Erreur de côté au bloc opératoire

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Erreur de côté au bloc opératoire après rupture chronique du tendon d’Achille

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  • rupture tendon d'Achille, opération, pied

Mr L., 52 ans, exerçant la profession d’agriculteur, consulte un chirurgien orthopédiste sur les conseils de son médecin généraliste...

  • Paramédical
Auteur : Bruno FRATTINI / MAJ : 28/02/2018

Présentation du contexte

Le patient décrit des difficultés à monter dans son tracteur depuis plusieurs semaines, avec des douleurs fugaces lorsqu’il « force » dans son activité physique.

L’examen clinique montre une atrophie musculaire du mollet du côté Droit, une mise en appui sur la pointe du pied monopodal est quasi impossible. La palpation démontre un épaississement douloureux au niveau du tendon, l’extension dorsale passive de la cheville est augmentée, le test de Thomson est positif.

Le patient présente une légère boiterie à la marche, qu’il a du mal à situer dans le temps, expliquant que dans son métier, on ne fait pas trop attention aux petits bobos. « Vous savez Docteur, chez nous, c’est marche ou crève ! »

Le chirurgien explique qu’il pense à une rupture chronique du tendon d’Achille du côté droit, et propose au malade de réaliser une échographie du tendon pour confirmer le diagnostic évoqué.

L’examen d’Imagerie Médicale confirme les éléments cliniques. Une intervention chirurgicale est donc proposée et acceptée par le patient, comprenant que son affection peut s’aggraver à tout moment. Un arrêt d’activité programmé étant pour lui plus facile à organiser.

Le jour de l’intervention, le patient est installé en décubitus ventral, les champs opératoires sont positionnés, le chirurgien arrive pour débuter l’intervention. La technique retenue est celle à ciel ouvert. L’abord chirurgical étendu permet de visualiser le tendon, qui présente des zones de rupture partielle, mais pas comme annoncées par l’échographie. La réparation chirurgicale est effectuée, et la fermeture de l’incision réalisée.

Le patient est remis en décubitus dorsal, pendant que le chirurgien rédige le compte rendu opératoire. Il est rappelé en salle d‘opération par l’Infirmière de Bloc Opératoire, car l’équipe vient de constater que c’est le membre inférieur gauche qui a été opéré. La décision est prise de ne pas réveiller le malade, de le réinstaller en décubitus ventral et de réaliser la cure chirurgicale du tendon côté droit.

A son réveil, le patient constate qu’il a été opéré des 2 jambes, et manifeste un vif mécontentement après les explications données.

Le chirurgien signale l’incident au Coordinateur de la Gestion des Risques de l’établissement, au fin d’une analyse pour comprendre la survenue de cet Evénement Indésirable.

Conséquences

Cet incident a eu des conséquences importantes :

  • une durée opératoire allongée (135 minutes au lieu des 45-60 minutes prévues),
  • l’annulation d’une intervention chirurgicale du jour,
  • une prolongation de l’hospitalisation (parcours ambulatoire transformé en hospitalisation complète),
  • un vif mécontentement du patient à l’annonce du dommage,
  • une durée de rééducation de 3 mois au lieu des 6 semaines prévues initialement, et surtout la nécessité de se déplacer en fauteuil au lieu des cannes anglaises,
  • une plainte déposée par le patient en Commission de Conciliation et d’Indemnisation pour obtenir une compensation financière en lien avec le manque à gagner sur son exploitation agricole.

Il était donc important de détecter les facteurs contributifs à cet incident et de comprendre sa génèse dans une approche systémique. Cette analyse devra permettre à l’ensemble de l’équipe d’améliorer sa culture de sécurité.

Méthodologie et analyse

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.

 

  • Les facteurs contributifs discutés en équipe :

 

Facteurs liés aux patients :

Le patient ne présente aucun antécédent médical et chirurgical.

La pathologie ne pose pas de difficulté chirurgicale particulière, mais oblige à un temps de rééducation de 6 semaines au moins, impactant de fait l’organisation professionnelle du patient.

Il faut juste préciser que le malade était un grand amateur de vélo.

