Une brûlure de la pulpe de l'index au décours d'une chirurgie de l'épaule controlatérale

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Une brûlure de la pulpe de l'index au décours d'une chirurgie de l'épaule controlatérale

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  • Brûlure de l'index au décours d'une chirurgie de l'épaule - La Prévention Médicale

L’analyse et le partage d’expérience concernant les presqu'accidents et leur récurrence permettent une meilleure représentation collective du risque et la mise en place des mesures préventives évitant la survenue des accidents graves liés aux soins.

Auteur : Bruno FRATTINI – Cadre Supérieur de Santé IADE – Expert en prévention des risques - MACSF / MAJ : 08/02/2023

Présentation du contexte

Mme B., Une jeune femme sportive de 22 ans a fait une chute lors d’une séance de VTT deux ans auparavant, engendrant une luxation de l’épaule gauche. 

Lors d’une séance de renforcement musculaire (Pilates), elle présente une vive douleur au niveau de cette épaule gauche lors d’un exercice. La patiente est transférée par les pompiers dans un service d’urgences très rapidement. 

Le praticien présent la prend en charge immédiatement et réussit à réduire cette luxation après la réalisation d’une imagerie médicale qui l’objective au niveau de l’épaule et écarte une fracture associée qui aurait pu se déplacer lors de la tentative de réduction. 

Une fois réalisée, une immobilisation coude au corps est installée. Le cliché de contrôle confirme la bonne réintégration de la tête humérale dans son logement et écarte toute fracture qui aurait pu passer inaperçue.

Lors de l’interrogatoire, il note qu’il s’agit d’une quatrième luxation. Il conseille alors de consulter un chirurgien spécialisé pour évaluer la pertinence d’un geste chirurgical pour re-stabiliser cette articulation.

Lors de la consultation spécialisée, le praticien interroge la jeune femme et retient qu’il s’agit d’une quatrième luxation en deux ans. L’examen clinique montre une manœuvre d’Appley et un test de recentrage de Jobe positifs.

L’arthroscanner prescrit par le médecin traitant et réalisé avant la consultation objective des lésions anatomiques capsulo-labrales qui expliquent l’instabilité récidivante de cette articulation.

Devant tous ces éléments paracliniques, et surtout la répétition des épisodes d’instabilité, le praticien propose un traitement chirurgical. L’intervention de Bankart est proposée à la jeune femme, sous arthroscopie dans le cadre d’un parcours ambulatoire. 

Cette dernière accepte après avoir reçu les informations du chirurgien. Elle a bien compris la nécessité d’une observance stricte des consignes postopératoires et de suivre un programme de rééducation sur plusieurs mois avant de retrouver une mobilité optimale.

La consultation d’anesthésie ne retient aucune contre-indication à réaliser cette intervention. Une anesthésie générale est proposée, associée à une anesthésie loco-régionale type bloc interscalénique. Cette stratégie est validée par la patiente.

Le jour J, la patiente est prise en charge au bloc opératoire : le protocole anesthésique et l’intervention chirurgicale sont réalisés sans aucun problème technique signalé.

En fin d’intervention, le matériel chirurgical est démonté pour être immergé dans le bain de produit décontaminant avant transfert en stérilisation. La patiente bénéficie des soins d’hygiène postopératoires immédiats, le pansement et le transfert en Salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) est réalisé. 

La patiente est réchauffée, extubée et sa prise en charge immédiate est sans particularité.

Quelques minutes après l’extubation, la patiente se plaint d’une douleur vive au niveau de l’index droit. L’IDE examine la main de la patiente, et constate une brûlure du doigt. 

Le médecin anesthésiste est prévenu, ainsi que le chirurgien. Une brûlure au 3e degré de la pulpe est objectivée. Un avis d’un chirurgien de la main est pris, qui conseille des soins locaux dans un premier temps, et propose de revoir la patiente dans quelques jours pour un suivi de cette brûlure.

Cette brûlure évoluera vers une nécrose de la pulpe du doigt dans les semaines qui suivront. À 5 semaines de l’incident, le chirurgien de la main procède à une excision de la zone nécrosée et à la réalisation d’un lambeau pédiculé sur l’artère centrale de la pulpe. Les suites opératoires seront simples pour les 2 interventions.

La recherche de la cause de la brûlure semble évidente pour tous : c’est le câble de lumière froide posé sur la patiente sans aucune précaution qui a provoqué la brûlure.

