L’analyse et le partage d’expérience concernant les presqu'accidents et leur récurrence permettent une meilleure représentation collective du risque et la mise en place des mesures préventives évitant la survenue des accidents graves liés aux soins.
Mme B., Une jeune femme sportive de 22 ans a fait une chute lors d’une séance de VTT deux ans auparavant, engendrant une luxation de l’épaule gauche.
Lors d’une séance de renforcement musculaire (Pilates), elle présente une vive douleur au niveau de cette épaule gauche lors d’un exercice. La patiente est transférée par les pompiers dans un service d’urgences très rapidement.
Le praticien présent la prend en charge immédiatement et réussit à réduire cette luxation après la réalisation d’une imagerie médicale qui l’objective au niveau de l’épaule et écarte une fracture associée qui aurait pu se déplacer lors de la tentative de réduction.
Une fois réalisée, une immobilisation coude au corps est installée. Le cliché de contrôle confirme la bonne réintégration de la tête humérale dans son logement et écarte toute fracture qui aurait pu passer inaperçue.
Lors de l’interrogatoire, il note qu’il s’agit d’une quatrième luxation. Il conseille alors de consulter un chirurgien spécialisé pour évaluer la pertinence d’un geste chirurgical pour re-stabiliser cette articulation.
Lors de la consultation spécialisée, le praticien interroge la jeune femme et retient qu’il s’agit d’une quatrième luxation en deux ans. L’examen clinique montre une manœuvre d’Appley et un test de recentrage de Jobe positifs.
L’arthroscanner prescrit par le médecin traitant et réalisé avant la consultation objective des lésions anatomiques capsulo-labrales qui expliquent l’instabilité récidivante de cette articulation.
Devant tous ces éléments paracliniques, et surtout la répétition des épisodes d’instabilité, le praticien propose un traitement chirurgical. L’intervention de Bankart est proposée à la jeune femme, sous arthroscopie dans le cadre d’un parcours ambulatoire.
Cette dernière accepte après avoir reçu les informations du chirurgien. Elle a bien compris la nécessité d’une observance stricte des consignes postopératoires et de suivre un programme de rééducation sur plusieurs mois avant de retrouver une mobilité optimale.
La consultation d’anesthésie ne retient aucune contre-indication à réaliser cette intervention. Une anesthésie générale est proposée, associée à une anesthésie loco-régionale type bloc interscalénique. Cette stratégie est validée par la patiente.
Le jour J, la patiente est prise en charge au bloc opératoire : le protocole anesthésique et l’intervention chirurgicale sont réalisés sans aucun problème technique signalé.
En fin d’intervention, le matériel chirurgical est démonté pour être immergé dans le bain de produit décontaminant avant transfert en stérilisation. La patiente bénéficie des soins d’hygiène postopératoires immédiats, le pansement et le transfert en Salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) est réalisé.
La patiente est réchauffée, extubée et sa prise en charge immédiate est sans particularité.
Quelques minutes après l’extubation, la patiente se plaint d’une douleur vive au niveau de l’index droit. L’IDE examine la main de la patiente, et constate une brûlure du doigt.
Le médecin anesthésiste est prévenu, ainsi que le chirurgien. Une brûlure au 3e degré de la pulpe est objectivée. Un avis d’un chirurgien de la main est pris, qui conseille des soins locaux dans un premier temps, et propose de revoir la patiente dans quelques jours pour un suivi de cette brûlure.
Cette brûlure évoluera vers une nécrose de la pulpe du doigt dans les semaines qui suivront. À 5 semaines de l’incident, le chirurgien de la main procède à une excision de la zone nécrosée et à la réalisation d’un lambeau pédiculé sur l’artère centrale de la pulpe. Les suites opératoires seront simples pour les 2 interventions.
La recherche de la cause de la brûlure semble évidente pour tous : c’est le câble de lumière froide posé sur la patiente sans aucune précaution qui a provoqué la brûlure.
La responsable du bloc opératoire, le chirurgien et le médecin anesthésiste ont déclaré cet Événement Indésirable (EI) conjointement par le système de déclaration de l’établissement de santé. La commission Qualité-Gestion des risques lors de leur revue des EI l’a classé comme grave. De plus, faisant partie des événements évitables, il est décidé de réaliser une analyse dans le cadre d’une démarche de gestion des risques.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.
C'est la patiente qui a signalé une douleur de son index.
Les conséquences pour la patiente sont importantes :
Les conséquences pour l'établissement :
Le facteur humain dans la sécurité des soins doit devenir une préoccupation constante. Les compétences techniques sont importantes, mais il convient également de conserver une approche systémique pour toutes les situations de soins.
La nécessité d’un leadership, surtout lorsqu’une équipe est composée de jeunes professionnels, permet d’éviter bon nombre de dysfonctionnements, voire d’accidents. Cela doit rester une préoccupation constante des organisations.
Pour aller plus loin
"Gestion des risques liés à l'utilisation des sources d'énergie au bloc opératoire" - Journée Nationale de la FCVD 2016