiagrégant n'aurait-il pas été suffisant. Les AVK peuvent sauver des vies, mais chez les personnes âgées, combien de décès par inadaptation des doses ?!
Il y a eu beaucoup de critiques et de polémique sur les NACO.. J'ai eu le sentiment que les inconvénients (surtout la surveillance qui ne doit pas être confiée au patient ou à son entourage comme on le fait tous parfois par facilité, en se couvrant du terme "éducation thérapeutique") ont été oublié…. la preuve une nouvelle fois. je n'ai aucun conflit d'intérêt et je suis abonné à la revue Prescrire , n'empêche !