Méthodologie et analyse succincte de cette problématique

La responsable du bloc opératoire, le chirurgien et le médecin anesthésiste ont déclaré cet Événement Indésirable (EI) conjointement par le système de déclaration de l’établissement de santé. La commission Qualité-Gestion des risques lors de leur revue des EI l’a classé comme grave. De plus, faisant partie des événements évitables, il est décidé de réaliser une analyse dans le cadre d’une démarche de gestion des risques.

Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de cette patiente : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier.

Cause immédiate

C'est la patiente qui a signalé une douleur de son index.

Causes profondes


Les conséquences pour la patiente sont importantes :

  • Un parcours ambulatoire transformé en hospitalisation conventionnelle avec des difficultés à trouver un lit dans un contexte de pénurie saisonnière.
  • Une perte de confiance envers l’équipe soignante.
  • Une seconde intervention évitable.
  • Une dépendance induite par l’immobilisation partielle et/ou complète des 2 membres supérieurs (épaule gauche et main droite) avec aide aux gestes élémentaires de la vie à organiser à la sortie de l’établissement de santé.
  • Une diminution de la force de préhension de la pince pouce-index après consolidation objectivée par un expert.

Les conséquences pour l'établissement :

  • Une place difficile à trouver en hospitalisation conventionnelle.
  • Une prolongation de la durée du réveil avec la prise en charge non prévue de la brûlure de l’index.
  • Une réclamation de la patiente.

Barrière qui a détecté l'incident

  • Atténuation : c'est la patiente qui a signalé la brûlure.

Barrières qui n'ont pas fonctionné et qui ont permis l'incident

  • Prévention : la procédure chirurgicale ne définit pas les risques liés à l’intervention et aux dispositifs médicaux nécessaires à sa réalisation.
  • Prévention : les professionnels concernés par cette prise en charge n’étaient pas informés de ce risque.
  • Prévention : la période d’intégration des nouveaux arrivants ne prévoit pas de contenu de connaissances à transmettre, ni d’évaluation des compétences acquises. 
  • Prévention : il n’y a pas de formation organisée à la mise en place de nouveaux dispositifs médicaux.
  • Prévention : la régulation et coordination des programmes opératoires n’est pas optimale (nombreux dépassements signalés objectivés par l’indicateur du taux de débordement).
  • Prévention : pas de partage d’expérience organisé à partir des analyses des événements indésirables déclarés.

Les pistes de réflexion et/ou d'amélioration

  • Organiser des retours d’expérience à partir des événements indésirables analysés : il a été décidé de faire le ¼ heure de la sécurité tous les jeudis matin avec une affiche en relais pour les professionnels absents. Ce temps court permettra la diffusion de messages-clés.
  • Compléter les procédures chirurgicales initialement prévues pour composer les dotations en vue de réaliser l’intervention et l’élargir aux risques liés à l’acte et aux matériels utilisés.
  • Formaliser l’intégration des nouveaux arrivants avec la définition d’un contenu de connaissances et de compétences à maîtriser.
  • Sensibiliser sur la nécessité d’un leadership même en dehors des situations d’urgence, leadership qui devra coordonner les tâches de chacun et rappeler les règles de sécurité à ne pas oublier. Ce rôle peut être tenu par le chirurgien lui-même, ou son aide opératoire si l’expérience est compatible avec le niveau de sécurité à obtenir.
  • Renforcer le rôle du staff de régulation/coordination afin de diminuer le taux de débordement qui reste trop élevé dans ce bloc opératoire. Cette instance doit être reconnue et ses décisions respectées des praticiens qui inscrivent les patients au programme. La direction générale doit participer à cette instance de régulation pour légitimer les décisions prises.

Conclusion

Le facteur humain dans la sécurité des soins doit devenir une préoccupation constante. Les compétences techniques sont importantes, mais il convient également de conserver une approche systémique pour toutes les situations de soins.

La nécessité d’un leadership, surtout lorsqu’une équipe est composée de jeunes professionnels, permet d’éviter bon nombre de dysfonctionnements, voire d’accidents. Cela doit rester une préoccupation constante des organisations.

Pour aller plus loin
"Gestion des risques liés à l'utilisation des sources d'énergie au bloc opératoire" - Journée Nationale de la FCVD 2016