Brûlure au bloc opératoire

Tout sur la gestion des risques en santé
                et la sécurité du patient

Brûlure au bloc opératoire

  • Réduire le texte de la page
  • Agrandir le texte de la page
  • Facebook
  • Twitter
  • Messages0
  • Imprimer la page
  • Homme à la cheville bandée assis sur son canapé - La Prévention Médicale

Le bloc opératoire est un secteur médico-technique possédant un nombre important d’équipements biomédicaux. Leur utilisation doit être maîtrisée pour éviter tout événement indésirable. La formation lors de leur mise en œuvre et le rappel régulier des bonnes pratiques doivent permettre d’éviter des modes dégradés porteurs de risques pour les patients.

Auteur : Bruno FRATTINI – Cadre Supérieur de Santé IADE – Expert en prévention des risques - MACSF / MAJ : 09/09/2024

Présentation du contexte

M. F., 56 ans, est orienté par son médecin vers un chirurgien maxillo-facial spécialisé dans la chirurgie plastique du visage, car il présente une gêne respiratoire due à une déformation externe et interne avec présence d’une encoche endonarinaire dans les suites de l’exérèse d’une lésion suspecte de l’aile du nez – carcinome basocellulaire nodulaire.

Le chirurgien préconise une reprise chirurgicale qui est acceptée par le patient. La consultation préanesthésique n’objective aucune contre-indication à la réalisation d’une anesthésie générale. Le parcours ambulatoire est retenu.

Le jour J, M. F. est admis en secteur ambulatoire, il est préparé pour l’intervention chirurgicale par l’équipe soignante, puis transféré vers le bloc opératoire par le brancardier. À son arrivée en salle d’opération, il précise qu’il a froid lorsqu’il est installé sur la table d’opération. Le chirurgien demande alors à l’infirmière de bloc circulante d’installer un chauffage.

L’induction anesthésique est réalisée par le médecin anesthésiste réanimateur (MAR), le patient est installé en décubitus dorsal pour bénéficier de l’intervention chirurgicale, le temps total de présence en salle d’opération, anesthésie comprise aura été de 55 mn.

Le patient est transféré en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) intubé, il est installé dans un poste de réveil par le MAR et le brancardier du bloc ; les transmissions sont faites.

La présence des signes de réveil post-anesthésie permet l’extubation du patient, les paramètres physiologiques sont stabilisés.

Rapidement, le patient exprime une douleur au niveau de la cheville ; cette douleur n’est pas prise en compte en SSPI.

En secteur ambulatoire, M. F. signale cette douleur à plusieurs reprises. Le MAR contacté examine la cheville et observe une rougeur sans phlyctène, il demande de procéder à l’application de glace localement avec un effet bénéfique quasi immédiat. La prescription d’une surveillance de l’évolution de la rougeur est faite et précise que si la rougeur reste stable, la sortie est possible après accord du chirurgien. Aucune explication sur les causes de cette rougeur n’est évoquée devant le patient.

La sortie du patient est confirmée pour le soir même.

Lors de l’appel du lendemain, le patient signale qu’il a eu mal toute la nuit, malgré la prise des antalgiques prescrits, douleur localisée au niveau de la cheville et non au niveau du site opératoire, douleur coté à 8/10. L’infirmière demande alors au patient de repasser aux urgences de l’établissement de santé pour faire un point.

L’urgentiste objective une brûlure du second degré, de forme circulaire, d’un diamètre d’environ 8 cm sur la face interne de la cheville droite avec une phlyctène. Il prescrit des soins locaux – Biseptine®, tulle-gras et pansement quotidien – à revoir dans 10 jours par son médecin traitant pour juger de l’évolution de la brûlure.

Il demande à revoir le chirurgien plasticien qui l’a opéré. Lors de cette consultation au 5e jour postopératoire, il est reçu par le chirurgien et l’anesthésiste qui l’ont pris en charge et qui objectivent une brûlure du second degré, avec phlyctènes et tissus nécrotiques. Il remplace le tulle gras par de la Flammazine®et demande un soin quotidien par une infirmière de ville. Il est proposé également au patient de rencontrer un chirurgien du pied.

Ce praticien spécialisé retrouve une zone moins inflammatoire par rapport à la photo transmise par son confrère 4 jours plus tard, mais propose néanmoins un traitement chirurgical avec détersion des tissus nécrotiques, puis une tentative de cicatrisation dirigée voire de greffe de peau en filet. Le traitement est accepté par le patient.

