Deux incidents semblables lors de prélèvements sanguins, qui après analyse, montrent qu’il s’agit d’erreurs qui peuvent arriver à de nombreux professionnels.
Situation 1
M. B. se présente au Service des Urgences en soirée pour douleurs abdominales, avec un tableau clinique peu contributif à orienter le médecin sur un diagnostic.
Il convient de préciser que le patient est perfusé dès son arrivée pour lui administrer une série d’antalgiques afin de le soulager. Un premier bilan sanguin est prélevé lors de la pose de perfusion (NFS, CRP, bilan hépatique).
Le médecin prescrit alors une série d’examens : échographie abdominale, Abdomen Sans Préparation et un bilan sanguin complémentaire (ionogramme sanguin).
Les résultats du bilan sanguin montrent un ionogramme perturbé avec une hyponatrémie et une hypokaliémie.
Devant ces éléments, le médecin urgentiste contacte son collègue en charge de l’Unité de Surveillance Continue pour lui proposer l’hospitalisation de ce patient dans son unité, pour une surveillance rapprochée.
Le bilan de contrôle retrouve un ionogramme strictement normal, soit 3 heures après le précédent. Ce patient termine la nuit en U.S.C. avant que soit prononcée une sortie avec Retour A Domicile.
Après enquête rapide, il s’avère que le bilan a été prélevé au-dessus de la perfusion, ce qui explique les perturbations des résultats du bilan sanguin.
La responsable de l’Unité de Surveillance Continue déclare cet événement indésirable.
Situation 2
Mme C., 33 ans, est admise en salle de naissance pour accoucher de son 2ème enfant.
La voie veineuse a été posée en début de travail. Elle accouche par voie basse à l’aide d’une extraction instrumentale type ventouse. Le bébé, une petite fille, se porte bien avec un score APGAR à 10 à la 1ère mn.
Le protocole de cette maternité veut qu’une poche de recueil des saignements soit systématiquement posée afin de quantifier avec précision les pertes sanguines et ainsi réagir plus rapidement en cas de saignements anormaux.
La patiente bénéficie d’une délivrance artificielle et d’une révision utérine pour saignements persistants. La poche de recueil quantifie 600 ml de perte sanguine.
Le gynécologue-obstétricien demande la pose d’une 2ème voie veineuse et un prélèvement sanguin de façon concomitante.
Les résultats du bilan sanguin sont : Hb = 9,2g/dl, Plaquettes : 150 000/mm3, bilan d’hémostase normal.
La mise en route d’un traitement par NALADOR est demandée lorsque la poche de recueil indique 900 ml de perte sanguine. Un 2ème bilan sanguin est demandé (NFS, hémostase).
Les résultats reviennent perturbés, avec une hémoglobine à 5,1g/dl, Plaquettes : 80 000/mm3 et l’hémostase effondrée (fibrinogène à 0,8g/L).
Au vu de ces résultats, le gynécologue-obstétricien recherche un saignement actif en intra péritonéal puisque l’on constate l’arrêt des saignements par voie naturelle.
Parallèlement, le MAR commande des produits sanguins labiles.
L’absence de saignements actifs internes questionne le gynécologue-obstétricien et le MAR.
L’examen du bras de la parturiente relève un petit pansement au pli du coude. L’infirmière qui a réalisé le 2ème prélèvement sanguin est alors interrogée et on constate que le site de prélèvement sanguin est au-dessus de la perfusion. Cet élément permet d’expliquer les résultats perturbés, en décalage avec le tableau clinique.
Un HEMOCUE de contrôle et un 3ème bilan sanguin sont réalisés. Le taux d’hémoglobine trouvé par la méthode capillaire donne une hémoglobine à 8,1g/dl.
La commande de PSL est mise en veille, puis annulée au moment de la communication des résultats du 3ème prélèvement, confirmant les résultats de l’HEMOCUE et un bilan d’hémostase subnormal.
La situation se stabilise et les suites se normalisent. La patiente monte en suite de couches à la fin de la 2° ampoule de NALADOR*, après le relais par SYNTOCINON*.
Le gynécologue-obstétricien décide de déclarer ce dysfonctionnement.
Le groupe de professionnels en charge de l’exploitation des fiches de déclaration des événements indésirables a décidé de rechercher les causes qui ont conduit à ces deux incidents, sans conséquence majeure pour les patients, les comprendre et trouver éventuellement des actions correctrices à mettre en place pour que cela ne se reproduise plus.
