Une erreur de transmission entre deux infirmières entraîne surdosage de Lovenox et un séjour prolongé de la patiente en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR)...
Mme K. 82 ans, est hospitalisée en service de chirurgie orthopédique pour une fracture du col du fémur Gauche. Elle est tombée de sa hauteur en se prenant les pieds dans le tapis de son salon. Prise en charge par les Pompiers, elle est conduite aux Urgences au CH de secteur.
Elle ne présente pas d’antécédents médico-chirurgicaux. Elle bénéficie de la pose d’un clou gamma. Les suites opératoires sont simples.
Elle a comme seul traitement des antalgiques de palier II et une Héparine de Bas Poids Moléculaire (Lovenox 40mg/0,4 ml).
Sa sortie est prévue dans 36 heures (soit au 4° jour post-opératoire) vers un Service de Soins et de Rééducation. Le lit est réservé et le transport sanitaire commandé.
La veille du départ de la patiente, l’IDE de nuit fait son tour de soins en début de service et s’aperçoit que Mme K. n’a a priori pas reçu son traitement anticoagulant car son administration n’est pas tracée dans le dossier. Elle prend la décision de réaliser l’injection de Lovenox avec retard et trace son acte dans le dossier.
La nuit se passe sans problème particulier.
Le lendemain, lors des transmissions entre l’équipe de nuit et l’équipe de jour, l’IDE de nuit précise qu’elle a réalisé l’injection avec retard à la malade. L’infirmière de jour réagit alors et précise qu’elle se souvient parfaitement avoir administré le traitement mais qu’elle a oublié de tracer l’acte de soins dans le dossier.
Cette dernière relaie cette information au médecin référent de la patiente qui, après concertation avec le responsable médical du service et le médecin correspondant du SSR décide de garder la patiente 24 heures de plus pour surveiller les potentiels effets indésirables du surdosage et demande une numération plaquettaire de contrôle à 18h00.
La patiente a été informée de cet événement indésirable et semble rassurée sur les suites modérées potentielles qui peuvent survenir.
La surveillance clinique de la patiente ne montre aucun signe hémorragique et la numération plaquettaire revient avec un résultat dans les limites de la normale.
La patiente est transférée le lendemain en SSR sans aucun problème.
Le Directeur des Soins, au vu des conséquences potentielles de cet incident, a demandé au Gestionnaire de Risques de procéder à une analyse de cette situation. Il souhaite comprendre comment un tel incident a pu se produire : facteurs organisationnels, facteurs humains liés au contexte du moment…
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
• Cause immédiate
Absence de traçabilité d’un soin technique effectué (administration médicamenteuse par voie parentérale).
• Causes profondes
• Barrière qui a détecté l’incident :
Le temps de transmissions entre équipe de jour et équipe de nuit, et surtout la transparence des soignants concernés.
• Barrières qui n’ont pas fonctionné et qui ont permis l’incident :
Sur la nécessité de ne pas interrompre le soignant dans la réalisation des soins :
Sur l’importance du droit au doute ( no go)
Sur la nécessité de repenser le travail en équipe :
Cette analyse d’événement indésirable retient comme cause racine une interruption de tâche. Mais il convient d’extrapoler et comprendre le travail en équipe tel qu’il est réellement mis en œuvre dans ce service.
Derrière les piliers d’une organisation sécure, il convient de déterminer collectivement le « comment » de la tâche à réaliser, dans le respect des prérogatives de chacun. Une démarche de travail en équipe semble pertinente.
C’est le collectif qui peut créer une ambiance de travail 'sécure'.
Pour aller plus loin :
• Haute Autorité de Santé – Addendum – Outils de sécurisation et d’auto-évaluation de l’administration des médicaments – L’interruption de tâches lors de l’administration des médicaments – « Comment pouvons-nous créer un système où les bonnes interruptions sont autorisées et les. Mauvaises bloquées ? (5) » - Janvier 2016
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-03/guide_it_140316vf.pdf
• Haute Autorité de Santé - Briefing et debriefing – Juillet 2016
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657908/fr/briefing-et-debriefing
Merci pour votre réponse. Ma question, très ouverte, ne l'imposait pas et d'ailleurs il me semble que malgré toutes les procédures mises en place, personne n'est à l'abri de telles erreurs en cas de "surchauffe", de situation "anxiogène" ou de défaillance de communication, toujours possible malgré tous les "garde-fous". Merci encore et bien à vous
Réponse à Emmanuel B. : Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Il convient d’avoir une approche collective de résolution de problèmes. Elle passe par une identification des situations à potentiel de risque élevé pour le patient nécessitant une grande concentration. Cette identification est souvent réalisée à travers la détection des événements indésirables que vous constatez dans votre contexte de travail. Puis une analyse des faits, des organisations et des relations interprofessionnelles permettra de mettre en évidence les causes de ces incidents. Et c’est toujours collectivement qu’il convient de trouver des solutions, car qui mieux que vous peut connaître les impacts des solutions retenues.
La Haute Autorité de Santé a abordé cette thématique et à esquisser des solutions concernant le médicament mais extrapolable à d’autres situations. Voici le lien en partage :
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2618396/fr/interruptions-de-tache-lors-de-l-administration-des-medicaments
très intéressant votre article sur l'erreur de délivrance de Lovenox par une infirmière. c'est un risque majeur en en effet tout comme l'erreur de prescription. et c'est en effet un gros problème que celui de l'interruption de tâche ou de la dispersion des gestes par sollicitations multiples simultanées comme on peut le voir aux urgences.mais comment éviter cela???