Les suites resteront longues, avec une cicatrisation dirigée longue et surtout un résultat esthétique non satisfaisant avec des cicatrices chéloïdes.

Conséquences

Cet événement indésirable a eu comme conséquences :

  • Des suites douloureuses inattendues pour le patient qui s’est plaint de sa cheville et non de l’intervention au niveau du nez. 
  • Un acte chirurgical pour un traitement de la brûlure.
  • Une cicatrisation longue avec des soins locaux quotidiens pendant près d’un mois, puis tous les 2 jours pendant 8 semaines.
  • Une médiation à organiser pour un événement indésirable incompréhensible pour le patient puisque le chirurgien et l’anesthésiste n’ont pas émis d’hypothèse plausible sur les causes de cette brûlure (courrier patient véhément à la structure de soins).
  • Une demande d’indemnisation potentielle, en tout cas suggérée par le patient dans son courrier "si on continue à lui cacher la vérité".
  • Le patient précise qu’il a dû annuler ses vacances pour permettre la réalisation des soins locaux après l’intervention.

Analyse des causes

Le courrier adressé à la Direction Générale de l’établissement de santé et transmis au coordinateur de la gestion des risques de la structure a retenu l’attention des professionnels chargés de la sécurité des soins : il convient de comprendre comment cet événement a pu se produire, identifier les causes racines, les comprendre et trouver éventuellement les actions de prévention à mettre en place pour éviter que cela ne se reproduise.

Une analyse de risque a postériori est donc réalisée par le gestionnaire de risques de l’établissement.

La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue pour ce presqu’accident.

Cause immédiate

Le patient signale une douleur au niveau de sa cheville en SSPI.

Causes profondes

 

En résumé :

  • Les éléments relatés par le patient précisent qu’un système de réchauffement a bien été installé.
  • La nature de la lésion a été objectivée par plusieurs praticiens : brûlure du second degré.
  • La brûlure constatée est liée avec certitude au réchauffeur à air pulsé qui a été installé : la morphologie de la brûlure correspond à la forme de l’orifice du tuyau de ce dernier.
  • L’expertise réalisée sur le réchauffeur a montré son bon fonctionnement ; l’événement indésirable est donc essentiellement dû à une mauvaise utilisation : absence de couverture ad’hoc et réglage de la température d’air pulsé à 44°C à la sortie du tuyau, seule température pouvant occasionner une brûlure profonde. 
     

Barrières de défense

Les pistes de réflexion et/ou d'amélioration

Le partage de l’analyse de l’incident à partir de la méthode ALARM évoque des actions correctrices concernant l’organisation des soins et surtout la communication entre professionnels de santé :

Maintien des compétences

  • Reprendre les formations par les fournisseurs des équipements biomédicaux pour les nouveaux arrivants, mais également pour les plus anciens pour un niveau de connaissances uniforme au sein des équipes professionnelles.
  • Évaluer la pertinence d’une formation collective sur la prévention des risques au Bloc Opératoire et améliorer ainsi la culture de sécurité du secteur.

Retour d’expérience partagé

  • Sensibiliser les équipes sur les risques au bloc opératoire à partir des analyses des événements indésirables déclarés.
  • Revoir ou compléter la cartographie de risques établie pour le secteur, et surtout la partager avec tous les professionnels évoluant au sein du bloc opératoire.
  • Sensibiliser les équipes sur l’intérêt de déclarer les événements indésirables ou les presqu’accidents pour enrichir les partages.

Valorisation du travail en équipe

  • Certaines actions de soins doivent être prises en charge collectivement. Le double ou le triple contrôle doit devenir la règle pour éviter les oublis ou les mauvaises pratiques.
  • Le partage d’informations et de connaissances entre professionnels doit permettre des pratiques uniformes et sécurisées.

En conclusion

Cette analyse montre que les modes dégradés non maîtrisés peuvent être à l’origine d’événement indésirable évitable.

Prendre le temps de faire un "arrêt sur image" pour réaliser un briefing de la situation permet d’identifier les vulnérabilités et de détecter les éléments non conformes aux process de prise en charge habituel.

Il convient de rappeler que chaque minute accordée à une démarche de gestion de risques est un investissement qui rapporte beaucoup pour les patients et en seconde intention aux professionnels de santé car les impacts pour eux sont rarement neutres.