Cette typologie d’erreurs, identiques dans 2 secteurs différents et concernant des équipes de professionnels différentes, a été constatée à deux périodes très rapprochées. Il convenait de réagir pour alerter les équipes soignantes.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes conduisant à ces erreurs seront recherchés. La méthode ALARM est retenue.
Facteurs liés aux patients
Les antécédents médicaux des 2 malades n’ont pas influencé les événements.
Pour aucun des patients, même si on était dans une situation d’urgence, la situation clinique ne menaçait le pronostic vital.
A aucun moment, la situation avec les patients n’était conflictuelle.
Facteurs liés aux tâches à accomplir
Les situations cliniques présentées n’appellent aucun commentaire particulier ; elles font parties des prises en charge basiques pour un secteur d’urgences ou un secteur de naissances.
Pas de difficulté particulière pour réaliser le prélèvement sanguin : les deux professionnels de santé n’ont pas mentionné de capital veineux difficile pour justifier la ponction au pli du coude. Plutôt une habitude de travail.
Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué)
Les 2 professionnels de santé impliqués dans ces 2 situations présentaient un profil légèrement différent : un infirmier aux Urgences diplômé depuis 5 ans, positionné dans le service depuis 3 ans ; une infirmière en secteur naissances diplômée depuis 18 mois et pour qui s’était le premier poste. Aucun des 2 n’avait rencontré ou vécu cette même situation.
Le contexte professionnel avait des similitudes, une charge de travail importante qui pouvait générer un stress ; c’est en tout cas leur déclaratif.
Facteurs liés à l’équipe
Aucun des 2 professionnels n’a mentionné des problèmes de communication entre les membres des équipes.
Les informations sont correctement passées entre les différents métiers.
L’infirmière affectée sur le secteur naissance précise néanmoins que le gynécologue-obstétricien demandait que les actes soient réalisés avec rapidité, puisqu’il y avait une situation d’Hémorragie du Post Partum.
Facteurs liés à l’environnement de travail
Aucun des 2 professionnels n’a formulé de difficultés sur ce thème : les locaux sont conformes et fonctionnels aux activités exercées.
Les équipements et/ou fournitures étaient en quantité suffisante et à proximité des lieux d’exercice.
Les effectifs étaient complets, et appropriés aux schémas d’organisation retenus pour ces 2 secteurs. Aucune absence n’était à signaler.
Les charges de travail étaient un peu supérieures aux charges de travail habituelles.
Facteurs liés à l’organisation et au management
Les équipes étaient composées de personnels fixes ou vacataires, qui connaissaient bien les lieux, les organisations, les habitudes de travail.
Les prélèvements sanguins ont pu être dirigés sans difficulté vers le Laboratoire d’Analyses Médicales.
Facteurs liés au contexte institutionnel
Aucun élément contributif pour ces facteurs n’est à signaler.
- Deux professionnels de santé qui ont réalisé exactement la même erreur, dans des secteurs différents et des circonstances différentes,
- Des résultats d’analyses qui auraient généré des attitudes thérapeutiques non adaptées, et surtout non exemptes de conséquences pour les patientes,
- Des contextes de travail qui n’expliquent pas ces erreurs, puisque les situations décrites sont des situations courantes dans ces secteurs de travail,
- Des professionnels de santé affectés dans ces secteurs de soins qui ne présentent pas de lacunes en terme de compétences puisque affectés depuis de nombreux mois.
L’analyse de ces situations a orienté le Comité de Gestion des Risques dans deux directions :
- une revue du protocole de prélèvement sanguin de l’Institution, afin d’y intégrer cette problématique,
- une communication large de ces faits, pour faire profiter tous les professionnels de ces retours d’expérience, sachant que l’on apprend aussi par l’erreur. Ne pas faire connaître ces éléments serait une autre erreur…
Deux incidents semblables, qui après analyse, montrent qu’il s’agit d’erreurs qui peuvent arriver à de nombreux professionnels.
La dynamique de Gestion des Risques est aussi basée sur le partage des informations, des retours d’expériences pour éviter la reproduction d’erreurs évitables, qui pourraient avoir des conséquences pour les patients que tous professionnels de santé auraient à prendre en charge.