Facteurs liés aux tâches à accomplir :

La préparation pré-opératoire a été réalisée selon le protocole validé de l’établissement. Le patient n’a pas dû bénéficier de la dépilation par tondeuse, il s’épile les jambes pour sa pratique du vélo.

Le dossier patient était complet pour le transfert au Bloc Opératoire (objectivé par un audit).

L’accueil au Bloc Opératoire a permis la vérification de son identité et la validation de l’intervention chirurgicale par l’Infirmière de Bloc Opératoire et l’équipe d’Anesthésie.

Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :

Les professionnels de santé qui ont pris en charge Mr L. sont tous habitués à prendre en charge cette pathologie.

Le programme opératoire du jour se déroulait normalement, sans retard particulier.

Facteurs liés à l’équipe :

La fiche d’annonce de l’intervention, le dossier patient, le programme opératoire : tous précisaient que le côté Droit était à opérer.

Les documents du dossier en lien avec la partie per-opératoire ont tracé les éléments comme le prévoit la procédure. Ils précisaient tous que le côté opéré en première intention était le côté Droit.

La check list n’était pas remplie : les personnes interrogées ont convenu que les éléments de contrôle n’avaient pas été effectués selon la méthodologie et l’esprit de cette barrière de prévention.

Le décubitus ventral a induit les gens en erreur, et le manque de communication entre les membres de l’équipe est certainement à son origine. Ainsi que l’absence de poils sur la jambe Gauche.

Facteurs liés à l’environnement de travail :

La revue des procédures en lien avec cet incident ne montre aucune vulnérabilité.

La charge de travail était habituelle. Pas de retard dans le programme opératoire.

L’équipe était au complet.

Facteurs liés à l’organisation et au management :

Aucun facteur contributif avec cette thématique n’a été identifié.

Facteurs liés au contexte institutionnel :

L’examen des autres déclarations d’événements indésirables montre qu’il n’y a pas d’autre déclaration de ce type dans l’établissement.

  • En résumé : ce qu’il faut retenir

 

- une erreur de côté dans un contexte de manque de vigilance collective,

- une barrière de prévention qui n’a pas été activée comme le prévoit les nouvelles règles de fonctionnement des Blocs Opératoires.

Les pistes de réflexion et/ ou d’amélioration

L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :

  • d’utiliser la check-list de la Haute Autorité de Santé dans l’esprit de sécurité que ce moyen a voulu insuffler,
  • de mettre à l’ordre du jour du prochain Conseil de Bloc cet incident pour le faire partager avec tous les acteurs du Bloc Opératoire.

Conclusion

Cet Evénement Indésirable montre que tous les moyens qui peuvent améliorer la sécurité des soins doivent être mobilisés.

La check-list est déployée dans le cadre d’un programme mondial d’amélioration de la sécurité en chirurgie, sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé.

C’est un outil facile à mettre en œuvre et dont l’efficacité a été démontrée : elle réduit de manière significative les complications, les infections et les décès post-opératoires.

Pour en savoir plus :

1. « Safe Surgery Saves Lives »

www.who.int/patientsafety/safesurgery/en/

2. Surgical safety checklist

http://www.who.int/patientsafety/safesurgery/tools_resources/SSSL_Checklist_finalJun08.pdf

3. Haynes et Col. A Surgical Safety Checklist to Reduce Morbidity and Mortality in a Global Population. N Engl J Med 2009;360:491-9.

3 Commentaires
  • Jean noel B 01/10/2021

    J'ai déposé un brevet sur des combinaisons médical permettant d'éviter tout ce genre d'erreur ayant contacter tous les ministres de la santé depuis 10 ans je n'ai jamais eu aucune réponse quel dommage

  • Olivier V 28/04/2016

    Probablement un risque spécifique du décubitus ventral!-) Il faut encourager une vigilance particulière pour cette position.

  • abdelkader h 28/04/2016

    IL SUFFIT SIMPLEMENT DE DEMANDER AU PATIENT AVANT L’ANESTHÉSIE- je suppose générale- le coté malade!! il faut responsabiliser le chirurgien ,l'aide opératoire et l’anesthésiste il faut - avant d’opérer- de poser la question au patient ,il n'est pas interdit d'utiliser un marqueur sur le cote a opérer avant toute anesthésie.

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