Une patiente de 31 ans, enceinte de son premier enfant, présente plusieurs épisodes de vomissements intenses et se dirige vers la maternité où elle accouchera sans difficulté. Après quoi, elle présente une asthénie importante qui nécessitera la prescription d'une supplémentation potassique per os.
Mme P., 31 ans, est enceinte de son 1er enfant. A son domicile, vers 21h30, elle ressent des contractions irrégulières. Cette situation ne l’inquiète pas. Puis elle présente plusieurs épisodes de vomissements intenses. Ces derniers éléments l’amènent à prendre la décision de se diriger vers la maternité qui doit l’accueillir pour l’accouchement.
Lorsque la patiente arrive en secteur naissances vers 22h30, une sage-femme la prend en charge et après un examen et un monitoring de 30 minutes, lui précise que le travail n’est pas vraiment débuté, mais que le col s’est légèrement modifié par rapport au dernier examen (col partiellement effacé à 1 doigt et tonique). Elle lui propose de la garder en observation en salle de pré travail au motif des nausées intenses et des vomissements répétés depuis qu’elle est à la maternité (3 épisodes en une heure). Si les contractions s’estompent et les vomissements s’arrêtent, elle pourra rentrer à domicile. La parturiente accepte et est rassurée d’être surveillée.
Les vomissements ne faiblissent pas et les contractions deviennent régulières et plus intenses. La Sage-Femme procède à un nouvel examen et trouve un col effacé, souple et une dilatation à 2 doigts. La patiente entre en salle de naissance à 1h30. Une péridurale à visée antalgique est proposée à la patiente et acceptée.
Cette dernière est posée sans difficulté et est rapidement efficace : Mme P. est soulagée… mais les vomissements sont plus intenses pendant 45 minutes, s’espacent pendant le travail, mais ne faiblissent pas jusqu’à l’accouchement.
Le travail se déroule sans particularité, la dilatation du col utérin est régulière : 4 cm à 3h00, 8 cm à 4h30 et la parturiente accouche d’un petit garçon de 3540 kg à 6h04 après 5 efforts expulsifs. Ce dernier va bien avec un score d’Apgar à 10 à la naissance, et sans changement ensuite.
Plusieurs épisodes de vomissements perdureront pendant quelques heures après la naissance C’est vers 12h00 que les traitements anti émétiques finiront par les faire cesser.
La patiente, remontée en suites de couches, présente une asthénie importante, des crampes et parfois des fasciculations musculaires. La Sage-Femme en charge du secteur demande un bilan biologique de contrôle en fin d’après-midi.
Les résultats ne montrent pas d’anémie (hémoglobine à 10,7 g/dl), mais une hypokaliémie marquée (2,1 mmol/l). L’interne du secteur est prévenu. Après examen clinique de la patiente et réalisation d’un ECG qui ne semble pas pathologique (difficile à évaluer car pas de tracé de référence), une supplémentation potassique per os est prescrite. Un contrôle est demandé le lendemain matin.
Pas de remontée significative. Une nouvelle mesure est planifiée le soir même. La kaliémie du soir ne montre pas là encore de remontée significative. L’interne du jour, devant ce chiffre toujours bas (2,3 mmol/l), prescrit un apport potassique par voie intraveineuse : 2 g à administrer au pousse seringue électrique (PSE) sur une durée de 4 heures.
Ce PSE est branché à 19h30, sur la voie veineuse périphérique mise en place en secteur naissances et qui a été conservé par l’infirmière d’après-midi qui termine son service. Transmission est faite à sa collègue qui débute sa nuit.
L’interne de garde reçoit un appel téléphonique vers 0h30 de l’IDE du secteur : cette dernière lui signale que la patiente se plaint de fourmillements dans les membres. Cette professionnelle pense, a posteriori, qu’une dose de potassium a pu passer en flash. Elle précise qu’elle a débouché la perfusion qui ne passait plus. Et comme il y avait du retard dans l’hydratation prescrite par voie veineuse, elle a accéléré la perfusion qui devait être terminée depuis une heure. Elle suppose que le potassium poussé par le PSE a remonté dans la poche de perfusion mais qu’elle n’a pas fait attention sur le moment.
L’interne lui demande de réaliser un ECG immédiatement, et prévient l’anesthésiste de garde. Les 2 médecins arrivent rapidement et simultanément dans la chambre de la patiente : le tracé électrocardiographique montre des ondes T pointues et un QRS élargi. Il décide d’appeler le réanimateur, et ensemble conviennent de la nécessité d’une surveillance en soins intensifs.
La parturiente est transférée en Unité de Surveillance Continue (USC). Elle y séjournera un peu plus de 24 heures avant de revenir en suites de couches.
Cette erreur médicamenteuse a eu plusieurs conséquences :
Le médecin anesthésiste rédige une fiche de déclaration d’évènement indésirable : elle précise qu’un nombre important de précautions n’a pas été observé dans l’administration de ce médicament à risques.
La COMEDIMS, mise au courant lors de leur revue d’EI mensuelle concernant les erreurs médicamenteuses, demande une analyse de cette erreur d’administration qu’elle considère comme gravissime du fait des risques auxquels a été exposée cette patiente.
Le Directeur Général a fait le lien entre la réclamation des jeunes parents et cette déclaration d’EI. Il souhaite également des éléments de compréhension.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
C’est la mauvaise perméabilité de la voie veineuse qui a permis cette administration médicamenteuse à la mauvaise posologie.
Récupération : c’est l’infirmière de nuit en charge de la patiente qui a fait la relation entre le tableau clinique décrit par la patiente et l’administration en « flash » du reste de la perfusion vraisemblablement « chargée » en potassium.
Sur l’administration des médicaments à risques : malgré une sensibilisation sur la thématique, il semble que certaines IDE n’aient pas encore le réflexe de consulter la fiche produit des médicaments à risques.
Il est donc décidé de refaire une série de « quick-formation » sur ce sujet, pour tous les services sans exception, à partir de ce retour d’expérience anonymisé.
A distance de cette action (4 à 6 semaines après), il sera également fait une évaluation de tous les IDE de la structure, à partir d’un quizz pour identifier les professionnels qui ne se sont pas encore appropriés les bons réflexes.
Une action de formation-simulation leur sera alors proposée. Sans oublier une nouvelle évaluation.
Sur la transmission des informations aux relèves : il est décidé de demander au groupe de travail en charge des transmissions ciblées de proposer une solution permettant de voir, en consultant le dossier, les informations comme un médicament à risques dans le traitement du patient.
Sur la prescription des médicaments à risques : l’analyse réalisée a montré que l’interne n’avait pas été briefé sur la nécessité de faire valider la prescription par un sénior.
Une revue des informations délivrées aux nouveaux internes à chaque début de semestre a montré que ce point avait été oublié. Il a été rajouté dans les attendus des internes dans leur pratique médicale.
Sur le principe d’une double vérification : à l’instar de la double vérification pour la prescription des médicaments à risques, la Direction des Soins et la Direction Qualité-Sécurité des Soins vont initier un groupe de réflexion pour la mise en place d’une double vérification systématique (par 2 IDE) pour tous les médicaments à risques administrés. Cette étude portera sur les solutions organisationnelles de cette pratique, et notamment la nuit en raison des effectifs mis en place.
La thématique sur les médicaments à risques est encore méconnue pour de nombreux professionnels de santé.
Une sensibilisation constante doit être organisée, et pour tous les acteurs. Avec pour objectif une meilleure maîtrise de ce risque identifié comme très vulnérable.